Depuis Astorga
Partis à 6h45, nous parcourons rapidement les 8km qui nous séparent de León pour suivre la messe des pèlerins à la cathédrale. Du haut d'une dernière colline, nous apercevons la ville légionnaire ( de là son nom) occupée dès l'an 70, désertée à l'époque musulmane et puis libérée et intégrée au royaume de Castille. Les constructions s'intensifient ainsi que les rocades et nous atteignons enfin par le Puente del Castro sur le Rio Torio et les vieilles rues bordées de vieux hôtels, d'églises, de couvents...désertes ce samedi matin le cœur historique. Devant un bar, à proximité de la cathédrale, nous prenons un café avant de constater que la messe avait eu lieu à 7h...Nous décidons de visiter les trois monuments principaux: la cathédrale ,merveille d'art gothique très lumineuse avec ses vitraux et ses rosaces exceptionnels et son vaste cloître...Au XII è s. La ville ne comptait que 5000 habitants mais les rois de Castille poursuivaient une politique de prestige et de soutien du christianisme.
La collégiale romane San Isidore contient les reliques de ce grand savant, théologien et musicien de Séville mais aussi le panthéon de 23 tombes royales aux voûtes couvertes de fresques bibliques semblables à des enluminures. Une pièce contient le " St-Graal", orfèvrerie à l'histoire rocambolesque ainsi que des reliquaires et bibles wisigothiques.
Après avoir apprécié, grâce à Critina, les tapas du quartier Humedo- à deux titres, lieu où amis et familles viennent boire un verre avant le repas et lieu bien arrosé ce dimanche midi-nous irons prendre le café dans l'ancien cellier du couvent San Marcos, autrefois monastère et hôpital pour pèlerins de style plateresque du XV ès fondé par les Chevaliers de St Jacques et aujourd'hui parador luxueux où une réception de mariage est déjà préparée dans le cloitre somptueux et un repas dans le grand réfectoire décoré de tapisseries et meubles entiers comme les autres pièces.
Pour sortir de la ville nous prenons le bus jusqu'à la Virgen del Camino...il nous reste encore 14 km pour rejoindre l'auberge municipale de Villadangos del Páramo sous la pluie et les derniers rayons du soleil...Paysage de savane où les graminées or pâle dansent dans la brise...Nous imaginons des girafes mais ne verrons que quelques cigognes.
Nous retrouvons Céline et Santiago en train de souper et nous préparons des pâtes au thon et un bouillon achetés sur place avant de nous endormir dans le dortoir après 12 heures de marche...
Le lendemain, nous cheminons encore dans ce parámo qui fut autrefois un désert mais qui bénéficie depuis 1960 d'un système d'irrigation performant permettant des cultures industrielles de maïs,d'orge et de betteraves. Nous traversons à Orbigo le plus long et remarquable pont romano-médiéval (20 arches et 204 mètres) de tout le chemin à Hospital de Orbigo qui connut les combats de Don Quichotte, des wisigoths contre les Suèves et d'Alphonse III qui vainquit les Maures. Un superbe Hospital de l'Ordre de St Jean de Jérusalem perpétue l'antique tradition hospitalière .Soudain après Santibagnes de Valdeiglesias où nous cassons la croûte en compagnie des joueurs de dominos, le terrain se plisse, ondule et les champs cultivés alternent avec les vignes et les chênes verts sur une terre rouge...Quatre heures de couleurs chaudes sous le soleil et un ciel moucheté de nuages ardoises...au sommet d'une colline, une américaine, directrice de théâtre à Chicago, offre avec ses fils des toasts aux tomates et du jus bio... Ainsi que des glaçons pour soulager le pied enflé de Critina. Michel et Alain arrivent à temps pour nous réserver des lits à l'Albergue d'Astorga et même une physiothérapeute et une podologue bénévoles de l'université d'Alicante pour soigner Cristina et Michel.
À la croix de Santo Toribio, nous découvrons la ville sur son éperon rocheux et en arrière fond les Monts de Leon.
Petit tour dans cette capitale des Astures et des Maragates mais aussi du chocolat et des gâteaux Montecadas que nous fera apprécier Cristina au petit-déjeuner...
Mosaïques romaines d'une superbe villa avec bains, cathédrale baroque aux pierres ocres et rouges, palais épiscopal de Gaudi, couvents aux retables dorés, promenade des remparts,hôtel de ville à l'horloge animée de personnages Maragates...et un délicieux souper du terroir fait maison pour le pèlerin servi par un restaurateur avenant clôture ce beau dimanche frais mais ensoleillé à 900 m d'altitude.A l'Albergue, un groupe de pèlerins de notre âge ou plus âgés débarquent d'un car avec grandes valises, des sacs de voyage et des petits sacs à dos...un dortoir semble leur être réservés...À Astorga, arrivent beaucoup de nouveaux pèlerins souvent des jeunes espagnols à pied ou en vélo pour les derniers 300 km...
Depuis Foncebadon à 1400m
Une journée enchantée ou enchanteresse...Nous descendons d'Astorga en longeant la nationale mais après 4km, à hauteur du petit ermitage restauré de l'Ecce Homo nous prenons une jolie piste à travers la garrigue parfumée des Monts de León qui, par une lente progression dans la garrigue verte et ouvert sur la montagne environnante, nous amène à traverser des villages de pierre à balcons de bois. Beaucoup semblaient vouer à une extinction inéluctable il y a 15 ans mais la Renaissance du Camino leur a redonné vie. À Rabanal del Camino, des Anglais de la Fraternité de St Jacques ont restauré l'ancien refuge et depuis plusieurs albergues et tiendas se sont installées dans la seule rue, la Calle Real où nous dégustons une bonne tortilla avec une salade maison. Nous dépassons des groupes tout pimpants, chaussettes acidulées, chaussures neuves et T-Shirts sentant le Coral sur bermudas repassés avec plis .Nous nous sentons à nouveau moyenâgeux, nous les puants, les poussiéreux aux tenues décolorées et chaussettes de mérinos lavées ...100 fois. Nous continuons ensuite l'ascension dans les pâturages, les genêts, les digitales et les bruyères violettes. Un bel abreuvoir d'eau froide nous permet une pause rafraîchissante pour des gambettes surchauffées. La vue sur la vallée, le silence, l'air pur nous ravissent...Encore quelques km et nous atteignons le vieux village de Foncebadón sur le flanc oriental du Mont Irago. Dispensé de dîmes par l'Eglise pour accueillir dans son refuge dès le XI è. s des pèlerins, le village fut un haut lieu spirituel avec un concile au Xê et un couvent édifié par le roi Alphonse VI. À partir de 1850, les maisons sont désertées et l'église tombe en ruine, son clocher menace de tomber et la nef sert d'étable. Aujourd'hui, dans cette grande solitude, le village est à nouveau habité et la petite église est restaurée en refuge paroissial. Dans l'abside, un jeune frère Augustin colombien anime une petite célébration à 19h dans la nef : Bible, cœur, flammes, cailloux, bâton symbolisent el camino; le frère nous lave à chacun un pied ( ce geste prend évidemment tout son sens pour des pieds fatigués et poussiéreux ), lit l'évangile de l'aveugle Bartimée et nous parle de continuer à construire dans nos vies ce monde de fraternité et de service vécu sur le chemin symbolisé par une embrassade pèlerine ( prendre dans ses bras est un signe très fort de soutien et de bénédiction mutuels avec tape dans le dos ) avec ses voisins...Santiago prie pour sa maman.
Céline est partie en clinique en taxi car elle se sent mal, fatiguée et déshydratée...Elle nous a confiié son petit Santiago qui vient souper avec nous d'une paella dans un refuge voisin du nôtre, celui de La Druida où nous partagerons une chambrée de huit.
Moment fort du Camino, l'arrivée à la Cruz de Ferro(terme galicien pour désigner une croix de fer): une petite croix plantée sur un tronc de chêne de 5 m est dressée sur un cairn constitué de toutes les pierres apportées par les pèlerins avec leurs intentions et les soucis offerts au Christ...Santiago y déposera son caillou emporté depuis Fontainebleau...
Nous atteignons la cime à 1550 m avant de redescendre vers Pontferrada le reste de la journée sur le versant fort chaud. Céline nous rejoint avec sa potion réhydratante à mi-parcours. Les châtaigniers centenaires remplacent les chênes , sources et fontaines abondent, les ardoises remplacent les tuiles dans les villages à balcons fleuris...Une petite baignade dans le Rio Mercuelo bien frais nous détend à Molinaseca avant d' entamer 8 km le long de la chaussée torride...
Bel accueil d'hospitaliers internationaux à l'Albergue San Nicolas de Flué, fondée par un suisse. Nous sommes 180 à nous partager les sanitaires et à occuper des grands dortoirs..." On va dormir dans un parking" s'exclame Santiago quand il découvre le dortoir au sous-sol avec ses tuyaux...où nous rejoignent une bande de jeunes espagnols sympathiques et bruyants...Il y a longtemps que nous nous sommes habituer à la promiscuité ...et une douche suffit à notre bonheur. Non, il faut aussi manger. Après une célébration et une bénédiction * des pèlerins par un franciscains, nous soupons de Huevos Rotos sur la Plaza Mayor car la cuisine est trop encombrée ...tandis que dans le jardin un médecin offre des soins aux pèlerins en souffrance....
*"Que le Seigneur te bénisse et te garde, qu'il te montre sa face et te fasse miséricorde. Qu'il tourne vers toi son visage et te donne la paix. Que le seigneur te bénisse "St François d'Assise
Depuis Pereje
Nous nous levons, ce 23 juin, à 5h bien fatigués et quittons la ville en admirant la forteresse des Templiers avec ses triples remparts crénelés depuis le pont sur le Bierzo qui donne son nom à la vallée que nous allons traverser aujourd'hui au milieu des vignes, des arbres fruitiers et des petits villages viticoles. Je dépasse trois américains d'une quartaine d'années qui m'interrogent: "Amazing...from Belgium!" s'exclament-ils...Un pas après l'autre...
Nous nous arrêtons à Villanfranca del Bierzo pour nous restaurer et décidons à l'unanimité de poursuivre jusqu'au petit village de Pereje afin de nous rapprocher de l'ascension d'O Cerebreiro semblable à celle de Roncesvalles. La ville née du passage des pèlerins francs était régie par des moines clunisiens et comptait deux mairies au XIIè s.,une française et une espagnole. Églises, château des Marquis, couvents et anciennes demeures renaissances à balcons aux belles ferronneries bordent le chemin vers le Rio Burbio. Nous longeons ensuite la N6 que nous quittons pour trouver l'auberge Vecinale aménagée dans une jolie maison de pierre. Alain s'endort immédiatement pour une sieste prolongée. Le menu du pèlerin préparé par la mama du jeune tenancier du seul bar et un bain de pieds dans la petite fontaine combattent un peu la fatigue à nouveau accumulée au cours de ces 28 km sous la chaleur et le gonflement général des pieds de notre petit groupe depuis une semaine...Quelques étirements, un peu d'écriture...des bonnes nouvelles de la famille, la réservation du billet d'avion pour le 5 août...175 km pour Santiago, 100 de plus pour Finisterra et puis retour et retrouvailles avec notre chère famille et amis. Buenas Noches. Debout à 4h30 demain...
Depuis Hospital de Condesa
Nous sortons rapidement du dortoir ,où les moustiques ont fait bonne chère, nos sacs afin d'y mettre un peu d'ordre à la lumière du hall d'entrée et nous admirons le ciel sans lune. Cette fois, la Voie Lactée a déroulé toutes ses paillettes pour nous tracer la route vers Compostelle, du Levant au Couchant...Nous mangeons un bout de tartine dans le noir devant l' albergue encore fermée du village suivant et continuons jusqu'à un routier sous l'autoroute pour prendre enfin après 10km un café avec du pain grillé. Nous sommes prêts pour affronter O Cebreiro, deuxième sommet emblématique après le col de Roncesvalles sur le Camino à 1300m...À Véga de Valcares, de jolies nordiques optent pour l'équitation tandis que nous entamons les 15km de côte sur un sentier empierré semblable au lit d'un torrent bordé par des bouleaux et des chênes couverts de lichens et ensuite,plus on s'élève, par des fleurs : bruyères, digitales, mauves, achillées blanches, genêts, campanules ...Peu à peu, la vue se dégage et nous nous apercevons que nous sommes entourés de montagnes arrondies toutes vertes émergeant de profones vallées. Un panneau indique l'entrée dans la région autonome de Galice...Cristina est chez elle et nous sommes heureux de découvrir ce pays dont elle enseigne la langue et connaît si bien la culture. La brume nous enveloppe soudain...Un beau chemin à flanc de montagne débouche enfin par une ouverture dans un mur de pierres sèches sur la petite esplanade devant l'église de N-D d'O Cebreiro où nous nous recueillons. Un couvent de bénédictins accueillit pendant 1000 ans les pèlerins dont St François d'Assise. Nous découvrons dans ce minuscule village de quelques foyers les premières paillon as, maisons typiquement galiciennes d'origine préhistorique arrondies en pierres plates couvertes de paille de seigle cousue avec du genêt qui réunissaient une famille et des animaux domestiques sous le même toit et autrefois abrita les pèlerins...
La brume confère au lieu une ambiance celtique mystérieuse. Nous entrons dans un restaurant rustiqueoù deux maîtresses-femmes tournent dans des chaudrons placés sous l'antique cheminée: caldo gallego ( soupe aux choux et fèves ) et guisado ( ragoût ) conviennent parfaitement à des pèlerins refroidis et affamés. Des japonais tournent un film sur le Camino dans la salle avec un célèbre pianiste "pèlerin" au grand dam des tenancières. Céline et Santiago se font interviewer...
Comme il n'est que 14h, nous décidons de poursuivre vers Hospital de Condesa à 10km...Les fleurs sauvages et les fougères abondent et escortent notre progression. Des petites églises de pierre au clocher-porche laissent voir leur intérieur derrière une grille où pend le tampon pour la credenciale. À l'Albergue, la réceptionniste n'est guère aimable et la superbe cuisine et salle à manger moderne ne disposent d'aucune vaisselle et matériel pour cuisiner...Nous prendrons le menu pour pèlerin dans le seul petit restaurant du village pendant que le linge lessivé en commun avec les copains comme chaque soir nsèche sur le fil au grand vent du soir...Dans les près clos de murets, les belles rousses ruminent et le foin fauché embaume.
Depuis Sarria, 25 juillet, fête de Santigo...
Dans le resto de montagne de la veille, nous retrouvons à 7h30 d'autres pèlerins tellement de fois croisés qui s'arrêtent pour prendre le déjeuner: jus frais, grosses tartines grillées et café...
La féerie verte se poursuit dans la brume qui monte de la vallée et puis le soleil inonde le sommet de l'Alto do Poio. Nous suivons ensuite le flanc de la montagne dans un jardin de rocailles...Le Camino descend en traversant la seule rue de petits villages où les vaches s'en vont pâturer...D'une grange surgit soudain une vieille paysanne pour nous proposer ses crêpes contre un donativo, plus loin une autre vend des fruits des bois devant sa maison proche d'un châtaignier de 800 ans. Les arbres anciens, chênes et châtaigniers, ainsi que mirabelliers, pommiers et poiriers, figuiers, pruniers, mûriers et fraisiers, sources et potagers bien garnis de grands choux verts nous renvoient à l'Eden ou aux campagnes des contes de fées de notre enfance...
Pause gourmande à Tricastela: poulpe, coquille St Jacques, chourasco à la parrillada, des champignons des bois, langue de veau....Nous fêtons Santiago comme il se doit en ce jour férié espagnol...
Les 15 derniers km seront eux aussi un régal avec les chemins creux bordés de vieux arbres, de ruisseaux, de calvaires et les vallées profondes où Sarria se profile. Nous montons, descendons, passons des fermes, des chapelles, croisons les premiers horreos, greniers à maïs sur pied avec sur les deux faces, une croix et un genre de chapeau de sorcière pointu pour chasser les sorcières et mauvais esprits...Les jambes commencent à se raidir après 30 km et tant d'heures de marche sous le soleil...Il est 18h30 quand nous déposons, épuisés,le sac au sommet opposé de la ville dans l'abbaye de La Magdalena, située à la borne 111km de Santiago et dont les bons pères sont partis fêter le grand Saint dans les villages voisins....Le décompte vers Santiago s'effectue depuis la verte Galice tous les 500m...Dans la ville, les albergues sont nombreuses et les nouveaux pèlerins affluent, souvent par groupes, pour effectuer les derniers cents km donnant droit à la Compostella...Bouillon et pâtes nourrissent la petite troupe dans la cuisine...Santiago a bien marché pour son jour de fête! Bravo petit homme!!!!
Depuis Portomarin
Départ difficile pour Cristina qui se lève avec le pied gonflé et raide et pour Céline qui se fait un tour de rein.Je marche à leur rythme et celui de Santiago portant bravement son sac à dos en me racontant des histoires fabuleuses de héros ou des blagues de Toto...Nous déjeunons dans un petit bar après 8 km ...Le paysage ressemble à un décor de Béatrix Potter, d'Harry Potter ou de Seigneur des Anneaux avec ses vieux arbres noueux, ses drailles -chemin creux bordés de hauts murs de pierres plates sèches pour mener les troupeaux aux pâturages - ses dalles levées clôturant les prés où gambadent les moutons beiges et marrons, ses petits hameaux parsemés sur les collines, ses noisetiers, ses ponts de pierre enjambant des ruisseaux clairs, ses barrières de bois comme fossilisées de la même teinte gris-bronze que les murs moussus, ses corredoiras::aménagement de gués en pierres plates longeant la "chaussée" inondée par le ruisseau..Les petits sédums fleurissent sur les toits de lauzes et le paysan remue le foin parfumé avec sa griffe rotative tandis qu'un peuple de pèlerins arpentent ces sentes buissonnières. Quelle décalage à nouveau entre notre démarche inscrite dans la durée et ces nouveaux pèlerins avec le baladeur dans les oreilles, le petit sac en bandoulière bardé d'une énorme coquille et aussi parfois juchés sur des bolides VTT ...On avait dit " placide"...Chacun sa route, chacun son chemin...chacun sa démarche pèlerine ...et bravo à cette belle jeunesse , ces familles qui chantent..."Buen Camino hacia Santiago!"
21 km...une belle balade pour savourer la douceur et la beauté de cette Terre Promise après les épreuves des étapes monotones, torrides, humides, escarpées,..." C'est le cadeau de St Jacques" me dit Cristina, la galicienne. Nous te portons Grand Saint le souhait d'un monde aussi paisible et beau pour tous nos proches qui nous envoient leurs messages de souffrances et toutes ces familles palestiniennes endeuillées et désespérées.
Borne100...est-ce possible??? Les images se bousculent...Tant de km depuis les premiers pas franchis pour traverser notre village...Lens, Herchies...Hornu...Paris...
Tant de pèlerins lointains qui nous ont accompagnés par leurs pensées, leurs prières, leurs messages sur ce Camino unique où Jacques continue de proclamer à toutes les Nations la Bonne Nouvelle de la fraternité universelle...
À la borne 89, nous atteignons Portomarin surplombant le barrage dont l'église romane fortifiée San Juan fut remontée de la vallée avec quelques belles demeures avant l'inondation de la vallée du Rio Mino. dans les années 60 pour y installer un barrage. À l'Albergue, à 19h, arrivent trois forts espagnols tatoués vus au terrasse des bars du Camino...L'un d'eux, voyant le pied gonflé de Cristina et le dos tordu de Céline, les ausculte et les manipule de quelques torsions expertes...Il est ostéopathe et s'appelle Jesus( à prononcer très fort à l'espagnole )...
Alain s'active pour nous proposer une belle assiette froide colorée ...
Depuis Palas de Rei
25 km en 4h45...en forte côte au départ et puis en montée progressive en suivant des pistes aménagées le long de la route et enfin en traversant de paisibles villages galiciens avec horreos et calvaires de granite dont celui de Ligonde, le plus beau,en face d'un vieux chêne avec le Christ en croix sur une face et une pietà sur l'autre, au pied les instruments de la passion...Comment ne pas penser à la Bretagne?
Les forêt d'eucalyptus font leur apparition et les pins réapparaissent...
La marche fait à présent totalement partie de notre manière d'être et de vivre...Il faudra désormais l'intégrer dans notre vie...?
Cuisine du terroir...Menu du jour à 9€....Soupe de poissons, poulpes sur pdt au safran, gâteau de Santiago aux amandes...et sieste dans notre belle chambre de 7 à l'Albergue San Marcos toute neuve.
Depuis Arzúa
Une longue étape de 30km où on ne se lasse pas de musarder dans ces forêts de chênes, de châtaigniers et d'eucalyptus qui s'enchaînent...Nous parcourons les chemins creux profonds et obscurs d'une vallée à l'autre en passant sur des gués et des ponts romans en dos d'âne et en traversant de petits villages où chaque jardin expose son horreo, son église romane, ses vestiges de refuges...
et ses choux sur hautes tiges à effeuiller chaque jour...Le temps semblerait s'être arrêté au début du siècle dernier s'il ne fallait croiser ou surplomber la N547. Pas question cette fois d'envier l'automobiliste qui ignore tout de cette Galice champêtre !
"Peregrinus" a pour racine "per ager" à travers champ ou "per eger" passage de frontières .où le voyageur devient un étranger. Le pèlerin devient donc le symbole universel du caractère transitoire de toute situation et du détachement par rapport au présent.
À Arzua, la borne indique 37,5. Nous ferons deux étapes pour arriver tôt à Santiago le mercredi 30 juillet...Nous en sommes tous étonnés ce soir en partageant un bon repas galicien à la Mesón Teodora...
Depuis Astorga
Partis à 6h45, nous parcourons rapidement les 8km qui nous séparent de León pour suivre la messe des pèlerins à la cathédrale. Du haut d'une dernière colline, nous apercevons la ville légionnaire ( de là son nom) occupée dès l'an 70, désertée à l'époque musulmane et puis libérée et intégrée au royaume de Castille. Les constructions s'intensifient ainsi que les rocades et nous atteignons enfin par le Puente del Castro sur le Rio Torio et les vieilles rues bordées de vieux hôtels, d'églises, de couvents...désertes ce samedi matin le cœur historique. Devant un bar, à proximité de la cathédrale, nous prenons un café avant de constater que la messe avait eu lieu à 7h...Nous décidons de visiter les trois monuments principaux: la cathédrale ,merveille d'art gothique très lumineuse avec ses vitraux et ses rosaces exceptionnels et son vaste cloître...Au XII è s. La ville ne comptait que 5000 habitants mais les rois de Castille poursuivaient une politique de prestige et de soutien du christianisme.
La collégiale romane San Isidore contient les reliques de ce grand savant, théologien et musicien de Séville mais aussi le panthéon de 23 tombes royales aux voûtes couvertes de fresques bibliques semblables à des enluminures. Une pièce contient le " St-Graal", orfèvrerie à l'histoire rocambolesque ainsi que des reliquaires et bibles wisigothiques.
Après avoir apprécié, grâce à Critina, les tapas du quartier Humedo- à deux titres, lieu où amis et familles viennent boire un verre avant le repas et lieu bien arrosé ce dimanche midi-nous irons prendre le café dans l'ancien cellier du couvent San Marcos, autrefois monastère et hôpital pour pèlerins de style plateresque du XV ès fondé par les Chevaliers de St Jacques et aujourd'hui parador luxueux où une réception de mariage est déjà préparée dans le cloitre somptueux et un repas dans le grand réfectoire décoré de tapisseries et meubles entiers comme les autres pièces.
Pour sortir de la ville nous prenons le bus jusqu'à la Virgen del Camino...il nous reste encore 14 km pour rejoindre l'auberge municipale de Villadangos del Páramo sous la pluie et les derniers rayons du soleil...Paysage de savane où les graminées or pâle dansent dans la brise...Nous imaginons des girafes mais ne verrons que quelques cigognes.
Nous retrouvons Céline et Santiago en train de souper et nous préparons des pâtes au thon et un bouillon achetés sur place avant de nous endormir dans le dortoir après 12 heures de marche...
Le lendemain, nous cheminons encore dans ce parámo qui fut autrefois un désert mais qui bénéficie depuis 1960 d'un système d'irrigation performant permettant des cultures industrielles de maïs,d'orge et de betteraves. Nous traversons à Orbigo le plus long et remarquable pont romano-médiéval (20 arches et 204 mètres) de tout le chemin à Hospital de Orbigo qui connut les combats de Don Quichotte, des wisigoths contre les Suèves et d'Alphonse III qui vainquit les Maures. Un superbe Hospital de l'Ordre de St Jean de Jérusalem perpétue l'antique tradition hospitalière .Soudain après Santibagnes de Valdeiglesias où nous cassons la croûte en compagnie des joueurs de dominos, le terrain se plisse, ondule et les champs cultivés alternent avec les vignes et les chênes verts sur une terre rouge...Quatre heures de couleurs chaudes sous le soleil et un ciel moucheté de nuages ardoises...au sommet d'une colline, une américaine, directrice de théâtre à Chicago, offre avec ses fils des toasts aux tomates et du jus bio... Ainsi que des glaçons pour soulager le pied enflé de Critina. Michel et Alain arrivent à temps pour nous réserver des lits à l'Albergue d'Astorga et même une physiothérapeute et une podologue bénévoles de l'université d'Alicante pour soigner Cristina et Michel.
À la croix de Santo Toribio, nous découvrons la ville sur son éperon rocheux et en arrière fond les Monts de Leon.
Petit tour dans cette capitale des Astures et des Maragates mais aussi du chocolat et des gâteaux Montecadas que nous fera apprécier Cristina au petit-déjeuner...
Mosaïques romaines d'une superbe villa avec bains, cathédrale baroque aux pierres ocres et rouges, palais épiscopal de Gaudi, couvents aux retables dorés, promenade des remparts,hôtel de ville à l'horloge animée de personnages Maragates...et un délicieux souper du terroir fait maison pour le pèlerin servi par un restaurateur avenant clôture ce beau dimanche frais mais ensoleillé à 900 m d'altitude.A l'Albergue, un groupe de pèlerins de notre âge ou plus âgés débarquent d'un car avec grandes valises, des sacs de voyage et des petits sacs à dos...un dortoir semble leur être réservés...À Astorga, arrivent beaucoup de nouveaux pèlerins souvent des jeunes espagnols à pied ou en vélo pour les derniers 300 km...
Depuis Foncebadon à 1400m
Une journée enchantée ou enchanteresse...Nous descendons d'Astorga en longeant la nationale mais après 4km, à hauteur du petit ermitage restauré de l'Ecce Homo nous prenons une jolie piste à travers la garrigue parfumée des Monts de León qui, par une lente progression dans la garrigue verte et ouvert sur la montagne environnante, nous amène à traverser des villages de pierre à balcons de bois. Beaucoup semblaient vouer à une extinction inéluctable il y a 15 ans mais la Renaissance du Camino leur a redonné vie. À Rabanal del Camino, des Anglais de la Fraternité de St Jacques ont restauré l'ancien refuge et depuis plusieurs albergues et tiendas se sont installées dans la seule rue, la Calle Real où nous dégustons une bonne tortilla avec une salade maison. Nous dépassons des groupes tout pimpants, chaussettes acidulées, chaussures neuves et T-Shirts sentant le Coral sur bermudas repassés avec plis .Nous nous sentons à nouveau moyenâgeux, nous les puants, les poussiéreux aux tenues décolorées et chaussettes de mérinos lavées ...100 fois. Nous continuons ensuite l'ascension dans les pâturages, les genêts, les digitales et les bruyères violettes. Un bel abreuvoir d'eau froide nous permet une pause rafraîchissante pour des gambettes surchauffées. La vue sur la vallée, le silence, l'air pur nous ravissent...Encore quelques km et nous atteignons le vieux village de Foncebadón sur le flanc oriental du Mont Irago. Dispensé de dîmes par l'Eglise pour accueillir dans son refuge dès le XI è. s des pèlerins, le village fut un haut lieu spirituel avec un concile au Xê et un couvent édifié par le roi Alphonse VI. À partir de 1850, les maisons sont désertées et l'église tombe en ruine, son clocher menace de tomber et la nef sert d'étable. Aujourd'hui, dans cette grande solitude, le village est à nouveau habité et la petite église est restaurée en refuge paroissial. Dans l'abside, un jeune frère Augustin colombien anime une petite célébration à 19h dans la nef : Bible, cœur, flammes, cailloux, bâton symbolisent el camino; le frère nous lave à chacun un pied ( ce geste prend évidemment tout son sens pour des pieds fatigués et poussiéreux ), lit l'évangile de l'aveugle Bartimée et nous parle de continuer à construire dans nos vies ce monde de fraternité et de service vécu sur le chemin symbolisé par une embrassade pèlerine ( prendre dans ses bras est un signe très fort de soutien et de bénédiction mutuels avec tape dans le dos ) avec ses voisins...Santiago prie pour sa maman.
Céline est partie en clinique en taxi car elle se sent mal, fatiguée et déshydratée...Elle nous a confiié son petit Santiago qui vient souper avec nous d'une paella dans un refuge voisin du nôtre, celui de La Druida où nous partagerons une chambrée de huit.
Moment fort du Camino, l'arrivée à la Cruz de Ferro(terme galicien pour désigner une croix de fer): une petite croix plantée sur un tronc de chêne de 5 m est dressée sur un cairn constitué de toutes les pierres apportées par les pèlerins avec leurs intentions et les soucis offerts au Christ...Santiago y déposera son caillou emporté depuis Fontainebleau...
Nous atteignons la cime à 1550 m avant de redescendre vers Pontferrada le reste de la journée sur le versant fort chaud. Céline nous rejoint avec sa potion réhydratante à mi-parcours. Les châtaigniers centenaires remplacent les chênes , sources et fontaines abondent, les ardoises remplacent les tuiles dans les villages à balcons fleuris...Une petite baignade dans le Rio Mercuelo bien frais nous détend à Molinaseca avant d' entamer 8 km le long de la chaussée torride...
Bel accueil d'hospitaliers internationaux à l'Albergue San Nicolas de Flué, fondée par un suisse. Nous sommes 180 à nous partager les sanitaires et à occuper des grands dortoirs..." On va dormir dans un parking" s'exclame Santiago quand il découvre le dortoir au sous-sol avec ses tuyaux...où nous rejoignent une bande de jeunes espagnols sympathiques et bruyants...Il y a longtemps que nous nous sommes habituer à la promiscuité ...et une douche suffit à notre bonheur. Non, il faut aussi manger. Après une célébration et une bénédiction * des pèlerins par un franciscains, nous soupons de Huevos Rotos sur la Plaza Mayor car la cuisine est trop encombrée ...tandis que dans le jardin un médecin offre des soins aux pèlerins en souffrance....
*"Que le Seigneur te bénisse et te garde, qu'il te montre sa face et te fasse miséricorde. Qu'il tourne vers toi son visage et te donne la paix. Que le seigneur te bénisse "St François d'Assise
Depuis Pereje
Nous nous levons, ce 23 juin, à 5h bien fatigués et quittons la ville en admirant la forteresse des Templiers avec ses triples remparts crénelés depuis le pont sur le Bierzo qui donne son nom à la vallée que nous allons traverser aujourd'hui au milieu des vignes, des arbres fruitiers et des petits villages viticoles. Je dépasse trois américains d'une quartaine d'années qui m'interrogent: "Amazing...from Belgium!" s'exclament-ils...Un pas après l'autre...
Nous nous arrêtons à Villanfranca del Bierzo pour nous restaurer et décidons à l'unanimité de poursuivre jusqu'au petit village de Pereje afin de nous rapprocher de l'ascension d'O Cerebreiro semblable à celle de Roncesvalles. La ville née du passage des pèlerins francs était régie par des moines clunisiens et comptait deux mairies au XIIè s.,une française et une espagnole. Églises, château des Marquis, couvents et anciennes demeures renaissances à balcons aux belles ferronneries bordent le chemin vers le Rio Burbio. Nous longeons ensuite la N6 que nous quittons pour trouver l'auberge Vecinale aménagée dans une jolie maison de pierre. Alain s'endort immédiatement pour une sieste prolongée. Le menu du pèlerin préparé par la mama du jeune tenancier du seul bar et un bain de pieds dans la petite fontaine combattent un peu la fatigue à nouveau accumulée au cours de ces 28 km sous la chaleur et le gonflement général des pieds de notre petit groupe depuis une semaine...Quelques étirements, un peu d'écriture...des bonnes nouvelles de la famille, la réservation du billet d'avion pour le 5 août...175 km pour Santiago, 100 de plus pour Finisterra et puis retour et retrouvailles avec notre chère famille et amis. Buenas Noches. Debout à 4h30 demain...
Depuis Hospital de Condesa
Nous sortons rapidement du dortoir ,où les moustiques ont fait bonne chère, nos sacs afin d'y mettre un peu d'ordre à la lumière du hall d'entrée et nous admirons le ciel sans lune. Cette fois, la Voie Lactée a déroulé toutes ses paillettes pour nous tracer la route vers Compostelle, du Levant au Couchant...Nous mangeons un bout de tartine dans le noir devant l' albergue encore fermée du village suivant et continuons jusqu'à un routier sous l'autoroute pour prendre enfin après 10km un café avec du pain grillé. Nous sommes prêts pour affronter O Cebreiro, deuxième sommet emblématique après le col de Roncesvalles sur le Camino à 1300m...À Véga de Valcares, de jolies nordiques optent pour l'équitation tandis que nous entamons les 15km de côte sur un sentier empierré semblable au lit d'un torrent bordé par des bouleaux et des chênes couverts de lichens et ensuite,plus on s'élève, par des fleurs : bruyères, digitales, mauves, achillées blanches, genêts, campanules ...Peu à peu, la vue se dégage et nous nous apercevons que nous sommes entourés de montagnes arrondies toutes vertes émergeant de profones vallées. Un panneau indique l'entrée dans la région autonome de Galice...Cristina est chez elle et nous sommes heureux de découvrir ce pays dont elle enseigne la langue et connaît si bien la culture. La brume nous enveloppe soudain...Un beau chemin à flanc de montagne débouche enfin par une ouverture dans un mur de pierres sèches sur la petite esplanade devant l'église de N-D d'O Cebreiro où nous nous recueillons. Un couvent de bénédictins accueillit pendant 1000 ans les pèlerins dont St François d'Assise. Nous découvrons dans ce minuscule village de quelques foyers les premières paillon as, maisons typiquement galiciennes d'origine préhistorique arrondies en pierres plates couvertes de paille de seigle cousue avec du genêt qui réunissaient une famille et des animaux domestiques sous le même toit et autrefois abrita les pèlerins...
La brume confère au lieu une ambiance celtique mystérieuse. Nous entrons dans un restaurant rustiqueoù deux maîtresses-femmes tournent dans des chaudrons placés sous l'antique cheminée: caldo gallego ( soupe aux choux et fèves ) et guisado ( ragoût ) conviennent parfaitement à des pèlerins refroidis et affamés. Des japonais tournent un film sur le Camino dans la salle avec un célèbre pianiste "pèlerin" au grand dam des tenancières. Céline et Santiago se font interviewer...
Comme il n'est que 14h, nous décidons de poursuivre vers Hospital de Condesa à 10km...Les fleurs sauvages et les fougères abondent et escortent notre progression. Des petites églises de pierre au clocher-porche laissent voir leur intérieur derrière une grille où pend le tampon pour la credenciale. À l'Albergue, la réceptionniste n'est guère aimable et la superbe cuisine et salle à manger moderne ne disposent d'aucune vaisselle et matériel pour cuisiner...Nous prendrons le menu pour pèlerin dans le seul petit restaurant du village pendant que le linge lessivé en commun avec les copains comme chaque soir nsèche sur le fil au grand vent du soir...Dans les près clos de murets, les belles rousses ruminent et le foin fauché embaume.
Depuis Sarria, 25 juillet, fête de Santigo...
Dans le resto de montagne de la veille, nous retrouvons à 7h30 d'autres pèlerins tellement de fois croisés qui s'arrêtent pour prendre le déjeuner: jus frais, grosses tartines grillées et café...
La féerie verte se poursuit dans la brume qui monte de la vallée et puis le soleil inonde le sommet de l'Alto do Poio. Nous suivons ensuite le flanc de la montagne dans un jardin de rocailles...Le Camino descend en traversant la seule rue de petits villages où les vaches s'en vont pâturer...D'une grange surgit soudain une vieille paysanne pour nous proposer ses crêpes contre un donativo, plus loin une autre vend des fruits des bois devant sa maison proche d'un châtaignier de 800 ans. Les arbres anciens, chênes et châtaigniers, ainsi que mirabelliers, pommiers et poiriers, figuiers, pruniers, mûriers et fraisiers, sources et potagers bien garnis de grands choux verts nous renvoient à l'Eden ou aux campagnes des contes de fées de notre enfance...
Pause gourmande à Tricastela: poulpe, coquille St Jacques, chourasco à la parrillada, des champignons des bois, langue de veau....Nous fêtons Santiago comme il se doit en ce jour férié espagnol...
Les 15 derniers km seront eux aussi un régal avec les chemins creux bordés de vieux arbres, de ruisseaux, de calvaires et les vallées profondes où Sarria se profile. Nous montons, descendons, passons des fermes, des chapelles, croisons les premiers horreos, greniers à maïs sur pied avec sur les deux faces, une croix et un genre de chapeau de sorcière pointu pour chasser les sorcières et mauvais esprits...Les jambes commencent à se raidir après 30 km et tant d'heures de marche sous le soleil...Il est 18h30 quand nous déposons, épuisés,le sac au sommet opposé de la ville dans l'abbaye de La Magdalena, située à la borne 111km de Santiago et dont les bons pères sont partis fêter le grand Saint dans les villages voisins....Le décompte vers Santiago s'effectue depuis la verte Galice tous les 500m...Dans la ville, les albergues sont nombreuses et les nouveaux pèlerins affluent, souvent par groupes, pour effectuer les derniers cents km donnant droit à la Compostella...Bouillon et pâtes nourrissent la petite troupe dans la cuisine...Santiago a bien marché pour son jour de fête! Bravo petit homme!!!!
Depuis Portomarin
Départ difficile pour Cristina qui se lève avec le pied gonflé et raide et pour Céline qui se fait un tour de rein.Je marche à leur rythme et celui de Santiago portant bravement son sac à dos en me racontant des histoires fabuleuses de héros ou des blagues de Toto...Nous déjeunons dans un petit bar après 8 km ...Le paysage ressemble à un décor de Béatrix Potter, d'Harry Potter ou de Seigneur des Anneaux avec ses vieux arbres noueux, ses drailles -chemin creux bordés de hauts murs de pierres plates sèches pour mener les troupeaux aux pâturages - ses dalles levées clôturant les prés où gambadent les moutons beiges et marrons, ses petits hameaux parsemés sur les collines, ses noisetiers, ses ponts de pierre enjambant des ruisseaux clairs, ses barrières de bois comme fossilisées de la même teinte gris-bronze que les murs moussus, ses corredoiras::aménagement de gués en pierres plates longeant la "chaussée" inondée par le ruisseau..Les petits sédums fleurissent sur les toits de lauzes et le paysan remue le foin parfumé avec sa griffe rotative tandis qu'un peuple de pèlerins arpentent ces sentes buissonnières. Quelle décalage à nouveau entre notre démarche inscrite dans la durée et ces nouveaux pèlerins avec le baladeur dans les oreilles, le petit sac en bandoulière bardé d'une énorme coquille et aussi parfois juchés sur des bolides VTT ...On avait dit " placide"...Chacun sa route, chacun son chemin...chacun sa démarche pèlerine ...et bravo à cette belle jeunesse , ces familles qui chantent..."Buen Camino hacia Santiago!"
21 km...une belle balade pour savourer la douceur et la beauté de cette Terre Promise après les épreuves des étapes monotones, torrides, humides, escarpées,..." C'est le cadeau de St Jacques" me dit Cristina, la galicienne. Nous te portons Grand Saint le souhait d'un monde aussi paisible et beau pour tous nos proches qui nous envoient leurs messages de souffrances et toutes ces familles palestiniennes endeuillées et désespérées.
Borne100...est-ce possible??? Les images se bousculent...Tant de km depuis les premiers pas franchis pour traverser notre village...Lens, Herchies...Hornu...Paris...
Tant de pèlerins lointains qui nous ont accompagnés par leurs pensées, leurs prières, leurs messages sur ce Camino unique où Jacques continue de proclamer à toutes les Nations la Bonne Nouvelle de la fraternité universelle...
À la borne 89, nous atteignons Portomarin surplombant le barrage dont l'église romane fortifiée San Juan fut remontée de la vallée avec quelques belles demeures avant l'inondation de la vallée du Rio Mino. dans les années 60 pour y installer un barrage. À l'Albergue, à 19h, arrivent trois forts espagnols tatoués vus au terrasse des bars du Camino...L'un d'eux, voyant le pied gonflé de Cristina et le dos tordu de Céline, les ausculte et les manipule de quelques torsions expertes...Il est ostéopathe et s'appelle Jesus( à prononcer très fort à l'espagnole )...
Alain s'active pour nous proposer une belle assiette froide colorée ...
Depuis Palas de Rei
25 km en 4h45...en forte côte au départ et puis en montée progressive en suivant des pistes aménagées le long de la route et enfin en traversant de paisibles villages galiciens avec horreos et calvaires de granite dont celui de Ligonde, le plus beau,en face d'un vieux chêne avec le Christ en croix sur une face et une pietà sur l'autre, au pied les instruments de la passion...Comment ne pas penser à la Bretagne?
Les forêt d'eucalyptus font leur apparition et les pins réapparaissent...
La marche fait à présent totalement partie de notre manière d'être et de vivre...Il faudra désormais l'intégrer dans notre vie...?
Cuisine du terroir...Menu du jour à 9€....Soupe de poissons, poulpes sur pdt au safran, gâteau de Santiago aux amandes...et sieste dans notre belle chambre de 7 à l'Albergue San Marcos toute neuve.
Depuis Arzúa
Une longue étape de 30km où on ne se lasse pas de musarder dans ces forêts de chênes, de châtaigniers et d'eucalyptus qui s'enchaînent...Nous parcourons les chemins creux profonds et obscurs d'une vallée à l'autre en passant sur des gués et des ponts romans en dos d'âne et en traversant de petits villages où chaque jardin expose son horreo, son église romane, ses vestiges de refuges...
et ses choux sur hautes tiges à effeuiller chaque jour...Le temps semblerait s'être arrêté au début du siècle dernier s'il ne fallait croiser ou surplomber la N547. Pas question cette fois d'envier l'automobiliste qui ignore tout de cette Galice champêtre !
"Peregrinus" a pour racine "per ager" à travers champ ou "per eger" passage de frontières .où le voyageur devient un étranger. Le pèlerin devient donc le symbole universel du caractère transitoire de toute situation et du détachement par rapport au présent.
À Arzua, la borne indique 37,5. Nous ferons deux étapes pour arriver tôt à Santiago le mercredi 30 juillet...Nous en sommes tous étonnés ce soir en partageant un bon repas galicien à la Mesón Teodora...