mercredi 6 août 2014

Depuis Compostelle

Depuis O Pedrouzo

Il reste une petite quarantaine de km jusqu'à la tombe de Santiago et, comme nous avons décidé de scinder l'étape en deux, nous profitons pleinement de cette avant-dernière promenade galicienne. Grasse matinée jusque 7h, déjeuner "familial" à 7 avec les provisions achetées la veille, départ à 8h et retrouvailles avec Serge, le Breton, après 7km à As Calzadas. Il souffre d'une tendinite et d'une belle grippe...Malgré deux jours de repos dans un petit refuge privé, il semble bien fatigué et accompagne à l'aise Céline, Santiago, Cristina et Rosa tandis que nous continuons à notre rythme avec Alain  le chemin encaissé en savourant l'ombrage de chênes, de noyers, de fruitiers, les talus fleuris d'hortensias dans une gamme de bleu allant de l'aubergine au bleu pastel...parfumés d'eucalyptus..Une belle pause dans un verger avant d'arriver à destination dans la nouvelle Albergue REM d'O Pedrouzo où nous rejoignent les copains
Serge se réjouit d'entendre à nouveau chanter:" Marcelle, j'ai fait la vaisselle..." Vive les Belges!...et les Bretons...et les kinés espagnols tatoués qui viennent partager avec nous des steaks à la plancha en riant des Parisiens guindés et imbus de leur personne dans le dortoir...

Le décompte final...

Départ sous les Stellae à 5h30 avec les lampes frontales dans les grands bois d'eucalyptus et de fougères, petite pause déjeuner dans un bar comble et poursuite rapide avec Alain, soufrant pourtant des genoux et d'un début de tendinite,afin d'assister à la Misa Mayor des pèlerins à 12h...

Chemin faisant, nous évoquons les  belles étapes passées, les accueils chrétiens, les multiples rencontres, les paysages variés, les sommets escaladés, les dénivelés, ´
Nous grimpons dans l'allégresse, le Monte del Gozo, le Mons Gaudii, le Montjoie et ses 368m qui devrait nous permettre d'apercevoir la ville, but de notre voyage..."la ville la plus heureuse et la plus heureuse et la plus belle d'Espagne" Aimery Picaud.
Des sapins masquent,hélas, la vue mais nous nous y souvenons des JMJ rassemblant ici 500.000 jeunes en présence de Jean-Paul II en 1989...et du passage, peut-être légendaire, de St François.

Comme eux et tant d'autres, nous voulons maintenant arriver chez Santiago...encore 5 km de descente dans les faubourgs et nous franchissons la place Porto do Camino...Clochers, églises, chapelles, palais, couvents, anciens hospices...jalonnent les rues piétonnes médiévale y et nous tressaillons d'émotion en passant sous le porche,animé par des musiciens galiciens avec leur gaitas, qui conduit à la place d'Obradoiro devant la Cathédrale de l'Apôtre...Pas de sacs à dos ni de bâtons à l'intérieur ...Nous filons donc chercher notre Compostella et dans la queue congratulons dans toutes les langues des pèlerins qui ont partagé avec nous cette Voie,ses bars, ses églises et ses albergues en même tant que nous...Serait-ce déjà la Communion des Saints???
Nous déposons nos sacs à la consigne et rejoignons le sanctuaire où nos compagnons de route arrivent en même temps que les 24 prêtres qui vont concélèbrer en rouge.Le petit pèlerin de 7 ans  Santiago se précipite près de nous, tout heureux et surpris, après 1150 km d'être déjà arrivé chez son St Patron!
Citation au micro de tous les groupes, les pays et villes de départ...dont la Belgique!

Tout vendre pour acheter un champ et son trésor caché...Tout quitter pour trouver le seul Trésor...

Baiser de paix tellement vrai pour cette foule en quête de paix individuelle et dans le monde déchiré par la violence.

Apothéose avec le botafumero, l'enscensoir géant allumé grâce aux dons d'un groupe d'italiens. Normalement, il n'est allumé gratuitement que le dimanche. Moment d'émotion intense lorsqu'il se balance de plus en plus haut dans le transept pour signifier l'élévation de nos âmes et de nos prières vers Dieu...Plus prosaïquement, il désinfectait les pèlerins et purifiait l'air chargé d'odeurs nauséabondes...
Dîner dans un bon restaurant pour fêter l'arrivée,découverte de la ville avec Cristina qui y fit ses études universitaires, installation dans une Albergue. La ville est en fête perpétuelle avec les arrivages successifs de pèlerins à pied, en vélo et en car...Surtout durant la semaine qui suit la fête du Patron de la cité et de l'Espagne. Surprise pour le petit Santiago que son papa est venu rejoindre pour l'accompagner à pied à Finisterra tandis que sa maman rejoint son petit Leandro et son compagnon à Fontainebleau...Encore un miracle de Santiago!


Dernière soirée avec Cristina et son amie Rosa dans une taverne typique où nous apprécions un plat de charcuteries et de fromages espagnols avec des petits piments verts grillés.

Le lendemain, nos galiciennes, Santiago et son papa, nous quittent à 5h du matin...Le petit pèlerin nous offre des figues du père de son père ...Nous nous reverrons puisque le Camino nous a permis de partager une petite tranche de vie ...
Nous visitons la cathédrale romane, son superbe portail du Christ en majesté entouré de ses apôtres dont le beau St Jacques au visage amène trônant  sur le trumeau pour accueillir depuis 800ans les pèlerins. Les visages personnalisés dont celui d'un prophète souriant annoncent déjà le gothique. Nous descendons dans la crypte pour nous recueillir devant le reliquaire de l'apôtre et de ses premiers disciples en Espagne.

Le reste du groupe se retrouve au marché à 14 h pour déguster des  fruits de mer bien préparés: poulpes,  gambas, couteaux, coquillages...Céline et Alain rejoignent la gare pour 18 h...Une page se tourne avec une larme à l'œil . On ne sort pas indemne d'une pérégrination collective dans la joie, l'effort et le partage. Nous nous sommes portés mutuellement pour faire aboutir notre projet.

La nuit au quatrième étage du superbe Séminaire Mayor, derrière la cathédrale, promettait un repos paisible mais fut animée en ce dernier jour des festivités jacquaires par le feu d'artifice et le concert de Worldmusic à base celtico-galicienne  superbes jusque 3h du matin...toute la ville chantait en chœur.

En route pour El fin del Mundo, Fisterra ou Finisterra, le 1er août 

À 7h30, nous déjeunons dans le beau réfectoire de l'ancien monastère avant de reprendre la route pour trois longues journées de marche (96km) jusque Fisterra au bord de l'Atlantique, considérée par les Anciens comme la dernière pointe de terre connue, la Costa da Morte. Les pré-romains croyaient que les âmes se rendaient là pour monter au ciel. L'endroit où le soleil disparaît derrière l'immense océan fascina les romains et garda toujours une force d'attraction. Les pèlerins, après avoir salué St Jacques, venaient s'y baigner après avoir brûlé leurs vêtements usés sur la plage pour renaître à une vie nouvelle: mort et résurrection ont de tous temps et lieux été au cœur des rites et dévotions religieuses populaires.

Bonnes nouvelles du départ au camp d'Augustin et Siméon dans le monde du Seigneur des Anneaux...Nous plongeons dans un univers fort proche...
La première étape de 35 km nous amène à Vilaserio par monts plus que par vaux à travers une chênaie centenaire et des petits villages où chaque maison dispose parfois de plusieurs horreos. Le pont en granit du xivè de Maceiras enjambe avec élégance  le Tambre ralenti par de gros rochers arrondis et embelli par une belle cascade en arc de cercle. Nous dînons dans la petite ville médiévale de Negreira et reprenons ensuite les chemins creux forestiers fleuris. Les eucalyptus gigantesques dépassent les autres feuillus.

Nous atteignons enfin notre petite albergue toute neuve...Ici, comme ailleurs, ces petits bars-restaurants-refuges vivent quasi essentiellement du passage des pèlerins et deviennent un lieu convivial pour les indigènes...

La pluie tombe toute la nuit et les averses nous accompagneront toute la journée à travers les champs de maïs et les prés. Le granit est présent partout: maisons, énormes horreos, trottoirs, murets...Avec le crachin, Serge se sent dans sa Bretagne natale!
Quelques km de basses montagnes couvertes d'ajoncs jaunes et de bruyères et nous voilà à destination à Logroso, village de cinq foyers dont l'albergue-bar...

Nous voilà sur le chemin à 7h pour la fin du Camino à la fin de la Terre...
Les vallées sont noyées de brume mais les premiers rayons du soleil illuminent déjà les herbes couvertes d'une fine rosée rosée et les murets où nous cueillons les premières mûres. À chaque carrefour se dresse un beau calvaire de granit. Les chemins sablonneux parcourent des terres pauvres tantôt semblables à une toundra marécageuse tantôt proche de la lande où poussent bruyères mauves et blanches, fougères bien vertes, pins, chênes verts et eucalyptus...Tout autour un océan de montagnes vertes. 
Soudain, l'océan dans toute son immensité et très loin Finistra de l'autre côté d'un golfe  bleu azur. Descente dans les cailloux vers CEE, puis remontée à partir de de Corcubion sur le flanc verdoyant qui nous nous amène vers d'autres plages de sable blanc et fin désertes. De crique en crique, nous longeons finalement la grande baie de Fisterra et à travers la pinède nous parvenons sur les hauteurs du petit port de pêche pour déposer nos sacs à l'Hostal de la famille Lopez. Nouvelle Compostella après ces 100 km à l'Albergue des pèlerins déjà pleine.Nous y retrouvons Nerijus, le jeune pèlerin lituanien des premiers jours en Espagne. Baignade dans l'eau clair et très rafraîchissante de l'Atlantique boudé par les vacanciers espagnols frileux...Toute la sueur et l'effort intense de 2500 km à pied semblent soudain engloutis dans l'eau primordiale...Il nous reste encore 3,700km à parcourir jusqu'au Cap et son phare pour assister au coucher de l'astre qui fascina toutes les civilisations. Un des Coréens des premiers temps posté sur le rocher nous reconnaît et souriant, ému, nous prend dans ses bras...L'Orient si réservé a adopté les expressions sentimentales latines en un mois ...Étonnant ...Encore un miracle de Santiago.
Lorsque les derniers feux se noient dans les flots moirés, quelques centaines de pèlerins applaudissent...Hymne au Dieu Créateur pour tant de merveilles...

Nous buvons un verre avec Pierre, un naturopathe rencontré quelques semaines plus tôt...Adieu aussi à Noelia qui vient des Canaries...

Ce 4 août, en montant dans le bus, nous quittons Serge, le Breton, notre dernier compagnon du Camino rencontré avec Joël et Catherine, dans le petit gîte de Taller dans les Landes. Plus d'un mois de pérégrination commune dans la même direction...et le même désir de vivre des moments forts d'amitié...Nous lui souhaitons de bonnes retrouvailles avec un passé heureux de vacances à Muxiaet toute la sérénité et l'amour nécessaires pour son bonheur...à bientôt en Belgique pour parfaire la formation à la Belgitude ou en Bretagne pour de nouvelles randonnées ...

Àu Séminaire Mayor, nous embrassons José,le Portoricain et une péruvienne connus lors de la première halte à Zaralbika...La boucle est bouclée, nous avons pu saluer tous ceux qui nous furent proches sur le Camino...

Dernière messe encensée du Botafumero et bénédiction des pèlerins dans la belle Cathédrale de Santiago à 19h30...

Prière des pèlerins
Ô Dieu, qui as sorti Abraham de la cité d'Ur de Chaldée, le protégeant au long de ses pérégrinations, toi qui as été le guide du peuple hébreu à travers le désert: nous te demandons de nous protéger, nous les sur tiens qui, par amour de ton Nom, faisons le pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle. 
Sois pour nous un compagnon dans la marche,
Un guide dans les carrefours,
Un soutien dans la fatigue,
Une protection dans les dangers,
Un foyer sur le chemin,
Une ombre dans la chaleur,
Une lumière dans l'obscurité,
Une consolation dans les découragements,
Une force dans nos résolutions.
Afin que, par ta conduite, nous arrivions sains et saufs au terme du Chemin et que, enrichis de grâces et de vertus, nous retournions à nos maisons emplis d'une joie salutaire et indéfectible. 
Apôtre Saint Jacques, prie pour nous !
Sainte Marie du Chemin, prie pour nous !

....et pour tous ceux qui nous ont accompagnés de près et de loin!