lundi 6 novembre 2017

28 octobre. « Seul, on va plus vite; ensemble on va plus loin »

À 7h, à O Pedrouzo, « la Voie de Compostelle nous appelle ...Ultreïa », et,en effet, sur le ciel noir le Campus stellae déploie sa traînée lumineuse ,certes,  cependant...pas suffisante pour éclairer le chemin dans la forêt d’eucalyptus obscure et parfumée. Nous sortons la lampe torche à chaque bifurcation et progressons rapidement rattrapés par les six jeunes  Italiens avec lesquels nous avions partagé le dortoir. À 21h30, la veille, l’une d’entre eux nous avait gentillement apporté, alors que nous lisions au lit, un beignet au jambon...Voyage étrange et gratifiant...

Déjà Lavacolla, où les pèlerins médiévaux se lavaient à la fontaine face à l’église San Frutuoso pour arriver tout propres chez St Jacques. Ensuite, la dernière côte pour atteindre le Mont Gozo, de la Joie ...du pèlerin apercevant enfin au loin le but de son pèlerinage.
Nous accélérons le pas, une déviation de 2 km...dernière petite conversation avec un brésilien, en congé sabbatique, passionné du Camino, inquiet car désireux comme nous d’assister à la messe de midi. Il me demande si nous voyons bien les tours de la cathédrale à 500m et , dans l’affirmative, me saute au cou tout ému!!!
Nous grimpons les rues pavées de grandes dalles de granit; la gaïta (cornemuse galicienne)remplit l’atmosphère médiévale ensoleillée de ses airs celtiques. 11h 50, sur le parvis nous guette l’ami Serge, arrivé la veille. Il pourra nous garder les sacs à dos interdits à l’intérieur de la cathédrale. Sentiment d’être arrivés a casa mais ...une maison pleine comme un œuf de pèlerins fatigués et comblés.

Sur la place d’Obradoiro face au Portail de la Gloire, nous retrouverons Camilla arrivée del Norte...un américain de Pennsylvanie, d’autres acadiens et puis le lendemain midi Bernard, Philippe, Agathe, Shua...Siro de Tolède qui vient de retrouver son épouse , le brésilien Omero...On se congratule, s’embrasse,se photographie... tant de peines et de joies partagées . Alegría!

Le samedi 28, Nous irons rejoindre l’amie pélerine de 2014, Cristina, chez elle à Vigo pour une belle journée par 28° sur la Côte galicienne et l’estuaire grandiose du Miño, dessinant la frontière portugaise...ah, la famille fidèle du chemin!

Le dernier soir, le 29, vers 11h15, revenus de Muxia sur la côte de la Morte, où le pèlerin honore la Vierge de la Barque venue encourager Le Grand Jacques dans son évangélisation , nous déambulons une dernière fois dans les ruelles étrangement désertes de Santiago...Hola, hello...une voix m’appelle...C’est Astrid, la jeune Estonienne, toute réjouie, rentrée de Fisterra et que nous regrettions de n’avoir pu embrasser...Elle projette de poursuivre vers le Portugal. Un autre jeune pèlerin rencontré sur le Camino del Norte nous salue également. Il nous parle de Camilla rencontrée après Gijon. Muchas gracias Santiago! 
Il nous restera à embrasser chaleureusement Serge, el Faro du Camino, le 30 octobre, à l’aurore à l’arrêt de bus pour l’aéroport et la boucle bouclée, nous pourrons rejoindre notre chère famille et amis de Belgique...

Il est des voyages étranges où le Chemin d’asphalte, de terre, d’herbes  ou de pierres, de murs et de bornes étoilées parle comme un compagnon amical:


El Camino es la misma vida...
Caminar es pasear  el alma...
El Camino no se anda, se vive...
Un Camino de estrellas en el que tú has aprender a brillar...
Never stop love ...
Puedes (tu peux)au bas d’une côte ...
Va vers toi-même ...ose être toi-même ...
El camino es un fuego, un incendio total de los sentidos del corazón...
Olvidate del tiempo pasado y haz del camino tu vida...
Le Camino, le retour à l’essentiel...
Dentro de cada uno, hay un Camino...
Caminamos hasta nuestro interior...
Para encontrar, necesitas estar solo...
El Camino del peregrino es de paso corto y vista larga...

Imagine...
You may say I'm a dreamer 
But I'm not the only one 
I hope someday you'll join us 
And the world will live as one (John Lennon)

Ce voyage étrange s’appelle depuis plus de 1000 ans le pèlerinage à St Jacques de Compostelle.

El Camino nunca se acaba...jamais ne se termine...

Épilogue 

Camilla nous écrit qu’elle a retrouvé à Muxia Elizabeth, la Suissesse, rencontrée sur le Norte et quittée dans la jolie cité médiévale de San Vicente de la Barquera. Elle s’est inquiétée de nous et,comme nous avions,de notre côté, regretté son arrêt momentané, nous sommes heureux d’apprendre la fin de son pèlerinage. Gracias!

Dernière nouvelle de Radio-Camino: Jean-François revu une dernier fois à Ribadesella sur la côte est arrivé trois jours après nous à Santiago, seul car Patrick n’a pu poursuivre le Camino Primitivo avec lui.

mercredi 25 octobre 2017

Depuis Pedrouzo, 25 octobre. 

Demain, dernière étape et arrivée à Santiago ! Il reste 20 km... En partant à 7 h ( nuit noire...), nous arriverons à l’heure pour la messe des pèlerins à midi à la cathédrale. 

C’est la troisième fois que nous rallions Compostelle. En 2014, partis de Cambron vers Paris, la Voie de Tours et le Camino Frances. En 2016, avec nos trois petits-fils par la Voie du Portugal. 

L’arrivée à Santiago est un moment riche d’emotions diverses.... Joie d’avoir atteint l’objectif, joie de confier toutes nos intentions à l’apotre ( j’en ai un camion...), joie de revoir nombre de pèlerins rencontrés en chemin, émerveillement de la découverte de cette ville, plaisir des yeux, des oreilles ( c’est Babel !), des papilles ( ah le pulpo galicien !).... et puis un peu de blues de voir l’aventure se terminer...

Les dernières étapes sont fort différentes des précèdentes : à Melide le Camino Frances rejoint le Primitivo et à Arzua nous rejoignent tous ceux qui ont préféré la Voie du Nord. S’y ajoutent alors tous les Espagnols qui parcourent les 100 derniers km, souvent en joyeux groupes de pèlerins. 
Beaucoup de monde alors sur le chemin !

Le pèlerin évolue avec son temps. Auparavant il était armé de son bourdon, lourd bâton qui éloignait les chiens et parfois les detrousseurs, et qui portait la callebasse qui servait de gourde. 
Aujourd’hui, si certains ont conservé le bâton unique, beaucoup ( comme nous...) ont opté pour la paire de bâtons télescopiques. 
Nouvelle évolution aperçue hier : de jeunes pèlerins sont maintenant équipés de leur stick à selfies au bout duquel est fixé leur smartphone qui leur permet de se portraiturer tout le long du chemin ! 😂 
Également beaucoup de petites caméras GoPro qui filment.... tout le chemin ! ( Quand trouveront ils le temps de visionner tout ça ? ). Mathias, pèlerin allemand à vélo avait fixé cette caméra au sommet de son casque, ce qui lui donnait un petit air de uhlan à casque à pointe....

Je vous laisse... nous allons chercher un repas pour ce soir et boire «  una caña » au bar du coin. 
Le froid intense de ce dimanche 22 octobre laisse vite la place à la douceur d'un bel automne. Vers midi, nous pique-niquons par 23 degrés dans les feuilles craquantes d'un carrefour de chemins. Puis, nous enchaînons la traversée de hameaux reliés par de magnifiques sentiers bordés de murets moussus. Vieux châtaigniers noueux et chênes verts tordus inondent le sol de leurs fruits secs. Une carrière nous révèle l'origine des dalles de grès omniprésentes dans l'habitat ancien ou contemporain, dans les clôtures et même les pavés du Camino.
Une dernière côte pour atteindre le cœur historique de la ville historique de Lugo . Derrière les barres d'immeubles colorés se cache la seule muraille romaine d'Europe entièrement conservée avec ses 82 tours. Elle fut construite au IIIès par Lucus Augusti, longue de 2km et parfois large de 7...un beau paséo à 12m de haut! Nous pénétrons par la porte San Pedro comme Alfonso II et déposons nos sacs dans l'albergue municipale avant d'arpenter ce magnifique centre piétonnier qui nous amène par la Plaza Mayor à la superbe cathédrale gothique au porche roman du Christ Pantocrator et à l'imposante façade baroque illuminée de soleil.

Brouillard glacé ce 23 pour démarrer la journée en franchissant la porte de Santiago (matamore) et le rio Miño par le pont romain...La borne jacquaire indique 101 km!

Avec les côtes qui s'enchaînent et les rayons du soleil dans le dos, il faut s'effeuiller rapidement ...Les villages deviennent des "paroisses" San Vincente , San Joan, Santa Eulalia, San Pedro, Hospital, San Roman...une borne milière...nous marchons sur les dalles de la calzada romana puis franchissons un petit ruisseau par un adorable petit pont romain à Ferreira. L'albergue del Ponte nous offrira gîte et souper-paëlla communautaire pour 14 pèlerins bien joyeux de partager ce bon moment.


À Melide, 20 km plus loin, nous voyons venir soudain à nous des groupes de pèlerins inconnus et traversons des ruelles déjà parcourues...nous avons rejoint le Camino Francès et obliquons résolument vers l'ouest avec des compagnons de route nombreux. Nous nous rappelons nos amis d'autrefois venus,comme nous, de St Jean-Pied-de-Port ou du Somport, attablés  dans un bar ou se désaltérant à une belle fontaine de granit près d'un vieux calvaire à Boente. Le chemin file dans les eucalyptus odoriférants absents en Asturies jusque Ribadiso. Nous nous arrêtons enfin bien fourbus , après 31 km, sur les rives de l'Iso en face du vieux pont à une arche dans l'hôpital médiéval pour pèlerins San Antón totalement rénové. 
La Galice, cerise sur le gâteau 

En 44, les compagnons de Jacques le Majeur ont probablement aimé revenir d'Israël avec leur maître décapité en terre galicienne pour l'inhumer.Ces terres, aux confins du monde habité, où l'apôtre avait diffusé la Bonne Nouvelle, devaient déjà l'avoir séduit comme nous à nouveau en approchant de Santiago...Enfin, il me plait de le penser...

Le gâteau, cependant, est plutôt une pièce montée et le pèlerin doit gagner la cerise en franchissant bien des sommets...tous très escarpés .

Ce 20, dans l'ancienne école villageoise de Castro nous souhaitons bon anniversaire à Barnabé qui souffle ravi ses 8 bougies...
Du petit bourg, l'antique cité celte et romaine, nous gagnons de la hauteur en traversant quelques hameaux en schiste et toitures de lauzes surmontés d'éoliennes. Éole inonde le paysage de ses enfants sur toutes les crêtes lointaines et les promontoires de la large vallée . Les Asturies  ont  résolument opté pour l'énergie verte et le vent fait tourner les ailes des moulins blancs dans le ciel azur. Don Quichotte aurait eu bien des mirages sur ce chemin. 

Nous accédons enfin à l'alto del Acebo  (1111m)par des pistes herbeuses, puis rocailleuses, sous les pins . Mathias, un allemand, nous rattrape en VTT avec son casque à pointe surmonté d'une caméra . Il déplie un tabouret sorti de sa soute pour souffler un coup...tandis que nous dévalons déjà le sentier soudain barré de cailloux: une belle borne étoilée nous indique que nous passons en Galice et qu'il nous reste 166 km!!!
Que de km parcourus depuis Bilbao...

Des panneaux nous informent aux carrefours du classement du Camino de Santiago au patrimoine de l'humanité par l'Unesco et aussi des fonds européens versés pour son réaménagement. Le pèlerin est roi en Galice et tout est prévu pour sa sécurité et son accueil. Belles sentes blanches, bornes régulières, tableaux didactiques sur les monuments et la nature...
Dernière côte et horrible raidillon éreintant pour atteindre Fonsagrada, ville perchée à 952m et donc la plus haute de Galice...St Jacques aurait fait surgir du lait pour une pauvre veuve d'une fontaine devenue sacrée toujours présente au chevet de l'église paroissiale. 
Achat de collants chauds et de gants pour les départs matinaux glacés...
Nous logerons à l'albergue Cantabrico où les pèlerins sont accueillis par une hospitalière en blouse blanche ...et mangerons au restaurant du même nom avec deux australiens retraités dont un âgé de 75 ans et un allemand à la bonne quarantaine en demi-année sabbatique. Partage de vie sur ce chemin unique fréquenté par les chercheurs d'étoiles ...
À l'heure où nous nous couchons les Espagnols du groupe commencent à prendre l'apéritif ...la fiesta se terminera un peu bruyamment  à 5h...mais ils seront sur le chemin vers Castroverde à 9h. 

Nous pénétrons en vrai pays celte sur l'alto del Montouto à 1050m, battu par les vents et planté de bruyères  où nous découvrons une petite chapelle dédiée à Santiago, les ruines bien restaurées d'un hôpital royal fondé en 1357 pour les pauvres Jacquets et un dolmen. Superposition des strates d'une longue histoire sous la Voie lactée (la Milkyway traduit une jeune estonienne ) dans laquelle nous posons nos pas...

Nous descendons, fascinés par un paysage grandiose de montagnes vierges de toute présence humaine, dans les fougères dorées une piste aux odeurs d'automne jusqu'à un petit bar rustique tenu par un argentin. Coca et thé selon les envies, à chacun son carburant, et quelques pas de danse avec Sandra sur la Macarena lancée par Serge...Ambiance sur le Camino!!!

 Mais la route est encore bien longue et les pénibles montées  à rallonges en sous-bois n'ont pas fini d'exiger ardeur et persévérance. Que le sac est lourd ! Je pense à tout l'inutile dans le peu que je transporte et ...il est des voyages étranges où on jetterait immédiatement son baluchon dans le fourré ...
Les villages présentent de grosses bâtisses carrées aux murs de pierres plates bien ajustées et aux toits d'ardoises en écailles de poisson, des fours à pain, des étables arrondies, des lavoirs et toujours de petites églises romanes trapues au clocher baroque élégant; on aperçoit parfois l'autel fleuri à travers les barreaux de la porte. Le cimetière avec ses caveaux de grès  est tout proche et bien entretenu. Impression de remonter le temps...les vaches sont passées avant nous ...ou avec nous au carrefour suivant: elles broutent avec appétit l'herbe plus verte des fossés.

Il fait décidément bon vivre sur le Camino Primitivo moins fréquenté, plus authentique au cœur d'une belle nature.

À Castroverde, après 28 km , enfin une bonne douche et ensuite, conseillés par le guide Jacobeo du pèlerin allemand, nous nous rendons dans la Pension Cortes ...suite à la bière servie avec un œuf cuit dur et des noix sur la table en Formica du bar , nous pouvons passer dans la salle à manger où notre hôtesse souriante coiffée d'un petit chapeau noir de chef-coq nous sert le bouillon et puis la viande en sauce avec les frites et les tomates du jardin qu'elle nous fait admirer en contrebas. Soudain, quelques mots de français appris autrefois à l'école et quelques pas de la Jota dansée avec grâce et fierté depuis l'enfance...Nous l'applaudissons! Sa fille surgie de la cuisine vient nous parler couramment en français et ensuite à notre plus grand étonnement ... en flamand appris à Anvers , ville qu'elle adore...comme Gand et toute la Belgique ! Une belle leçon pour nous qui avons tellement oublié cette langue étudiée si longuement...Quelles belles rencontres! Nous sommes tout émerveillés !
  

Les espagnols prennent toujours l'apéro au bar du coin...nous rentrons payer notre logement à l'hospitalière municipale de permanence jusque 10h dans la nouvelle albergue sans âme où les lumières vont bientôt s'éteindre automatiquement dans un dortoir glacé ( sans couvertures) pour nous éblouir le lendemain à 6h45 et nous pousser par 3 degrés sur le chemin vers Lugo quasi tous en même temps . 

lundi 23 octobre 2017

Depuis Ponte da Ferreira, ce lundi 23 octobre. 

Nous sommes en Galice depuis quatre jours. La première borne galicienne indiquait 166 km jusqu’à Santiago. Ce soir, la borne indique 72 km.  Nous approchons à grands pas...
Étapes de rêve ! Le matin, il fait très froid pour démarrer. Ce matin : 3 degrés ! Marie-Françoise s’est achetée des bas collants à Fonsagrada et une paire de gants. Moi, avant d’enfoncer le chapeau sur la tête, j’enroule mon foulard autour du crâne dégarni. Une paire de chaussettes de laine mérinos fait office de moufles bien chaudes. Nous multiplions les couches sur le corps. Heureusement, nous avions emporté chacun une veste de plumes.  
Départ avant le lever du jour.  Le desayunos est avalé rapidement dans un bistrot où une boulangerie. Jus d’orange « natural », cafe solo, tostadas, marmelada... Animo !!!
Les premières côtes et le soleil ont tôt fait de nous réchauffer quelque peu et nous pouvons rapidement diminuer les couches... À midi, il fait plus de 20 degrés et nous en sommes à la tenue short/chemise !!!
La Galice est merveilleuse sous le soleil d’automne. Imaginez des chemins creux, anciennes drailles du bétail, bordees de haies, de chênes, de châtaigniers. Nous foulons un tapis de glands, de bogues de châtaignes.  Le soleil illumine le feuillage, vert parfois, jaune, orange, rouge.... c’est superbe !

Ce soir, à l’alberge, paella géante pour les pèlerins. Nous sommes une douzaine, espagnols, un français (Serge), une japonaise, une canadiennne et.... deux belges ! Et nous nous comprenons tous !!! On se raconte nos expériences du chemin mais aussi nos pays d’origine... belle ambiance. 

Ultreïa !

jeudi 19 octobre 2017

Mardi 17 octobre

Il est des voyages étranges où l'on passe directement de la position debout à la position couchée ...point de chaises, encore moins de fauteuils ...totalement absents d'ailleurs de notre genre d'expédition. 
Après avoir embrassé comme il se doit selon la tradition jacquaire nos vrais hospitaliers dévoués ...Ultreïa...Susceia, nous filons courageusement armés d'un parapluie le long de la N-634 dans un petit matin lugubre guettant les incendies qui pourraient encore nous menacer...après 12km, nous atteignons le gros bourg de Tinéo. Renseignements pris au bar, il semble ne plus y avoir de feux en Asturies et nous pouvons poursuivre par le chemin champêtre jusque Borres, petit village situé 16 km plus loin dans les montagnes. Le topo-guide annonce une albergue municipale avec 18 places dans l'ancienne école ,un micro-ondes , pas d'approvisionnement possible et la clé au seul bar du patelin. Nous nous chargeons donc d'empenadas et de croissants avec yaourts et fruits...
De Tinéo, un magnifique chemin creux bien pentu nous emporte à travers bois jusqu'au col de Piedratecha...un léger soleil dore les châtaigniers et les petits hameaux se succèdent avec ermitages, vestiges de refuges pour pèlerins, potagers semés de grands choux verts et de piments. Les vaches rousses aux yeux bien maquillés de khôl ruminent dans les près colorés de colchiques.  Les dénivelés s'accentuent...un peu de goudron et nous atteignons Campiello où deux familles rivalisent pour attirer les pèlerins mais nous résistons aux avances de la serveuse du bar.
 Enfin, l'arrivée à Borres et l'école sur le pré à 700m du bar où il faut courir s'inscrire car la demande est en hausse. Tous les pèlerins semblent vouloir s'arrêter ici et les 9 lits superposés sont rapidement occupés dans l'unique salle de classe. Un petit micro-ondes, quelques assiettes mal lavées et pour cause...pas d'eau potable...deux douches, deux Wc, ...une vue superbe sur les chaînes montagneuses pour sauver une situation très spartiate! 
Ambiance australo-germano-espagnolo-franco-belgo-japono avec sacs déballés et culottes à sécher ...


Nous mangeons sur le lit et puis observons couchés, médusés, amusés, tout ce remue-ménage bon enfant et polyglotte en train de prendre a cup of tea ! La Universidad de la vida ...comme on  avait dit plus haut...😏

Depuis Castro, 19 octobre 

Hier, la plus belle étape de notre chemin ! 25 km de montagne entre Borres et Berducedo. Deux itinéraires possibles. Avec Serge, nous choisissons de passer par la Voie de l’Hospitales et la montagne. Ce chemin doit son nom aux ruines d’un ancien hôpital pour pèlerins en haut d’un col. N’imaginez pas Saint-Luc ou Erasme ! Non... une humble masure de pierres sèches qui servait de refuge aux pèlerins de moyen âge perdus dans le brouillard ou la neige. 
Nous grimpons la montagne de longues heures pour atteindre l’ Alto de Palo à 1200 m. Le vent et la pluie nous fouettent le visage et les jambes. Mais heureusement les nuages ne nous cachent pas les paysages grandioses. Montagnes à perte de vue, vallées encaissées, alpages où paissent les troupeaux en liberté, chevaux libres d’aller où bon leur semble... « Que la montagne est belle » chantait Jean Ferrat... Seule la traversée du petit hameau de Montefurado interrompera cette magnifique rando en nature. Et si la route du col est croisée quelquefois, nous n’y verrons que quelques voitures. 
Le soir, à Berducedo, menu del peregrino avec Serge: sopa, pechuga de pollo ou lomo de ternera con patatas fritas... comme dessert un fromage frais au miel... le tout arrosé d’une fraîche Estrella Galicia !

Ce matin, 19 octobre, départ tranquille vers 9 h pour une nouvelle étape de 25 km vers Castro. Après une montée très raide de 3 km, nous descendons un dénivellé de près de 800 m pour franchir le barrage de l’embalse de Salime. Descente très raide au début, sur un sentier caillouteux, puis, heureusèment, un chemin forestier plus large et plus facile. Paysage et arbres noircis par les récents incendies. Les ouvriers forestiers ont déjà bien travaillé et éclairci la forêt en coupant les arbres morts ou les plus abîmés. Ne restent que les sujets vigoureux, noircis à la base mais toujours verts au sommet. 
Je craignais cette descente pour mon genou: il tient bien le coup et je ne ressens que peu la douleur. 
Après le barrage, on se restaure dans le premier bar venu puis montée vers Grandas de Salimas et Castro où nous arrivons vers 16 h. 
Douche, cerveza, lessive et contact par WhatsApp avec nos petits ! Barnabé a 8 ans demain ! 
Que du bonheur !!!

lundi 16 octobre 2017

Depuis Bodenaya, le 16 octobre

La francophonie reconstituée ...

Il est des voyages étranges où chaque matin l'IPhone nous sort de la torpeur à 6h30 lorsqu'il fait encore nuit noire dans un dortoir obscur où d'autres préfèrent prolonger le sommeil réparateur. Il faut alors se glisser sans bruit hors du sac de soie, replier la couverture prêtée et tâter le tas de vêtements préparés la veille pour enfiler short et blouse pareils chaque jour. Pull, polar et foulard sont,à présent, rajoutés par-dessus car la fraîcheur mordante se maintient jusqu'aux premiers rayons de soleil. Vite ramasser en silence les quelques objets qui constituent notre essentiel, se chausser, endosser le sac, attraper les bâtons et dehors repérer la première flèche jaune pour s'orienter ...ainsi que le bar déjà ouvert, où à cette heure matinale, on vous servira le "cafe solo et les  toastadas"  du vrai Pdj espagnol avec son jus d'orange frais...por favor!

À la moindre hésitation face à un embranchement surgit un vieil espagnol, déjà sur le chemin, pour vous indiquer d'un coup de sa baguette magique le "Buen camino"...dans l'après-midi, ils seront trois ou quatre, endimanchés, assis sur un banc à vous saluer .

Les espagnoles, vêtues d'un joli cache-poussière, armées de leur fregolna (espèce de balai en forme de poulpe) astiquent de grand matin leur terrasse inondée de soleil ou balaient devant leur porte fleurie...Le linge parfumé est déjà tendu sur les fils du balcon ...à 11h, c'est le fumet d'un bon bouillon de poule qui vient émoustiller les narines.

Il est des voyages étranges où, à midi, vous vous rendez compte que votre mari a mis ses chaussettes à l'envers alors que vous taillez une "jasette" , sur une falaise face à l'océan , au milieu des vaches, à propos du le Grand Dérangement " de 1777 ou de la vie des Algonquiens avec une Pèlerine Acadienne bien sympathique partie du Puy-en-Velay le 17 août.

De l'ancienne petite prison transformée en gîte municipale de Comillas, la belle cité  balnéaire aux villas fin de siècle dont une fut même imaginée par le fantasque Gaudi, nous avons choisi le Camino côtier arpentant rochers, vallées profondes, ravissantes criques et toujours superbes vues sur l'océan azur et les falaises découpées de la Cantabrie. Sur une prairie, une jeune femme épand les fines algues qui y sècheront trois jours avant d'être vendues à des firmes pharmaceutiques ou cosmétiques étrangères, principalement chinoises...tandis que sur une jolie plage de sable blanc, une classe vient suivre son cours de surf ...quelques échauffements et puis flottaison sur les rouleaux translucides...
Nous quittons la côte pour franchir quelques collines...
Après avoir cassé la croûte sous un noyer, nous sommes hélés par les deux français, Jean-François de Reims et Patrick de Nantes avec qui nous avions passé la nuit à l'albergue de la Piedad à Bóo de Pielagos après Santander. C'est l'heure d'un bon petit café à la terrasse du bar du village de Serdio.

Petites routes forestières et chemin de terre le long de la voie ferrée, puis trottoirs semés de bancs ...jusque Unquera.

Nos amis y logent et nous préférons passer le pont sur la Ria de Tina Mayor pour entrer dans les Asturies et gagner quelques km sur l'étape de 33 du lendemain. Le Camino prend alors une tournure particulière , celle d'une sente carrelée de 2,5 km grimpant sur la crête  d'une haute colline jusqu'au bourg de Columbres . La première maison rétro toute bleu pervenche et balcons blancs clos de fenêtres comporte d'anciennes écuries transformées en gîte. C'est là que nous déposons nos sacs avant d'aller boire une bière avec Camilla l'Acadienne et Bernard le Suisse  sur la place elliptique entourée de demeures majestueuses . Le museo de l'émigration et des archives des "Indianos " établi dans un énorme palais bleu, la Casa de la Guadelupe construite en 1906, au milieu d'un parc planté d'arbres exotiques . Cette fondation raconte l'histoire de son propriétaire Iñigo Noriega émigré au Mexique mais aussi celle des milliers d'Asturiens partis en Amérique du Sud et dans les Antilles au XIXès pour chercher fortune. Issus de familles rurales très nombreuses, ils n'avaient d'autre choix que d'embarquer sur des Transatlantiques à vapeur dans le port le plus proche...Certains  revinrent rapidement aussi pauvres qu'à leur départ tandis que d'autres, devenus très riches, devinrent des bienfaiteurs pour leur patrie d'origine en construisant de jolies places, des écoles et des cliniques ainsi que de somptueuses demeures de type sud-américaine avec patio, vastes balcons, stucs, larges escaliers, confort moderne...
Dans le restaurant mexicain où nous soupons avec Camilla  et Bernard, nous, les migrants de quelques semaines, aurons l'occasion de parler d'émigration ...celle de nos ancêtres ou celle plus actuelle de ceux qui viennent chercher aussi fortune en frappant à la porte de l'Europe...peut-être un jour retourneront-ils faire le bonheur de leurs familles misérables aujourd'hui...si nous leur donnons une chance.

De Columbres, nous choisissons, nous les quatre pèlerins francophones, à nouveau la Voie côtière plus Verte et ses belles perpectives sur l'océan ...L'approche de la ville de Llanes se fait harassante dans la chaleur d'un chemin de terre à flanc de montagne le long d'un vaste golfe, enfin la descente et la traversée de la ville animée. Nous décidons à nouveau de pousser plus loin la halte afin de réduire la prochaine étape et après trois km de trottoirs blancs habituels nous atteignons la petite albergue de Poo dans les dunes. Le jeune propriétaire nous propose logement, souper cuisiné par la maman et une lessive avec séchage pour nous quatre...Soupir de soulagement général ...la bassine en plastique est vite pleine...et comme je n'ai plus qu'un bikini à enfiler , je propose à Michel une petite baignade relaxante sur la plage située à 200 m...Une merveille de sable fin protégée par de petites falaises où paissent les vaches...Deux paddles s'éloignent vers l'océan et des enfants jouent et nagent avec leurs mamans...des sources d'eau douce jaillissent des rochers couverts d'une flore variée ...l'eau est fraîche mais relaxante...après 33km sous le soleil dont la moitié certainement de côtes!

Mercredi 11

Nous partons à nouveau dans l'obscurité sans déjeuner et ratons un embranchement de chemin...quelques km sans bar...des campings fermés sur les falaises...9h30, enfin...un Hôtel 4 étoiles  accepte que nous prenions le Pdj Buffet pour 5€ ...Nous déposons nos sacs à dos et nos bâtons dans le hall et nous asseyons parmi les vacanciers bien chics dans la belle salle à manger avec vue sur la jolie crique. Cela nous change de notre ordinaire et nous donnera de l'énergie pour poursuivre jusque Ribadesella sur des petites routes entre plages clémentes et succession d'églises baroques et de monastères vétustes.  L'auberge de jeunesse dans une grosse villa blanche de maîtres sur la plage bordée de palais XIXes "d'Indianos "accueille surtout les surfeurs et quelques pèlerins ...Petit tour dans le port assoupi, réchauffé par le coucher de soleil et souper avec un pèlerin avocat dans l'administration barcelonaise ...la situation politique de la Catalogne nous est expliquée avec force passion!



Jeudi 12, la grande bifurcation

Panique au Pdj dans El Rectoral, la belle albergue ouverte en avril dernier dans l'ancienne cure du petit village Priesca, 98 habitants, et imaginée par son ex-occupant malade. Deux paroissiennes bénévoles se relaient pour y accueillir les pèlerins . Rosa reçoit chacun avec tout son cœur et propose, en plus de la visite de l'exceptionnelle église préromane du IX ès San Salvador, de laver et sécher le linge...Nous y retrouvons Philippe, médecin fraîchement retraité, parti de Montreuil dans le Pas-de-Calais, Jean-Michel parti de Strasbourg et Nelson, le Québécois. Il ne manque que l'Afrique francophone!
Panique donc à 7h, un jeune espagnol ne retrouve plus son slip gris sur l'étendoir ! Finalement, notre Suisse le sort du fond de son sac parmi les siens, gris aussi...mais en oublie sa trousse de toilette...qui lui fera faire un retour en côte de 500m...

Étrange voyage...

Des sentiers encaissés semés de glands, noix et châtaignes nous amènent dans la jolie cité de Villaviciosa pour prendre le café ou pour Camilla le premier churros con chocolate. Belle église romanogothique de Santa Maria la Oliva aux archivoltes géométriques.
Sept km de vergers(nous sommes sur la route de la pomme) plus loin vient le moment de quitter notre amie acadienne. Dans le village de Casquita, nous partons à gauche vers Oviedo par le Camino primitivo tandis que Camilla poursuit le Norte vers la droite...Nous nous reverrons un jour sur le Camino, en Belgique ou au New Brunschwig ...

Ensuite...le chemin grimpe, le sentier de pierre et de boue nous mène par un dénivelé de 400m sur l'Alto del Campa...2h de montée ...nous avalons quelques raisins et un biscuit au sommet avant de redescendre doucement...le genou de Michel ne supporte pas la pente.

Nous retrouvons Bernard à Vega de Sariego pour prendre une bière au bar qui délivre la clé de l'albergue municipale. Nous y souperons en soirée avec Philippe, et Jean-Michel ainsi que avec les trois jeunes espagnols.

14 octobre, Oviedo, capitale des Asturies et point de départ officiel du Primitivo, inauguré en 935 par le roi Alfonso II le Chaste.

Impatients d'arriver à destination, nous avalons les 17 premiers km jusque El Berrón où nous prenons un bus à 13h en plein cagnard pour éviter asphalte, réseau d'autoroutes, banlieues industrieuses...À 14h, nous déposons nos sacs à l'étage d'un immeuble aménagé en petits dortoirs.

Message du compagnero Sergio: arrivée en gare d'Oviedo à 16h34...depuis Lorient via Irun et León. Belle surprise!!!
Déambulation dans le centre historique piétonnier, messe à la cathédrale :"Quién va a Santiago y no va al Salvador visita al criado y deja al Señor".
Des mariages remplissent les rues d'élégants couples dont les Señoras rivalisent de beauté avec leurs chapeaux surprenants et leurs longues robes fendues et vaporeuses. Nous faisons piètre figure en godillots poussiéreux!
Souper et vin savoureux dans la cour intérieure du vieux marché pour fêter les retrouvailles avec Serge et les 69 ans de Bernard.

Dimanche 15 octobre, belle étape vallonnée de 29 km jusque Grado. Notre ami Serge, el Faro. nous ouvre la Voie qu'il connaît et renoue très joyeux avec le Camino, le cafe con leche , la ensalada mixta et la tortilla!!! Très bon accueil par Helena, la hospitalera portugaise de l'albergue rénovée de Grado .

Lundi 16, Apocalypse now !

Départ après un bon Pdj servi par Helena...il fait noir et nous grimpons durant 7 km ( Serge à sa lampe frontale et deux clignotants à l'arrière du sac) . À 9h, toujours noir...à 11h, une faible lueur éclaire le bourg et le monastère de Corneihla...une odeur de feu...Trump aurait-il fait une bêtise???
Nous continuons à progresser dans un éclairage jaunâtre de hameau en paroisse admirant les horreos(Garde-provisions de bois sur pilotis pour éviter les rongeurs) de plus en plus grands ...à Salas , après 23 km, nous décidons de poursuivre à 13h jusque l'albergue de David à Bodenaya, 7,5 km plus loin. Helena nous a fortement recommandé cette dernière albergue donativo qui exprime toute la philosophie du Camino...
Il fait toujours obscur sous une masse nuageuse compacte...Inquiétant...les tables du bar sont couvertes de cendres.

Michel et Serge dopés au coca courent sur le sentier forestier bien pentu...nouveau dénivelé de 400m. Ponts de pierre du XVIIès sous ponts d'autoroutes futuristes et anachroniques sans circulation dans ces montagnes à la vie si rustique .
Arrivés sur la crête , nous croisons deux marcheurs qui nous demandent où nous allons. Chez David! C'est moi, répond l'un d'eux...l'autre, José, un hospitalier bénévole, parle français. Nous sommes reçus comme chez nous: échanges fraternels, confort, bon repas...à 12, nous sommes de 7 nationalités dont une australienne et un brésilien . Nous décidons démocratiquement de nous lever à 7h35...le luxe! 
Espérons que les feux du Portugal et de Galice soient maîtrisés et nous laissent le Camino libre! 



mercredi 11 octobre 2017

Depuis Ribadesella, 11 octobre. 

250 km de parcourus depuis Bilbao. 28 km/jour de moyenne... Le corps tient bon: tôt couchès, tôt levés... Réveil vers 6.45 h et départ vers 7.30 h. Il fait encore nuit. Ce matin, dans l'obscurité, avec Bernard le Suisse et Camilla la Canadienne, on s'est trompé de chemin et perdu... 3 ou 4 km de plus que l'itinéraire. Nous avons retrouvé le Camino un peu plus loin, près d'un petite plage où nous avons pris le "desayuno" complet dans un hôtel. Le temps reste beau. Nous marchons le long de la côte, de crique en crique, de petite plage en petite plage... Les paysages sont merveilleux: la mer à droite, la montagne à gauche. Nous traversons de jolis villages. Les premiers Horreos des Asturies, en bois, apparaissent dans les jardins. Ce sont de petites constructions sur pilotis destinées à conserver le grain à l'abri des rongeurs. En bois dans les Asturies, elles sont construites en pierre en Galice. 
À Ribadesella, nous trouvons des lits à l'auberge de jeunesse des surfeurs, sur la plage. Demain 32 km vers Sebrayo... Mon genou droit me pose problème: genouillère, voltaren en application et comprimés de dichlophenac me permettent de terminer les étapes. 
À chaque pas, nous approchons de Santiago !

"Seul l'homme debout fait du bon travail et c'est quand il marche qu'il pense droit... Si tu veux comprendre, débattre sainement, imaginer, organiser ta pensée, concevoir et décider: marche, marche ! tu verras..." Henri Vincenot 

Michel
Depuis Boo peliagos

Samedi 7 octobre. 

Hier, après 3 longues etapes, on s’etait dit « demain, une douzaine de km jusqu’à Santander »... Le père Ernesto nous recommande ce matin le chemin de la côte soit 18 km. Magnifique ! Plages, falaises...
Puis le bateau pour 30 minutes de croisière jusqu’à Santander. Il pleut, la ville est morne. Nous visitons rapidement la crypte de la cathédrale qui, elle, est déjà fermée à 13 h. 
En fin de compte, nous décidons de poursuivre jusqu’à Peliagos, soit 17 km de plus, ce qui nous fera 35 bornes en arrivant à l’albergue. 
Moi qui comptais sur une journée plus reposante pour épargner quelque peu mon genou droit... je suis servi !
Magnifique récompense à l’auberge ! La patronne est souriante, l’auberge est impeccable, les draps sentent la lessive, la bière n’est pas chère. La patronne nous prépare le souper. Entrée (salade et fromage de chèvre), plat principal (Lomo, frites, œuf), dessert ( glace), vin... 10 euros ! ) Longue discussion avec trois pèlerins qui nous viennent de Reims, de Nantes et de la Touraine. 

" Si tu n'arrives pas à penser, marche. Si tu penses trop, marche. Si tu penses mal, marche encore"
Jean Giono

Ultreia !

Michel

dimanche 8 octobre 2017

Jeudi 5 octobre  La Universidad de la Vida 

Il existe des voyages étranges ....On clôt la porte de sa maison un matin sans savoir où l'on dormira le soir ni les trente autres nuits qui suivront. Pourtant on est certain qu'une porte s'ouvrira quelque part et qu'un lit vous accueillera ...il sera très probablement superposé mais suffisamment confortable pour vous permettre de marcher le jour suivant.

À Zaventem, trois couples de pèlerins flamands s'étonnaient d'une telle insouciance; leurs hôtels étaient réservés et leurs parcours quotidiens imprimés, plastifiés, reliés. Organisation germanique, improvisation latine...À chacun son Camino!

Pourtant, Une exception à la règle de l'imprévu et une surprise finale nous attendait ce jour de marche entre Laredo et Güemes., 29 km escompté et 32 à l'arrivée .

Départ du Couvent dans le crachin d'un jour qui hésite à se lever. Sur le paseo, entre dunes et plage immense sur la droite et enchaînement de villas puis de barres d'immeubles assez laids sur la gauche, nous hâtons le pas pour atteindre la pointe de sable où à 9h le premier petit bateau passeur descend sa rampe étroite et nous embarque pour traverser en dix minutes les trois cents mètres de la ria de Santoña . Nous évitons ainsi 20 km pour la contourner. 
Une dizaine de km de trottoirs rectilignes urbains puis le long d'une immense prison nous amènent  ensuite au pied d'une falaise rocheuse .La montée par un étroit sentier boueux dans les buissons d'ajoncs épineux  et de chênes kermès coriaces se révèle bien ardue mais permet de beaux points de vue sur la plage de Berria. La descente sera des plus périlleuses sur les rochers glissants . Un espagnol glisse devant nous et nous appelle à la prudence. Nous atterrissons enfin sains et saufs sur une plage immense bornée de tamaris. Là, nous ajoutons nos traces de pas aux milliers d'autres qui nous précèdent ...Midi déjà et encore 18 km pour atteindre "l'Albergue la plus emblématique du Camino del Norte "selon les guides, les compagnons, l'internet, le courrier des amis bretons...Si cela vaut le détour, on fera l'impasse sur le repas réparateur, la rotule qui dit zut dans les descentes, le petit café qui stimule...

Il semble nous attendre,à 17h30 , sur le pas de sa porte en haut de la colline le fameux Padre Ernesto, le patriarche de 80 ans aux cheveux et à la barbe chenue pour nous tendre la main, s'inquiéter en français de notre Chemin, questionner sur notre origine régionale belge. 
À 19h30, il rassemble comme chaque soir depuis 18 ans, sur les bancs d'une grande salle commune, les pèlerins venus du monde entier pour leur raconter son histoire et promouvoir de belles valeurs. En 1908, ses grands parents paysans, construisent la maison familiale pour y élever leurs 15 enfants grâce aux valeurs de tendresse, générosité et courage. Ses propres parents,avec leurs 5 enfants, fuient la Guerre civile et la misère en s'installant à Barcelone. Le jeune Ernesto appelé à devenir prêtre y suit une belle formation en théologie mais, nous dit-il, c'est comme Pasteur des pasteurs analphabètes Cantabriens, dans les Picos de Europa, qu'il entre à la Universidad de la vida. Il y découvre deux valeurs essentielles pour vivre et survivre: la solidarité et la force mentale. Plus tard, il prendra 27 mois d'année sabbatique au contact des paysans maghrébins et péruviens vivant à 5000m grâce à la solidarité et la force mentale. La marche l'amène à imaginer l'agrandissement de la ferme familiale et cela sans subsides , uniquement grâce à une collaboration matérielle et manuelle de bénévoles voisins, pour y accueillir jusqu'à 80 pèlerins par soir. Nous y étions 31 ce soir d'octobre dont 12 nationalités. Une petite chapelle œcuménique rassemble tous les symboles religieux et convictionnels pour exprimer l'esprit sans frontières de ce lieu fraternel. 
En 2016, 10000 pèlerins y logèrent et y laissèrent de beaux témoignages de reconnaissance au Padre et au Camino dans des dizaines de livres d'or...

L'improvisation laisse parfois bien des trésors  à apprécier ...

"Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n'amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux?"


Marie-
Depuis Comillas, dimanche 8 octobre.  

Avant hier, étape de Guemes à Boo de Peliagos. Première partie: 16 km en bord de côte vers Somos où nous prenons le bateau pour Santander, ce qui nous évite un détour de 20 km à travers des zones industrielles, des noeuds d’autoroutes et même la proximité du champ d’aviation.  Santander sous la pluie, c’est un peu morne. Ville reconstruite après un incendie en 1941...Nous visitons la crypte de la cathédrale qui elle, est déjà fermée à 13 h. Alors que nous pensions loger à Santander, nous décidons de poursuivre jusqu’à Boo de Peliagos ce qui nous fera près de 35 bornes sur la journée. 
Hier, samedi, nous marchons enfin sous le soleil jusqu’à Santillana Del Mar.  Beaucoup de routes, de tarmac. Mon genou droit me fait souffrir... Voltaren en gel... Après 24 km jusqu’au gîte, nous ajoutons encore 4 km aller/retour jusqu’au Museo de Altamira où nous visitons la réplique de la célèbre grotte, fermée au public, de la même manière que Lascaux. Altamira est appelée la Sixtine du neolithique: nous y admirons les splendides dessins de chevaux, d’aurochs, de bisons, de renards... La visite se poursuit dans un tout nouveau musée sur la préhistoire, très didactique. Retour au gîte, un ancien couvent reconverti en accueil pour pèlerins. Santillana est un magnifique village qui a conservé toute son architecture médiévale. C’est aussi le village le plus touristique de Cantabrie. Y garer sa voiture relève de l’exploit. Avec 5 autres pèlerins (2 suisses, 2 français et 1 canadienne) repas dans un resto avec menu complet, boissons comprises pour 14 euros. La vie n’est pas chère en Espagne. 
Aujourd’hui dimanche, courte étape de 22 km jusqu’à Comillas où nous logeons dans l’acienne prison ( ! ). Nous commençons à retrouver les mêmes personnes aux étapes et lions connaissance; Camilla qui vient de Gaspésie, Elizabeth et Bernard les suisses, Jean-Francois et Patrick les français... 
Bon, nous partons visiter Comillas !

On vous racontera ...

mercredi 4 octobre 2017

Depuis Laredo, 4 octobre

Nuit difficile hier à Castro Urdiales. 
Durant le souper nous avions sympathisé avec un SDF espagnol. Nous avions déjà rencontré ce type de personnage: l'été ils vivent sur le Camino avant de se réfugier dans une grande ville pour l'hiver. Celui-ci nous dit vivre dans une grotte ( cuvea...) à Madrid où " il fait toute l'année 16 degrés. Hier soir je lui ai fait goûter notre saucisson: il nous a remercié avec quelques petits morceaux d'un très ancien et improbable fromage et 4 noisettes qui sentaient le poisson. J'ai refusé de goûter son pinard qu'il a donc eclusè seul. 
Vers 23.30, tout le monde dort... Mon homme se met alors à parler tout haut dans le dortoir. Impossible de le faire taire. Les "shuuut", les demandes polies ( "Amigo... por favor..."), les menaces, rien n'y fait. Il semble avoir des obsessions. La mort d'abord. Je repère de nombreuses fois " La Muette" dans son monologue. Ensuite les femmes...."Mujer"... "Peregrina "...." Puta"...
La mort, les femmes, ... vastes sujets ! Je comprends ses obsessions...
Vers minuit trente, un pèlerin espagnol appelle la police. La guardia civil débarque en force dans le dortoir, lampes torches, cris... pour débusquer le dangereux terroristes réfugié au fond de son lit. Sans ménagement, ils l'emmènent de force... à la cuisine du gîte pour... le cuisiner ! Au bout d'un quart d'heure de dialogue impossible, les flics abandonnent et retournent à la circulation. Mon homme, lui, revient au lit pour reprendre son sermon où il l'avait laissé. 
Il faudra attendre deux heures du matin pour que, soulè de ses propres paroles, il s'endorme enfin... et nous aussi !

Ce matin, 8 h, départ pour une étape de 25 km vers Laredo. Début d'étape enchanteur en bordure de mer, décor de falaises, de belles plages où s'exercent les surfeurs. Ensuite, longue route le long d'une morne nationale. 
Bel accueil dans un couvent des sœurs de la Trinité. Visite de la ville, quelques course pour le souper ( pâtes, sardines, anchois et gambas frais, tomates....) messe et bénédiction des pèlerins. Et puis... dodo !

À demain !

Les jacquets
Depuis Castro Urdiales, 3 octobre. 


Hier, journee de transfert: voiture jusqu'à Jurbise, train vers Brussels Airport Zaventem ( avant on disait "Aérodrome " et on ne risquait pas de confondre avec Brussels South Charleroi Airport....), avion vers aéroport de Bilbao, bus vers centre-ville, Metro vers Portugalete et belle promenade vers l'albergue Bide One. 
Nous retrouvons vite les caractéristiques du Camino: dortoir, lits superposés, cuisine communautaire, tour de Babel linguistique.... L'allemand, le français, l'espagnol, l'anglais.... 
Une inscription "No Chicas" indique les sanitaires hommes et "No Chicos" ceux des dames.
Promiscuité, ronflements, première sonnerie de réveil à 5.30 h., petit dej. sympa .... c'est le Chemin tel que nous l'aimons !

Départ à 7.30 h. Il fait nuit noire. Les jours sont plus courts dans le sud... Nous quittons la grande banlieue de Bilbao par une Voie Verte, piétons/vélos, qui, empruntant une audacieuse passerelle, surplombe les noeuds d'autoroutes et les zones industrielles. Le jour se lève, blafard, sur un décor de nuages bas et la bruine nous enveloppe.  
Par de verdoyantes vallées, nous atteignons l'océan que nous longeons par une belle corniche qui surplombe les falaises. 

À 14 h , après 27 km, arrivée à Castro Urdiales, belle station balnéaire. Le gîte municipal, tenu par un Gambien, n'ouvre qu'à 15 h, mais, comme il pleut, nous pouvons déposer nos sacs et aller manger un " menu de peregrino " au petit resto du coin....

J-J Rousseau:
"Jamais je n'ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j'ose ainsi dire, que dans ceux de mes voyages que j'ai fait à pied"

Si JJ Rousseau le dit... 

Michel

dimanche 1 octobre 2017

Cambron-Saint-Vincent, 1e octobre 2017 ,veille de notre départ...



Bonjour.


A la veille de reprendre le Chemin, nous ré-activons notre Blog pour permettre à tous ceux qui le souhaitent de nous suivre....Pour rappel, l'an passé, nous avions marché sur La Via del Norte, de Bayonne à Bilbao.Demain, nous rejoignons Bilbao pour, nous l'espérons, pouvoir marcher jusqu'à Santiago, soit 650 bornes en une trentaine d'étapes.Nous essaierons de vous relater notre pèlerinage, si pas au jour le jour, du moins plusieurs fois par semaine...

Et donc, si vous voulez nous suivre... suivez notre Blog...


Et, pour débuter ce nouveau chapitre de notre Blog, je vous recopie l'article de Thierry Paquot, philosophe à Paris, qui traite des bienfaits de la marche... et de la sieste !


Cet article m'a été refilé par notre fils Thomas.


Ultreïa !


Michel et Marie-Françoise

J e
marche donc je suis », une telle affirmation résonne comme une formule donnée en pâture à des lycéens, le jour fatidique du baccalauréat. Oui dira l'un, sans trop y croire, la vélocité de l'esprit dépend du mouvement du corps. Un corps immobile peut-il appréhender le monde, questionnera son voisin, avec plus de conviction, tandis qu'un troisième, plus appliqué, expliquera dans une première partie ce que «marcher» signifie, dans une seconde partie ce qu' «être» veut dire, réservant la troisième à la confrontation des deux termes. C'est pourtant simple, aussi simple que de mettre un pied devant l'autre et ainsi de bouger, se déplacer, marcher!


J'existe, c'est-à-dire je prends conscience du monde qui m'entoure, de mon corps qui s'y déploie, de mon esprit qui le poétise et s'en empare en marchant. J'existe en arpentant le territoire de mes rêves et de mes désirs comme celui de mes activités ordinaires et parfois contraintes. J'apprends, de moi et des autres, par le déplacement. Un petit décalage dans la manière de voir suffit amplement à me révéler ce que j'ignorais. Un détour viendra corroborer une affirmation ou l'invalider. Le corps s'associe l'esprit et inversement afin de mesurer le monde et de s'y mesurer à son tour. Marcher n'est pas un acte vain, inutile, fatigant. Marcher fait «sens», mot entendu dans sa double acception, aussi bien comme «signification» que comme «orientation»...L'idéal consisterait à s'orienter en marchant, c'est-à-dire à se laisser aller, à s'abandonner à la dérive, à l'errance, à l'inattendu. Parfois, pourtant, le randonneur surtout, étudie sérieusement son parcours sur une carte, avant même de partir. Il a besoin de cette répétition statique pour mieux, par la suite, déguster son itinéraire. La carte s'agrandit alors comme par magie et chaque pas devient l'échelle du paysage qu'il balise. Le marcheur est heureux de cette amitié entre lui, son rythme, sa respiration, ses douleurs - ô rapidement dissipées, je vous rassure! - et le chemin, ses bosses, ses cailloux, ses folles herbes et son silence. Entendez-vous le silence, malgré le vent qui s'infiltre dans les sous-bois et les bruits des moteurs qui dorénavant n'épargnent plus aucun territoire, aussi reculé soit-il? Ce silence, si rare pour le citadin, justifie le périple et son effort. Il en est la récompense. La fatigue, non pas seulement musculaire - « la dépense d'énergie» - mais aussi cérébrale, car « marcher, c'est penser», appelle un repos. Celui-ci prend la forme de la sieste. La sieste est un bienfait économe et apparemment anodin. Elle ne coûte rien, n'impose pas de règle et n'exige pas de matériel. Elle est aussi simple à pratiquer que la marche. C'est son pendant. Une marche au repos. Pas à l'arrêt, celui-ci est tendu, momentané, incertain. Pas une halte non plus, trop longue. Une pause dans le tumulte du monde. Un retrait, en quelque sorte, pour poursuivre la divagation et de la pensée et de la marche, mais cette fois-ci, sans aucun effort, sans obligation. «Marcher c'est penser», disais-je. «Comme si de rien n'était», devrais-je ajouter, tant la marche se combine au vagabondage des idées, des pensées, des mises au point. Que de solutions trouvées lors d'une marche! Untel a dit cela, que faut-il répondre? Comment conclure cet article et quel titre lui donner? Tiens, je dois écrire à X, qui s'inquiète pour Y. Les préoccupations emmagasinées en vous depuis des jours et des jours ressortent là, pour que tranquillement, vous les examiniez, l'une après l'autre, en prenant le temps et avec la sérénité du promeneur. Et cela se vérifie également pour la marche à deux. Côte à côte, ou l'un devant l'autre, la parole surgit, virevolte, traîne un peu - surtout dans les côtes -, insiste, revient à la charge, se calme, se tait. Parfois, le geste anticipe le mot, vous prenez la main de votre compagnon de voyage, comme pour mieux assurer la communication entre vous et éviter les pertes et les parasites. La chaleur du corps de l'autre se diffuse en vous, vous vous rapprochez, les mots deviennent inutiles, vous vous comprenez. Et le paysage dans lequel vous baignez, délivre ses messages, ouvre ses perspectives, pointe l'horizon. Marcher est sans fin. Comme comprendre. Comme penser. Comme aimer. Les verbes «marcher», «comprendre», «penser», «aimer», pour ne pas dire «sentir» et «ressentir», «vibrer», «désirer», «rencontrer», appartiennent au vocabulaire du marcheur/siesteur, à ses temporalités, ses hésitations lors des croissements de chemins, ses avancées héroïques au pas décidé, ses cadences et ses repos. Souffle à reprendre? Oui, certainement, mais afin d'harmoniser ses cinq sens au quatre éléments du cosmos, en une opération sans aucune retenue, ni soustraction...
Thierry Paquot, philosophe, professeur à l'université de Paris XII (IUP) est l'auteur de L'art de la sieste (Zulma, 1998) et directeur du volume collectif, Le quotidien urbain. Essais sur les temps des villes (La découverte, 2001) et a publié récemment, Le toit, seuil du cosmos (Editions Alternatives, 2003)