lundi 28 juillet 2014

Depuis Arzua.

Depuis Astorga

Partis à 6h45, nous parcourons rapidement les 8km qui nous séparent de León pour suivre la messe des pèlerins à la cathédrale. Du haut d'une dernière colline, nous apercevons la ville légionnaire ( de là son nom) occupée dès l'an 70, désertée à l'époque musulmane et puis libérée et intégrée au royaume de Castille. Les constructions s'intensifient ainsi que les rocades et nous atteignons enfin par le Puente del Castro sur le Rio Torio et les vieilles rues bordées de vieux hôtels, d'églises, de couvents...désertes ce samedi matin le cœur historique. Devant un bar, à proximité de la cathédrale, nous prenons un café avant de constater que la messe avait eu lieu à 7h...Nous décidons de visiter les trois monuments principaux: la cathédrale ,merveille d'art gothique très lumineuse avec ses vitraux et ses rosaces exceptionnels et son vaste cloître...Au XII è s. La ville ne comptait que 5000 habitants mais les rois de Castille poursuivaient une politique de prestige et de soutien du christianisme.
La collégiale romane San Isidore contient les reliques de ce grand savant,  théologien et musicien de Séville mais aussi le panthéon de 23 tombes royales aux voûtes couvertes de fresques bibliques semblables à des enluminures. Une pièce contient le " St-Graal", orfèvrerie à l'histoire rocambolesque ainsi que des reliquaires et bibles wisigothiques.
Après avoir apprécié, grâce à Critina, les tapas du quartier Humedo- à deux titres, lieu où amis et familles viennent boire un verre avant le repas et lieu bien arrosé ce dimanche midi-nous irons prendre le café dans l'ancien cellier du couvent San Marcos, autrefois monastère  et hôpital  pour pèlerins de style plateresque du XV ès fondé par les Chevaliers de St Jacques et aujourd'hui parador luxueux où une réception  de mariage est déjà préparée dans le cloitre somptueux et un repas dans le grand réfectoire décoré de tapisseries et meubles entiers comme les autres pièces.
Pour sortir de la ville nous prenons le bus jusqu'à la Virgen del Camino...il nous reste encore 14 km pour rejoindre l'auberge municipale de Villadangos del Páramo sous la pluie et les derniers rayons du soleil...Paysage de savane où les graminées or pâle dansent dans la brise...Nous imaginons des girafes mais ne verrons que quelques cigognes.
Nous retrouvons Céline et Santiago en train de souper et nous préparons des pâtes au thon et un bouillon achetés sur place avant de nous endormir dans le dortoir après 12 heures de marche...

Le lendemain, nous cheminons encore dans ce parámo qui fut autrefois un désert mais qui bénéficie depuis 1960 d'un système d'irrigation performant permettant des cultures industrielles de maïs,d'orge et de betteraves. Nous traversons à Orbigo le plus long et remarquable pont romano-médiéval (20 arches et 204 mètres) de tout le chemin à Hospital de Orbigo qui connut les combats de  Don Quichotte, des wisigoths contre les Suèves et d'Alphonse III qui vainquit les Maures. Un superbe Hospital de l'Ordre de St Jean de Jérusalem perpétue l'antique tradition hospitalière .Soudain après Santibagnes de Valdeiglesias où nous cassons la croûte en compagnie des joueurs de dominos, le terrain se plisse, ondule et les champs cultivés alternent avec les vignes et les chênes verts sur une terre rouge...Quatre heures de couleurs chaudes sous le soleil et un ciel moucheté de nuages ardoises...au sommet d'une colline, une américaine, directrice de théâtre à Chicago, offre avec ses fils des toasts aux tomates et du jus bio... Ainsi que des glaçons pour soulager le pied enflé de Critina. Michel et Alain arrivent à temps pour nous réserver des lits à l'Albergue  d'Astorga et même une physiothérapeute et une podologue bénévoles de l'université d'Alicante pour soigner Cristina et Michel.
À la croix de Santo Toribio, nous découvrons la ville sur son éperon rocheux et en arrière fond les Monts de Leon.
Petit tour dans cette capitale des Astures et des Maragates mais aussi du chocolat et des gâteaux Montecadas que nous fera apprécier Cristina au petit-déjeuner...
Mosaïques romaines d'une superbe villa avec bains, cathédrale baroque aux pierres ocres et rouges, palais épiscopal de Gaudi, couvents aux retables dorés, promenade des remparts,hôtel de ville à l'horloge animée de personnages Maragates...et un délicieux souper du terroir fait maison pour le pèlerin servi par un restaurateur avenant clôture ce beau dimanche frais mais ensoleillé à 900 m d'altitude.A l'Albergue, un groupe de pèlerins de notre âge ou plus âgés débarquent d'un car avec grandes valises, des sacs de voyage et des petits sacs à dos...un dortoir semble leur être réservés...À Astorga, arrivent beaucoup de nouveaux pèlerins souvent des jeunes espagnols à pied ou en vélo pour les derniers 300 km...

Depuis Foncebadon à 1400m

Une journée enchantée ou enchanteresse...Nous descendons d'Astorga en longeant la nationale mais après 4km, à hauteur du petit ermitage restauré de l'Ecce Homo nous prenons une jolie piste à travers la garrigue parfumée des Monts de León qui, par une lente progression dans la garrigue verte et ouvert sur la montagne environnante, nous amène à traverser des villages de pierre à balcons de bois. Beaucoup semblaient vouer à une extinction inéluctable il y a 15 ans mais la Renaissance du Camino leur a redonné vie. À Rabanal del Camino, des Anglais de la Fraternité de St Jacques ont restauré l'ancien refuge et depuis plusieurs albergues et tiendas se sont installées dans la seule rue, la Calle Real où nous dégustons une bonne tortilla avec une salade maison. Nous dépassons des groupes tout pimpants, chaussettes acidulées, chaussures neuves et T-Shirts sentant le Coral sur bermudas repassés avec plis .Nous nous sentons à nouveau moyenâgeux, nous les puants, les poussiéreux aux tenues décolorées et chaussettes de mérinos lavées ...100 fois. Nous  continuons ensuite l'ascension dans les pâturages, les genêts, les digitales et les bruyères violettes. Un bel abreuvoir d'eau froide nous permet une pause rafraîchissante pour des gambettes surchauffées. La vue sur la vallée, le silence, l'air pur nous ravissent...Encore quelques km et nous atteignons le vieux village de Foncebadón sur le flanc oriental du Mont Irago. Dispensé de dîmes par l'Eglise pour accueillir dans son refuge dès  le XI è. s des pèlerins, le village fut un haut lieu spirituel avec un concile au Xê et un couvent édifié par le roi Alphonse VI. À partir de 1850, les maisons sont désertées et l'église tombe en ruine, son clocher menace de tomber et la nef sert d'étable. Aujourd'hui, dans cette grande solitude, le village est à nouveau habité et la petite église est restaurée en refuge paroissial. Dans l'abside, un jeune frère Augustin colombien anime une petite célébration à 19h dans la nef : Bible, cœur, flammes, cailloux, bâton symbolisent el camino; le frère nous lave à chacun un pied ( ce geste prend évidemment tout son sens pour des pieds fatigués et poussiéreux ),  lit l'évangile de l'aveugle Bartimée et nous parle de continuer à construire dans nos vies ce monde de fraternité et de service vécu sur le chemin symbolisé par une embrassade pèlerine ( prendre dans ses bras est un signe très fort de soutien et de bénédiction  mutuels avec  tape dans le dos ) avec ses voisins...Santiago prie pour sa maman.
Céline est partie en clinique en taxi car elle se sent mal, fatiguée et déshydratée...Elle nous a confiié son petit Santiago qui vient souper avec nous d'une paella dans un refuge voisin du nôtre, celui de La Druida où nous partagerons une chambrée de huit.

Moment fort du Camino, l'arrivée à la Cruz de Ferro(terme galicien pour désigner une croix de fer): une petite croix plantée sur un tronc de chêne de 5 m est dressée sur un cairn constitué de toutes les pierres apportées par les pèlerins avec leurs intentions et les soucis offerts au Christ...Santiago y déposera son caillou emporté depuis Fontainebleau...
Nous atteignons la cime à 1550 m avant de redescendre vers Pontferrada le reste de la journée sur le versant fort chaud. Céline nous rejoint avec sa potion réhydratante à mi-parcours. Les châtaigniers centenaires remplacent les chênes , sources et fontaines abondent, les ardoises remplacent les tuiles dans les villages à balcons fleuris...Une  petite baignade dans le Rio Mercuelo bien frais nous détend à Molinaseca avant d' entamer 8 km le long de la chaussée torride...
Bel accueil d'hospitaliers internationaux à l'Albergue San Nicolas de Flué, fondée par un suisse. Nous sommes 180 à nous partager les sanitaires et à occuper des grands dortoirs..." On va dormir dans un parking" s'exclame Santiago quand il découvre le dortoir au sous-sol avec ses tuyaux...où nous rejoignent une bande de jeunes espagnols sympathiques et bruyants...Il y a longtemps que nous nous sommes habituer à la promiscuité ...et une douche suffit à notre bonheur. Non, il faut aussi manger. Après une célébration et une bénédiction * des pèlerins par un franciscains, nous soupons de Huevos Rotos sur la Plaza Mayor car la cuisine est trop encombrée ...tandis que dans le jardin un médecin offre des soins aux pèlerins en souffrance....

*"Que le Seigneur te bénisse et te garde, qu'il te montre sa face et te fasse miséricorde. Qu'il tourne vers toi son visage et te donne la paix. Que le seigneur te bénisse "St François d'Assise

Depuis Pereje

Nous nous levons, ce 23 juin, à 5h bien fatigués et quittons la ville en admirant la forteresse des Templiers avec ses triples remparts crénelés depuis le pont sur le Bierzo qui donne son nom à la vallée que nous allons traverser aujourd'hui au milieu des vignes, des arbres fruitiers et des petits villages viticoles. Je dépasse trois américains d'une quartaine d'années qui m'interrogent: "Amazing...from Belgium!" s'exclament-ils...Un pas après l'autre...
Nous nous arrêtons à Villanfranca del Bierzo pour nous restaurer et décidons à l'unanimité de poursuivre jusqu'au petit village de Pereje afin de nous rapprocher de l'ascension d'O Cerebreiro semblable à celle de Roncesvalles. La ville née du passage des pèlerins francs était régie par des moines clunisiens et comptait deux mairies au XIIè s.,une française et une espagnole. Églises, château des Marquis, couvents et anciennes demeures renaissances à balcons aux belles ferronneries bordent le chemin vers le Rio Burbio. Nous longeons ensuite la N6 que nous quittons pour trouver l'auberge Vecinale aménagée dans une jolie maison de pierre. Alain s'endort immédiatement pour une sieste prolongée. Le menu du pèlerin préparé par la mama du jeune tenancier du seul bar et un bain de pieds dans la petite fontaine combattent un peu la fatigue à nouveau accumulée au cours de ces 28 km sous la chaleur et le gonflement général des pieds de notre petit groupe depuis une semaine...Quelques étirements, un peu d'écriture...des bonnes nouvelles de la famille, la réservation du billet d'avion pour le 5 août...175 km pour Santiago, 100 de plus pour Finisterra et puis retour et retrouvailles avec notre chère famille et amis. Buenas Noches. Debout à 4h30 demain...

Depuis Hospital de Condesa

Nous sortons rapidement du dortoir ,où les moustiques ont fait bonne chère, nos sacs afin d'y mettre un peu d'ordre à la lumière du hall d'entrée et nous admirons le ciel sans lune. Cette fois, la Voie Lactée a déroulé toutes ses paillettes pour nous tracer la route vers Compostelle, du Levant au Couchant...Nous mangeons un bout de tartine dans le noir devant l' albergue encore fermée du village suivant et continuons jusqu'à un routier sous l'autoroute pour  prendre enfin après 10km un café avec du pain grillé. Nous sommes prêts pour affronter O Cebreiro, deuxième sommet emblématique après le col de Roncesvalles sur le Camino à 1300m...À Véga de Valcares, de jolies nordiques optent pour l'équitation tandis que nous entamons les 15km de côte sur un sentier empierré semblable au lit d'un torrent bordé par des bouleaux et des chênes couverts de lichens et ensuite,plus on s'élève, par des fleurs : bruyères, digitales, mauves, achillées blanches, genêts, campanules ...Peu à peu, la vue se dégage et nous nous apercevons que nous sommes entourés de montagnes arrondies toutes vertes émergeant de profones vallées. Un panneau indique l'entrée dans la région autonome de Galice...Cristina est chez elle et nous sommes heureux de découvrir ce pays dont elle enseigne la langue et connaît si bien la culture. La brume nous enveloppe soudain...Un beau chemin à flanc de montagne débouche enfin par une ouverture dans un mur de pierres sèches sur la petite esplanade devant l'église de N-D d'O Cebreiro où nous nous recueillons. Un couvent de bénédictins accueillit pendant 1000 ans  les pèlerins dont St François d'Assise. Nous découvrons dans ce minuscule village de quelques foyers les premières paillon as,  maisons typiquement galiciennes d'origine préhistorique arrondies en pierres plates couvertes de paille de seigle cousue avec du genêt qui réunissaient une famille et des animaux domestiques sous le même toit et autrefois abrita les pèlerins...

La brume confère au lieu une ambiance celtique mystérieuse. Nous entrons dans un restaurant rustiqueoù deux maîtresses-femmes tournent dans des chaudrons placés sous l'antique cheminée: caldo gallego ( soupe aux choux et fèves ) et guisado ( ragoût ) conviennent parfaitement à des pèlerins refroidis et affamés. Des japonais tournent un film sur le Camino dans la salle avec un célèbre pianiste "pèlerin" au grand dam des tenancières. Céline et Santiago se font interviewer...
Comme il n'est que 14h, nous décidons de poursuivre vers Hospital de Condesa à 10km...Les fleurs sauvages et les fougères abondent et escortent notre progression. Des petites églises de pierre au clocher-porche laissent voir leur intérieur derrière une grille où pend le tampon pour la credenciale. À l'Albergue, la réceptionniste n'est guère aimable et la superbe cuisine et salle à manger moderne ne disposent d'aucune vaisselle et matériel pour cuisiner...Nous prendrons le menu pour pèlerin dans le seul petit restaurant du village pendant que le linge lessivé en commun avec les copains comme chaque soir nsèche sur le fil au grand vent du soir...Dans les près clos de murets, les belles rousses ruminent et le foin fauché embaume.

Depuis Sarria, 25 juillet, fête de Santigo...

Dans le resto de montagne de la veille, nous retrouvons à 7h30 d'autres pèlerins tellement de fois croisés qui s'arrêtent pour prendre le déjeuner: jus frais, grosses tartines grillées et café...
La féerie verte se poursuit dans la brume qui monte de la vallée et puis le soleil inonde le sommet de l'Alto do Poio.  Nous suivons ensuite le flanc de la montagne dans un jardin de rocailles...Le Camino descend en traversant la seule rue de petits villages où les vaches s'en vont pâturer...D'une grange surgit soudain une vieille paysanne pour nous proposer ses crêpes contre un donativo, plus loin une autre vend des fruits des bois devant sa maison proche d'un châtaignier de 800 ans. Les arbres anciens, chênes et châtaigniers, ainsi que mirabelliers, pommiers et poiriers, figuiers, pruniers, mûriers et fraisiers, sources et potagers bien garnis de grands choux verts nous renvoient à l'Eden ou aux campagnes des contes de fées de notre enfance...
Pause gourmande à Tricastela: poulpe, coquille St Jacques, chourasco à la parrillada, des champignons des bois, langue de veau....Nous fêtons Santiago comme il se doit en ce jour férié  espagnol...
Les 15 derniers km seront eux aussi un régal avec les chemins creux bordés de vieux arbres, de ruisseaux, de calvaires et les vallées profondes où Sarria se profile. Nous montons, descendons, passons des fermes, des chapelles, croisons les premiers horreos, greniers à maïs sur pied avec sur les deux faces, une croix et un genre de chapeau de sorcière pointu pour chasser les sorcières et mauvais esprits...Les jambes commencent à se raidir après 30 km et tant d'heures de marche sous le soleil...Il est 18h30 quand nous déposons, épuisés,le sac au sommet opposé de la ville dans l'abbaye de La Magdalena, située à la borne 111km de Santiago et dont les bons pères sont partis fêter le grand Saint dans les villages voisins....Le décompte vers Santiago s'effectue depuis la verte Galice tous les 500m...Dans la ville, les albergues sont nombreuses et les nouveaux pèlerins affluent, souvent par groupes, pour effectuer les derniers cents km donnant droit à la Compostella...Bouillon et pâtes nourrissent la petite troupe dans la cuisine...Santiago a bien marché pour son jour de fête! Bravo petit homme!!!!

Depuis Portomarin

Départ difficile pour Cristina qui se lève avec le pied gonflé et raide et pour Céline qui se fait un tour de rein.Je marche à leur rythme et celui de Santiago portant bravement son sac à dos en me racontant des histoires fabuleuses de héros ou des blagues de Toto...Nous déjeunons dans un petit bar après 8 km ...Le paysage ressemble à un décor de Béatrix Potter, d'Harry Potter ou de Seigneur des Anneaux avec ses vieux arbres noueux, ses drailles -chemin creux bordés de hauts murs de pierres plates sèches pour mener les troupeaux aux pâturages - ses dalles levées clôturant les prés où gambadent les moutons beiges et marrons, ses petits hameaux parsemés sur les collines, ses noisetiers, ses ponts de pierre enjambant des ruisseaux clairs, ses barrières de bois comme fossilisées de la même teinte gris-bronze que les murs moussus, ses corredoiras::aménagement de gués en pierres plates longeant la "chaussée"  inondée par le ruisseau..Les petits sédums fleurissent sur les toits de lauzes et le paysan remue le foin parfumé avec sa griffe rotative tandis qu'un peuple de pèlerins arpentent ces sentes buissonnières. Quelle décalage à nouveau entre notre démarche inscrite dans la durée et ces nouveaux pèlerins avec le baladeur dans les oreilles, le  petit sac en bandoulière bardé d'une énorme coquille et aussi parfois juchés sur des bolides VTT ...On avait dit " placide"...Chacun sa route, chacun son chemin...chacun sa démarche pèlerine ...et bravo à cette belle jeunesse , ces familles qui chantent..."Buen Camino hacia Santiago!"

21 km...une belle balade pour savourer la douceur et la beauté de cette Terre Promise après les épreuves des étapes monotones, torrides, humides, escarpées,..." C'est le cadeau de St Jacques" me dit Cristina, la galicienne. Nous  te portons Grand Saint le souhait d'un monde aussi paisible et beau pour tous nos proches qui nous envoient leurs messages de souffrances et toutes ces familles palestiniennes endeuillées et désespérées.


Borne100...est-ce possible??? Les images se bousculent...Tant de km depuis les premiers pas franchis pour traverser notre village...Lens, Herchies...Hornu...Paris...
Tant de pèlerins lointains qui nous ont accompagnés par leurs pensées, leurs prières, leurs messages sur ce Camino unique où Jacques continue de proclamer à toutes les Nations la Bonne Nouvelle de la fraternité universelle...

À la borne 89, nous atteignons Portomarin surplombant le barrage dont l'église romane fortifiée San Juan fut remontée de la vallée avec quelques belles demeures avant l'inondation de la vallée du Rio Mino. dans les années 60 pour y installer un barrage. À l'Albergue, à 19h, arrivent trois forts espagnols tatoués vus au terrasse des bars du Camino...L'un d'eux, voyant le pied gonflé de Cristina et le dos tordu de Céline, les ausculte et les manipule de quelques torsions expertes...Il est ostéopathe et s'appelle Jesus( à prononcer très fort à l'espagnole )...
Alain s'active pour nous proposer une belle assiette froide colorée ...

Depuis Palas de Rei

25 km en 4h45...en forte côte au départ et puis en montée progressive en suivant des pistes aménagées le long de la route et enfin  en traversant de paisibles villages galiciens avec horreos et calvaires de granite dont celui de Ligonde, le plus beau,en face d'un vieux chêne avec le Christ en  croix sur une face et une pietà sur l'autre, au pied les instruments de la passion...Comment ne pas penser à la Bretagne?
Les forêt d'eucalyptus font leur apparition et les pins réapparaissent...
La marche fait à présent totalement partie de notre manière d'être et de vivre...Il faudra désormais l'intégrer dans notre vie...?
Cuisine du terroir...Menu du jour à 9€....Soupe de poissons, poulpes sur pdt au safran, gâteau de Santiago aux amandes...et sieste dans notre belle chambre de 7 à l'Albergue San Marcos toute neuve.

Depuis Arzúa

Une longue étape de 30km où on ne se lasse pas de musarder dans ces forêts de chênes, de châtaigniers et d'eucalyptus qui s'enchaînent...Nous parcourons les chemins creux profonds et obscurs d'une vallée à l'autre en passant sur des gués et des ponts romans en dos d'âne et en traversant de petits villages où chaque jardin expose son horreo, son église romane, ses vestiges de refuges...
et ses choux sur hautes tiges à effeuiller chaque jour...Le temps semblerait s'être arrêté au début du siècle dernier s'il ne fallait croiser ou surplomber la N547. Pas question cette fois d'envier l'automobiliste qui ignore tout de cette Galice champêtre !


"Peregrinus" a pour racine "per ager" à travers champ ou "per eger" passage de frontières .où le voyageur devient un étranger. Le pèlerin devient donc le symbole universel du caractère transitoire de toute situation et du détachement par rapport au présent.

À Arzua, la borne indique 37,5. Nous ferons deux étapes pour arriver tôt à Santiago le mercredi 30 juillet...Nous en sommes tous étonnés ce soir en partageant un bon repas galicien à la Mesón Teodora...












Depuis Astorga

Partis à 6h45, nous parcourons rapidement les 8km qui nous séparent de León pour suivre la messe des pèlerins à la cathédrale. Du haut d'une dernière colline, nous apercevons la ville légionnaire ( de là son nom) occupée dès l'an 70, désertée à l'époque musulmane et puis libérée et intégrée au royaume de Castille. Les constructions s'intensifient ainsi que les rocades et nous atteignons enfin par le Puente del Castro sur le Rio Torio et les vieilles rues bordées de vieux hôtels, d'églises, de couvents...désertes ce samedi matin le cœur historique. Devant un bar, à proximité de la cathédrale, nous prenons un café avant de constater que la messe avait eu lieu à 7h...Nous décidons de visiter les trois monuments principaux: la cathédrale ,merveille d'art gothique très lumineuse avec ses vitraux et ses rosaces exceptionnels et son vaste cloître...Au XII è s. La ville ne comptait que 5000 habitants mais les rois de Castille poursuivaient une politique de prestige et de soutien du christianisme.
La collégiale romane San Isidore contient les reliques de ce grand savant,  théologien et musicien de Séville mais aussi le panthéon de 23 tombes royales aux voûtes couvertes de fresques bibliques semblables à des enluminures. Une pièce contient le " St-Graal", orfèvrerie à l'histoire rocambolesque ainsi que des reliquaires et bibles wisigothiques.
Après avoir apprécié, grâce à Critina, les tapas du quartier Humedo- à deux titres, lieu où amis et familles viennent boire un verre avant le repas et lieu bien arrosé ce dimanche midi-nous irons prendre le café dans l'ancien cellier du couvent San Marcos, autrefois monastère  et hôpital  pour pèlerins de style plateresque du XV ès fondé par les Chevaliers de St Jacques et aujourd'hui parador luxueux où une réception  de mariage est déjà préparée dans le cloitre somptueux et un repas dans le grand réfectoire décoré de tapisseries et meubles entiers comme les autres pièces.
Pour sortir de la ville nous prenons le bus jusqu'à la Virgen del Camino...il nous reste encore 14 km pour rejoindre l'auberge municipale de Villadangos del Páramo sous la pluie et les derniers rayons du soleil...Paysage de savane où les graminées or pâle dansent dans la brise...Nous imaginons des girafes mais ne verrons que quelques cigognes.
Nous retrouvons Céline et Santiago en train de souper et nous préparons des pâtes au thon et un bouillon achetés sur place avant de nous endormir dans le dortoir après 12 heures de marche...

Le lendemain, nous cheminons encore dans ce parámo qui fut autrefois un désert mais qui bénéficie depuis 1960 d'un système d'irrigation performant permettant des cultures industrielles de maïs,d'orge et de betteraves. Nous traversons à Orbigo le plus long et remarquable pont romano-médiéval (20 arches et 204 mètres) de tout le chemin à Hospital de Orbigo qui connut les combats de  Don Quichotte, des wisigoths contre les Suèves et d'Alphonse III qui vainquit les Maures. Un superbe Hospital de l'Ordre de St Jean de Jérusalem perpétue l'antique tradition hospitalière .Soudain après Santibagnes de Valdeiglesias où nous cassons la croûte en compagnie des joueurs de dominos, le terrain se plisse, ondule et les champs cultivés alternent avec les vignes et les chênes verts sur une terre rouge...Quatre heures de couleurs chaudes sous le soleil et un ciel moucheté de nuages ardoises...au sommet d'une colline, une américaine, directrice de théâtre à Chicago, offre avec ses fils des toasts aux tomates et du jus bio... Ainsi que des glaçons pour soulager le pied enflé de Critina. Michel et Alain arrivent à temps pour nous réserver des lits à l'Albergue  d'Astorga et même une physiothérapeute et une podologue bénévoles de l'université d'Alicante pour soigner Cristina et Michel.
À la croix de Santo Toribio, nous découvrons la ville sur son éperon rocheux et en arrière fond les Monts de Leon.
Petit tour dans cette capitale des Astures et des Maragates mais aussi du chocolat et des gâteaux Montecadas que nous fera apprécier Cristina au petit-déjeuner...
Mosaïques romaines d'une superbe villa avec bains, cathédrale baroque aux pierres ocres et rouges, palais épiscopal de Gaudi, couvents aux retables dorés, promenade des remparts,hôtel de ville à l'horloge animée de personnages Maragates...et un délicieux souper du terroir fait maison pour le pèlerin servi par un restaurateur avenant clôture ce beau dimanche frais mais ensoleillé à 900 m d'altitude.A l'Albergue, un groupe de pèlerins de notre âge ou plus âgés débarquent d'un car avec grandes valises, des sacs de voyage et des petits sacs à dos...un dortoir semble leur être réservés...À Astorga, arrivent beaucoup de nouveaux pèlerins souvent des jeunes espagnols à pied ou en vélo pour les derniers 300 km...

Depuis Foncebadon à 1400m

Une journée enchantée ou enchanteresse...Nous descendons d'Astorga en longeant la nationale mais après 4km, à hauteur du petit ermitage restauré de l'Ecce Homo nous prenons une jolie piste à travers la garrigue parfumée des Monts de León qui, par une lente progression dans la garrigue verte et ouvert sur la montagne environnante, nous amène à traverser des villages de pierre à balcons de bois. Beaucoup semblaient vouer à une extinction inéluctable il y a 15 ans mais la Renaissance du Camino leur a redonné vie. À Rabanal del Camino, des Anglais de la Fraternité de St Jacques ont restauré l'ancien refuge et depuis plusieurs albergues et tiendas se sont installées dans la seule rue, la Calle Real où nous dégustons une bonne tortilla avec une salade maison. Nous dépassons des groupes tout pimpants, chaussettes acidulées, chaussures neuves et T-Shirts sentant le Coral sur bermudas repassés avec plis .Nous nous sentons à nouveau moyenâgeux, nous les puants, les poussiéreux aux tenues décolorées et chaussettes de mérinos lavées ...100 fois. Nous  continuons ensuite l'ascension dans les pâturages, les genêts, les digitales et les bruyères violettes. Un bel abreuvoir d'eau froide nous permet une pause rafraîchissante pour des gambettes surchauffées. La vue sur la vallée, le silence, l'air pur nous ravissent...Encore quelques km et nous atteignons le vieux village de Foncebadón sur le flanc oriental du Mont Irago. Dispensé de dîmes par l'Eglise pour accueillir dans son refuge dès  le XI è. s des pèlerins, le village fut un haut lieu spirituel avec un concile au Xê et un couvent édifié par le roi Alphonse VI. À partir de 1850, les maisons sont désertées et l'église tombe en ruine, son clocher menace de tomber et la nef sert d'étable. Aujourd'hui, dans cette grande solitude, le village est à nouveau habité et la petite église est restaurée en refuge paroissial. Dans l'abside, un jeune frère Augustin colombien anime une petite célébration à 19h dans la nef : Bible, cœur, flammes, cailloux, bâton symbolisent el camino; le frère nous lave à chacun un pied ( ce geste prend évidemment tout son sens pour des pieds fatigués et poussiéreux ),  lit l'évangile de l'aveugle Bartimée et nous parle de continuer à construire dans nos vies ce monde de fraternité et de service vécu sur le chemin symbolisé par une embrassade pèlerine ( prendre dans ses bras est un signe très fort de soutien et de bénédiction  mutuels avec  tape dans le dos ) avec ses voisins...Santiago prie pour sa maman.
Céline est partie en clinique en taxi car elle se sent mal, fatiguée et déshydratée...Elle nous a confiié son petit Santiago qui vient souper avec nous d'une paella dans un refuge voisin du nôtre, celui de La Druida où nous partagerons une chambrée de huit.

Moment fort du Camino, l'arrivée à la Cruz de Ferro(terme galicien pour désigner une croix de fer): une petite croix plantée sur un tronc de chêne de 5 m est dressée sur un cairn constitué de toutes les pierres apportées par les pèlerins avec leurs intentions et les soucis offerts au Christ...Santiago y déposera son caillou emporté depuis Fontainebleau...
Nous atteignons la cime à 1550 m avant de redescendre vers Pontferrada le reste de la journée sur le versant fort chaud. Céline nous rejoint avec sa potion réhydratante à mi-parcours. Les châtaigniers centenaires remplacent les chênes , sources et fontaines abondent, les ardoises remplacent les tuiles dans les villages à balcons fleuris...Une  petite baignade dans le Rio Mercuelo bien frais nous détend à Molinaseca avant d' entamer 8 km le long de la chaussée torride...
Bel accueil d'hospitaliers internationaux à l'Albergue San Nicolas de Flué, fondée par un suisse. Nous sommes 180 à nous partager les sanitaires et à occuper des grands dortoirs..." On va dormir dans un parking" s'exclame Santiago quand il découvre le dortoir au sous-sol avec ses tuyaux...où nous rejoignent une bande de jeunes espagnols sympathiques et bruyants...Il y a longtemps que nous nous sommes habituer à la promiscuité ...et une douche suffit à notre bonheur. Non, il faut aussi manger. Après une célébration et une bénédiction * des pèlerins par un franciscains, nous soupons de Huevos Rotos sur la Plaza Mayor car la cuisine est trop encombrée ...tandis que dans le jardin un médecin offre des soins aux pèlerins en souffrance....

*"Que le Seigneur te bénisse et te garde, qu'il te montre sa face et te fasse miséricorde. Qu'il tourne vers toi son visage et te donne la paix. Que le seigneur te bénisse "St François d'Assise

Depuis Pereje

Nous nous levons, ce 23 juin, à 5h bien fatigués et quittons la ville en admirant la forteresse des Templiers avec ses triples remparts crénelés depuis le pont sur le Bierzo qui donne son nom à la vallée que nous allons traverser aujourd'hui au milieu des vignes, des arbres fruitiers et des petits villages viticoles. Je dépasse trois américains d'une quartaine d'années qui m'interrogent: "Amazing...from Belgium!" s'exclament-ils...Un pas après l'autre...
Nous nous arrêtons à Villanfranca del Bierzo pour nous restaurer et décidons à l'unanimité de poursuivre jusqu'au petit village de Pereje afin de nous rapprocher de l'ascension d'O Cerebreiro semblable à celle de Roncesvalles. La ville née du passage des pèlerins francs était régie par des moines clunisiens et comptait deux mairies au XIIè s.,une française et une espagnole. Églises, château des Marquis, couvents et anciennes demeures renaissances à balcons aux belles ferronneries bordent le chemin vers le Rio Burbio. Nous longeons ensuite la N6 que nous quittons pour trouver l'auberge Vecinale aménagée dans une jolie maison de pierre. Alain s'endort immédiatement pour une sieste prolongée. Le menu du pèlerin préparé par la mama du jeune tenancier du seul bar et un bain de pieds dans la petite fontaine combattent un peu la fatigue à nouveau accumulée au cours de ces 28 km sous la chaleur et le gonflement général des pieds de notre petit groupe depuis une semaine...Quelques étirements, un peu d'écriture...des bonnes nouvelles de la famille, la réservation du billet d'avion pour le 5 août...175 km pour Santiago, 100 de plus pour Finisterra et puis retour et retrouvailles avec notre chère famille et amis. Buenas Noches. Debout à 4h30 demain...

Depuis Hospital de Condesa

Nous sortons rapidement du dortoir ,où les moustiques ont fait bonne chère, nos sacs afin d'y mettre un peu d'ordre à la lumière du hall d'entrée et nous admirons le ciel sans lune. Cette fois, la Voie Lactée a déroulé toutes ses paillettes pour nous tracer la route vers Compostelle, du Levant au Couchant...Nous mangeons un bout de tartine dans le noir devant l' albergue encore fermée du village suivant et continuons jusqu'à un routier sous l'autoroute pour  prendre enfin après 10km un café avec du pain grillé. Nous sommes prêts pour affronter O Cebreiro, deuxième sommet emblématique après le col de Roncesvalles sur le Camino à 1300m...À Véga de Valcares, de jolies nordiques optent pour l'équitation tandis que nous entamons les 15km de côte sur un sentier empierré semblable au lit d'un torrent bordé par des bouleaux et des chênes couverts de lichens et ensuite,plus on s'élève, par des fleurs : bruyères, digitales, mauves, achillées blanches, genêts, campanules ...Peu à peu, la vue se dégage et nous nous apercevons que nous sommes entourés de montagnes arrondies toutes vertes émergeant de profones vallées. Un panneau indique l'entrée dans la région autonome de Galice...Cristina est chez elle et nous sommes heureux de découvrir ce pays dont elle enseigne la langue et connaît si bien la culture. La brume nous enveloppe soudain...Un beau chemin à flanc de montagne débouche enfin par une ouverture dans un mur de pierres sèches sur la petite esplanade devant l'église de N-D d'O Cebreiro où nous nous recueillons. Un couvent de bénédictins accueillit pendant 1000 ans  les pèlerins dont St François d'Assise. Nous découvrons dans ce minuscule village de quelques foyers les premières paillon as,  maisons typiquement galiciennes d'origine préhistorique arrondies en pierres plates couvertes de paille de seigle cousue avec du genêt qui réunissaient une famille et des animaux domestiques sous le même toit et autrefois abrita les pèlerins...

La brume confère au lieu une ambiance celtique mystérieuse. Nous entrons dans un restaurant rustiqueoù deux maîtresses-femmes tournent dans des chaudrons placés sous l'antique cheminée: caldo gallego ( soupe aux choux et fèves ) et guisado ( ragoût ) conviennent parfaitement à des pèlerins refroidis et affamés. Des japonais tournent un film sur le Camino dans la salle avec un célèbre pianiste "pèlerin" au grand dam des tenancières. Céline et Santiago se font interviewer...
Comme il n'est que 14h, nous décidons de poursuivre vers Hospital de Condesa à 10km...Les fleurs sauvages et les fougères abondent et escortent notre progression. Des petites églises de pierre au clocher-porche laissent voir leur intérieur derrière une grille où pend le tampon pour la credenciale. À l'Albergue, la réceptionniste n'est guère aimable et la superbe cuisine et salle à manger moderne ne disposent d'aucune vaisselle et matériel pour cuisiner...Nous prendrons le menu pour pèlerin dans le seul petit restaurant du village pendant que le linge lessivé en commun avec les copains comme chaque soir nsèche sur le fil au grand vent du soir...Dans les près clos de murets, les belles rousses ruminent et le foin fauché embaume.

Depuis Sarria, 25 juillet, fête de Santigo...

Dans le resto de montagne de la veille, nous retrouvons à 7h30 d'autres pèlerins tellement de fois croisés qui s'arrêtent pour prendre le déjeuner: jus frais, grosses tartines grillées et café...
La féerie verte se poursuit dans la brume qui monte de la vallée et puis le soleil inonde le sommet de l'Alto do Poio.  Nous suivons ensuite le flanc de la montagne dans un jardin de rocailles...Le Camino descend en traversant la seule rue de petits villages où les vaches s'en vont pâturer...D'une grange surgit soudain une vieille paysanne pour nous proposer ses crêpes contre un donativo, plus loin une autre vend des fruits des bois devant sa maison proche d'un châtaignier de 800 ans. Les arbres anciens, chênes et châtaigniers, ainsi que mirabelliers, pommiers et poiriers, figuiers, pruniers, mûriers et fraisiers, sources et potagers bien garnis de grands choux verts nous renvoient à l'Eden ou aux campagnes des contes de fées de notre enfance...
Pause gourmande à Tricastela: poulpe, coquille St Jacques, chourasco à la parrillada, des champignons des bois, langue de veau....Nous fêtons Santiago comme il se doit en ce jour férié  espagnol...
Les 15 derniers km seront eux aussi un régal avec les chemins creux bordés de vieux arbres, de ruisseaux, de calvaires et les vallées profondes où Sarria se profile. Nous montons, descendons, passons des fermes, des chapelles, croisons les premiers horreos, greniers à maïs sur pied avec sur les deux faces, une croix et un genre de chapeau de sorcière pointu pour chasser les sorcières et mauvais esprits...Les jambes commencent à se raidir après 30 km et tant d'heures de marche sous le soleil...Il est 18h30 quand nous déposons, épuisés,le sac au sommet opposé de la ville dans l'abbaye de La Magdalena, située à la borne 111km de Santiago et dont les bons pères sont partis fêter le grand Saint dans les villages voisins....Le décompte vers Santiago s'effectue depuis la verte Galice tous les 500m...Dans la ville, les albergues sont nombreuses et les nouveaux pèlerins affluent, souvent par groupes, pour effectuer les derniers cents km donnant droit à la Compostella...Bouillon et pâtes nourrissent la petite troupe dans la cuisine...Santiago a bien marché pour son jour de fête! Bravo petit homme!!!!

Depuis Portomarin

Départ difficile pour Cristina qui se lève avec le pied gonflé et raide et pour Céline qui se fait un tour de rein.Je marche à leur rythme et celui de Santiago portant bravement son sac à dos en me racontant des histoires fabuleuses de héros ou des blagues de Toto...Nous déjeunons dans un petit bar après 8 km ...Le paysage ressemble à un décor de Béatrix Potter, d'Harry Potter ou de Seigneur des Anneaux avec ses vieux arbres noueux, ses drailles -chemin creux bordés de hauts murs de pierres plates sèches pour mener les troupeaux aux pâturages - ses dalles levées clôturant les prés où gambadent les moutons beiges et marrons, ses petits hameaux parsemés sur les collines, ses noisetiers, ses ponts de pierre enjambant des ruisseaux clairs, ses barrières de bois comme fossilisées de la même teinte gris-bronze que les murs moussus, ses corredoiras::aménagement de gués en pierres plates longeant la "chaussée"  inondée par le ruisseau..Les petits sédums fleurissent sur les toits de lauzes et le paysan remue le foin parfumé avec sa griffe rotative tandis qu'un peuple de pèlerins arpentent ces sentes buissonnières. Quelle décalage à nouveau entre notre démarche inscrite dans la durée et ces nouveaux pèlerins avec le baladeur dans les oreilles, le  petit sac en bandoulière bardé d'une énorme coquille et aussi parfois juchés sur des bolides VTT ...On avait dit " placide"...Chacun sa route, chacun son chemin...chacun sa démarche pèlerine ...et bravo à cette belle jeunesse , ces familles qui chantent..."Buen Camino hacia Santiago!"

21 km...une belle balade pour savourer la douceur et la beauté de cette Terre Promise après les épreuves des étapes monotones, torrides, humides, escarpées,..." C'est le cadeau de St Jacques" me dit Cristina, la galicienne. Nous  te portons Grand Saint le souhait d'un monde aussi paisible et beau pour tous nos proches qui nous envoient leurs messages de souffrances et toutes ces familles palestiniennes endeuillées et désespérées.


Borne100...est-ce possible??? Les images se bousculent...Tant de km depuis les premiers pas franchis pour traverser notre village...Lens, Herchies...Hornu...Paris...
Tant de pèlerins lointains qui nous ont accompagnés par leurs pensées, leurs prières, leurs messages sur ce Camino unique où Jacques continue de proclamer à toutes les Nations la Bonne Nouvelle de la fraternité universelle...

À la borne 89, nous atteignons Portomarin surplombant le barrage dont l'église romane fortifiée San Juan fut remontée de la vallée avec quelques belles demeures avant l'inondation de la vallée du Rio Mino. dans les années 60 pour y installer un barrage. À l'Albergue, à 19h, arrivent trois forts espagnols tatoués vus au terrasse des bars du Camino...L'un d'eux, voyant le pied gonflé de Cristina et le dos tordu de Céline, les ausculte et les manipule de quelques torsions expertes...Il est ostéopathe et s'appelle Jesus( à prononcer très fort à l'espagnole )...
Alain s'active pour nous proposer une belle assiette froide colorée ...

Depuis Palas de Rei

25 km en 4h45...en forte côte au départ et puis en montée progressive en suivant des pistes aménagées le long de la route et enfin  en traversant de paisibles villages galiciens avec horreos et calvaires de granite dont celui de Ligonde, le plus beau,en face d'un vieux chêne avec le Christ en  croix sur une face et une pietà sur l'autre, au pied les instruments de la passion...Comment ne pas penser à la Bretagne?
Les forêt d'eucalyptus font leur apparition et les pins réapparaissent...
La marche fait à présent totalement partie de notre manière d'être et de vivre...Il faudra désormais l'intégrer dans notre vie...?
Cuisine du terroir...Menu du jour à 9€....Soupe de poissons, poulpes sur pdt au safran, gâteau de Santiago aux amandes...et sieste dans notre belle chambre de 7 à l'Albergue San Marcos toute neuve.

Depuis Arzúa

Une longue étape de 30km où on ne se lasse pas de musarder dans ces forêts de chênes, de châtaigniers et d'eucalyptus qui s'enchaînent...Nous parcourons les chemins creux profonds et obscurs d'une vallée à l'autre en passant sur des gués et des ponts romans en dos d'âne et en traversant de petits villages où chaque jardin expose son horreo, son église romane, ses vestiges de refuges...
et ses choux sur hautes tiges à effeuiller chaque jour...Le temps semblerait s'être arrêté au début du siècle dernier s'il ne fallait croiser ou surplomber la N547. Pas question cette fois d'envier l'automobiliste qui ignore tout de cette Galice champêtre !


"Peregrinus" a pour racine "per ager" à travers champ ou "per eger" passage de frontières .où le voyageur devient un étranger. Le pèlerin devient donc le symbole universel du caractère transitoire de toute situation et du détachement par rapport au présent.

À Arzua, la borne indique 37,5. Nous ferons deux étapes pour arriver tôt à Santiago le mercredi 30 juillet...Nous en sommes tous étonnés ce soir en partageant un bon repas galicien à la Mesón Teodora...



















Depuis Arzua

Catastrophe... J'ai oublié mon rasoir dans la douche de l'albergue à Portomarin et hier, dimanche, aucun magasin ouvert à Palas De Rey.... Vous me direz " peu importe, tu t'en rachèteras un autre..." ! Oui, bien sûr, et c'est ce que j'ai déjà fait ce matin en traversant une petite ville en direction d'Arzua où nous logeons ce soir...
Mais j'y tenais moi, à ce rasoir... Un Gilette Mach 3 deuxieme génération, avec vibreur intégré à piles ( il y a bien longtemps que je ne l'avais plus remplacée, la pile), reçu en échantillon du représentant Gilette, il y a près de 15 ans, quand j'étais encore en magasin, à Braine-Le-Comte... 15 ans qu'il me rendait fidèlement service chaque matin... Et moi, ingrat, je l'abandonne lâchement dans une douche d'albergue espagnole où il finira à la poubelle, jeté par Carmen, la femme de ménage, qui n'imagine pas une demi-seconde le lien affectif qui existait entre ce rasoir et les joues d'un pèlerin distrait...
Bon ben, tant pis... Je ne vais pas refaire 30 km en arrière pour fouiller les poubelles... " Le surnom d'infâme me va comme un gant...." ( G. Brassens )

Après demain: Santiago !

Michel

samedi 26 juillet 2014

Depuis Porto Marin

Nous dormons ce soir à Foncebadon, village autrefois complètement en ruines où quelques maisons ont été restaurées depuis le renouveau du pèlerinage pour en faire des Albergues d'accueil pour pèlerins. 2 km avant la Cruz de Fierro, haut lieu du Camino Frances. Les pèlerins, une fois installes et le cérémonial de la douche accompli, cherchent comment se restaurer ce soir: "menu Del peregrino" à l'unique resto du coin ou alors, trouver quelques denrées à la Tienda rudimentaire.... Les Espagnols, majoritaires, croisent les Danois, les Belges, les Français, les Polonais, les Italiens.... Le Camino mérite bien son titre d'Itineraire Culturel Européen.

Mon "pèlerinage" a son "fil rouge"....
" Je suis le chemin..." dit Jésus...
Il ne dit pas "Je suis l'objectif" ou "Je suis le but à atteindre"...
Non, il dit "Je suis le chemin" !
" Je suis le chemin à arpenter, la route à suivre..."

Je reprends ce message après quelques jours... Ce matin nous avons dépassé la borne des 100 derniers km. L'ambiance à quelque peu changé... La foule des pèlerins se divise maintenant en deux grandes catégories: ceux qui sentent bon, qui viennent de commencer, qui sont "propres sur eux", qui marchent avec un tout petit sac ( leurs affaires les attendent à l'hôtel ), un GPS inutile à la main, un bourdon à 12 euros équipé de la callebasse miniature... qui vont faire les 100 derniers km... et puis les autres, ceux qui ne sentent plus très bon... qui font sécher leurs chaussettes sur leur sac à dos, qui le soir, font voir leur bronzage à hauteur des chaussettes...
Pourtant, respect pour tous ces pèlerins ! Ceux de la première et ceux de la dernière heure.... Qui serions nous pour pouvoir juger des motivations de chacun ? C'est vraiment beau de voir tout ce peuple en marche vers Compostelle !

Michel

vendredi 18 juillet 2014

Depuis Léon

Depuis Logrono,capitale du Rioja

Tout s'est finalement très bien passé dans cette Albergue Municipale d'Estella où nous étions une bonne cinquantaine dans notre dortoir du rez-de-chaussée qui donnait sur un patio.

Ces Albergues Municipales sont de véritables institutions installées souvent dans d'anciens refuges ou hôpitaux historiques pour pèlerins. Un ou des hospitaliers nous y accueillent, notent nom, origine, destination prévue, numéro national,âge et tamponnent la crédenciale. Ils vous attribuent ensuite un lit numéroté et vous indiquent l'étage où le trouver, ainsi que les horaires et le local pour les chaussures de marche. En général, le silence est imposé pour 22h et vous devez être partis pour 8h. Douches et wc sont parfois séparés pour les hommes et les femmes, une grande cuisine communautaire est accessible à tous de même qu'un patio où des étendoirs sont couverts de linges sportifs fraîchement lavés. Les pèlerins à pied sont prioritaires mais il y a aussi parfois quelques cyclistes dont ceux en VTT bien musclés. Nous recevons un drap et une taie jetables. Il faut alors trouver une place pour le sac au sol et tenter de sortir son contenu sur peu d'espace soit sur ou sous le lit. Dans le dortoir, certains dorment dès l'arrivée l'après-midi, d'autres s'enduisent  de crème après -solaire ou massent pieds et jambes avec des baumes à base d'arnica, de ganterie ou d'autres plantes parfumées. Un code wifi donne parfois accès à internet mais dans un cadre restreint proche du bureau d'accueil où s'agglutinent alors les internautes. Des distributeurs proposent boissons, pommes, barres de céréales mais aussi compeed, pommades Neutrogena ou Eucerin pour les pieds. Dans  la cuisine, certains mangent en solitaire un gobelet de pâtes à réhydrater ou réchauffer tandis que d'autres préparent de grandes marmites de légumes avec des pâtes ou du riz ou même des crêpes. Tous ces jeunes rient et se débrouillent très bien pour communiquer entre eux.Normalement, le silence est respecté sauf par les ronfleurs,parfois atrocement bruyants et nombreux. À partir de 4h30, certains se mettent déjà en route en rassemblant leurs effets dans la pénombre assortie du froissement des sacs en plastique et les départs se succèdent si bien qu'à 6h quand nous nous levons, sanitaires et cuisine sont quasi libres, les étagères à bottines vides et à 7h, dans les rues calmes nous suivons de loin le gros du peloton. Un petit stress...N'avons-nous rien oublié du contenu répandu, rassemblé à la hâte dans un demi-sommeil et pourtant si...vital?

Après avoir passé la porte fortifiée, nous gagnons les nouveaux quartiers d'immeubles, les rues bétonnées et finalement les chemins empierrés ou de terre guidés par une signalisation qui ne laisse pas de place au doute...paysage de collines magnifiquement cultivées dans leur partie basse et laissées sauvages sur les hauteurs rocheuses bombées. Fontaine à vin aujourd'hui payante à Irache près de l'abbaye.

Perchée sur une colline, voila Villamayor de Montjardin et sa petite église romane San Andres où un vieux paroissien de garde s'empresse d'allumer les spots pour illuminer une croix en argent du XIIès et de jolies statues. Il se fait un plaisir de nous appliquer son tampon et de signaler la présence d'un livre d'or...Vignes et champs de blés dorés en cascade mais guère de place pour se poser...Un couple a installé sur un triangle herbeux des tables et des chaises à proximité de sa camionnette et ils vendent boissons, tortllas et bocadillos dans la nature. Nous y retrouvons Serge qui a pris un chemin sur l'autre versant. Pique-nique arrosé de jus d'orange frais.
.À Los Arcos, nous sommes heureux d'être bien accueillis dans l'Albergue privée de la Abuela. Les chambrées sont plus petites, les sanitaires spacieux et propres et le propriétaire peut s'occuper de laver et sécher le linge. Les hirondelles volent de plus en plus bas. Notre projet de rejoindre la piscine est brusquement brisé par un pluie orageuse abondante.Dans la chambre de 6, nous faisons la connaissance d'Alain Barberan 67 ans, arrivé de chez lui, de Montpellier , par le chemin d'Arles, via le Col du Somport et Puenta la Reina.
La petite ville fut autrefois disputée entre deux frères belliqueux et devint une enclave castillane en Navarre. La grande église  romane de l'Assomption contient des retables baroques dorés somptueux et exubérants et le transept est surmonté d'une tour octogonale à coupole et belvédère impressionnants. Un cloitre gothique flamboyant aux fines colonnettes élancées complète l'ensemble. Jolies places anciennes à arcades, maisons anciennes à lourds barreaux et porte cloutée, pavages en galets ou carreaux de grès avec caniveau central, refuges et églises qui bordent le Camino ont bénéficié de larges subsides depuis le classement par l'UNESCO. Les villages vivent grâce au passage des pèlerins en proposant déjeuner, repas avec menu pèlerin entre 9 et 12 euros, boissons,nourritures ...Tout est affiché dans toutes les langues, même en coréen !
Après un copieux petit-déjeuner préparé par l'hôtesse pour 6h30, nous reprenons la route avec Serge et Alain vers Logrono. Le rythme est rapide et enjoué bien que le sentier gravisse les coteaux où quelques vignerons élaguent déjà les sarments appesantis par de belles grappes.

Tout au long du chemin, nous échangeons des "Holà,  Buen camino" avec des paysans, des villageois et des pèlerins que nous finissons par identifier: les quatre  Norvégiens, le jeune lituanien, des américaines tatouées, le groupe de Croates avec son aveugle, l'irlandais, le professeur d'anglais à Solvay, les deux hongroises, les allemands venus de Ulm et l'autrichien de Vienne, les coréens qui boitent, la grand-mère anglaise avec ses petits-enfants de 11 et 9 ans venus du Canada, la photographe Céline avec son fils de 7 ans, Santiago, décidé à vivre ce parcours initiatique que sa maman publiera aux éditions de La Martinière au printemps prochain...Ils font de belles étapes tous les deux en conversant et absorbant toutes les richesses naturelles, humaines, culturelles et spirituelles du Camino. Céline parcourt le chemin depuis une douzaine d'années et parle parfaitement l'espagnol.

Beaucoup ont noué les chaussures sur le sac pour adopter les sandales. Couchés dans l'herbe ou sur les bancs, ils se massent mutuellement les pieds, les mollets ou se collent des compeeds. Les genouillères et les bas de contention semblent soulager certains tandis que les Asiatiques marchent totalement emmitouflés avec gants et grands chapeaux pour se protéger du soleil. Dans chaque village traversé, nous croisons nos compagnons de route attablés aux petite terrasses ou savourant une banane. Ce fruit semble être le plus apprécié...Serge en fait une grande consommation et cela lui met le turbo dans les côtes...

Halte agréable à Viana, belle bastide fortifiée., pour prendre un café et visiter l'imposante église San Pedro...Alain décidé de poursuivre avec nous pour les 11 km restants.
Au détour du chemin, à hauteur de l'église de la Virgen de las Cuevas, une jeune dame nous appelle pour nous offrir un petit verre de vin rouge du Rioja, des toasts au jamon,queso et chorizo de la région. Nous en profitons pour déballer nos provisions sur les tables de pierre ...Quelle belle surprise de plus sur un Chemin où le pèlerin est salué, honoré, respecté et encouragé tout au long de son périple aussi bien dans les champs que dans les villages et les grandes villes. Muchas gracias, senora!.

Après 32 km, nous atteignons la capitale et ville d'entrée du Rioja, plus petite région autonome d'Espagne, Logrono. Nous nous installons dans l'Albergue municipale située dans un ancien palais du XVII è modernisé. Dortoir au second où quelques ronfleurs sont déjà assoupis l'après-midi. Nous soufflons quelques instants avant de découvrir cette jolie ville aux trois imposantes églises dont celle de Santiago surmontée d'un impressionnant Matamore dans une niche et les  façades de hautes maisons éclairées par des oriels, vastes bow-windows. Le soir, nous mangeons des tapas marines avec vin blanc de la Rioja dans un bar en regardant la corrida de Pamplona sur écran TV commenté par Alain. La nuit est animée des ronflements tonitruants d'un jeune québécois surpassant en décibels tous les autres du dortoir...
Il nous faudra bien le petit-déjeuner turc programmé  par notre Montpellerien pour affronter les 30 km vers Najera après une telle insomnie.
Nous passons à proximité de Clavijo où les chrétiens l'emportèrent sur les Sarrasins aidés par une vision de St Jacques monté sur un cheval blanc et près du monastère de San Martin où l'évêque Godescalc du Puy découvrit pour la première fois en Europe  les chiffres arabes dont le zéro en 950.
À l'entrée de Navarette, les ruines du XII è de l'Hôpital San Juan d'Acre construit pour les pèlerins.

La sortie de la ville Logrono est rapide grâce à un parcours dans le parc de la Granjera aménagé pour les promeneurs autour d'un vaste étang drainant les eaux de cette zone autrefois marécageuse. La piste ondule ensuite dans le vignoble évitant de longer la Nationale sur le tracé historique. La petite cité jacquaire de Najera se blottit au pied de falaises rougeâtres le long du Rio Najerilla. Nous déposons nos sacs à l' Albergue Judaïca . Surprise à nouveau lorsque nous pénétrons dans le Monastère de Santa Maria  la Real avec son église qui pénètre dans la grotte où se réfugièrent le faucon poursuivant la perdrix chassée par Don Garcia. Il les retrouva en paix au pied d'une statue de la Vierge à l'enfant entourée d'une cloche et de lys et décida avec son épouse Estefania de fonder un monastère benedictin. L'église abrite aussi un panthéon des tombeaux des rois de Navarre, de la Rioja et du Pays Basque du xv au XVè dont celui très èmouvant de Doña Blanca de Navarre décédée en couches à 18ans en 1176. Le cloitre de style plateresque est sublimé éclairé par les rayons du soleil jouant avec ses multiples arabesques."Sur le chemin, sois aimable, doux et humble" St François."Le chemin, accepte-le, aime-le, va toujours plus loin. Il vaut mieux suivre le bon chemin en boitant que le mauvais d'un pas ferme.St Augustin."Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie", Jésus.

Vignes et cultures céréalières, tracteurs et vieux village d' Azofra et puis soudain superbe golf et nouvelle cité fantôme de Ciruena avec piscine, plaine de jeux et terrain de mini-foot..."Spain, a country with empty houses and people without houses" avions-nous lu sur une borne.

Santo-Domingo de la Calzada (de la chaussée ) est aussi une étape chargée de légendes, d'art et d'histoires saintes.
Une hospitalière énergique et prévenante nous attribue des lits au deuxième étage de la vieille maison du chapelain de l'Abbaye cistercienne du XII è transformée en refugio por peregrinos. Une religieuse viendra contrôler les arrivées.
Le petit musée nous raconte la vie de ce saint  protecteur des pèlerins et premier ingénieur des ponts et routes et hôpitaux (pour pèlerins évidemment) à partir de 1044 ému par leurs souffrances. Sa cathédrale romane foisonne de chapelles gothiques, s'orne d'un maître-autel Renaissance, d'un cloitre flamboyant et d'une tour baroque que nous escaladons pour découvrir les toits cuivrés et la plaine ocre cernée par la Sierra de la Demanda et d'autres collines lointaines. Le plus étonnant est de découvrir un coq et une poule blancs évoquants la légende du Pendu dépendu dans un poulailler derrière une grille ouvragée face à l'escalier qui descend à la crypte où se trouve le sarcophage du saint fêté en mai par une belle procession.
Nous nous faisons à souper dans la cuisine près de l'antique cheminée où une belle flambée est la bienvenue en ce début juillet très frais...Serge à prolongé l'étape.

À 6h, Alain est déjà au fourneau pour nous préparer une tortilla avec les pdt proposées la veille par une charmante jeune américaine diplômée en français. Nous pouvons attaquer le chemin qui nous mènera à Belorado à travers les cultures de blé et d'orge. Les vignes ont disparu et le camaïeu miel ambré envahit le paysage où se fondent les petits villages ocres. Le soleil en jouant avec les nuages  y répand des ombres chinoises éphémères.
Le chemin finit par longer la N20 et les chauffeurs en klaxonnant nous souhaitent aussi "Buen camino!".
Nous passons devant la façade de l'église Santa Maria de Belorado surmontée de quatre nids de cigognes dont l'un pèse plus d'une tonne et demi. Les cigogneaux ne sont pas encore aptes à voler car leur queue n'a pas atteint la longueur des ailes, nous explique l'hospitaliser suisse du gîte qui jouxte l'église. Un jacquet suisse a vu, il y a 12 ans, cet entier petit théâtre paroissial en ruine et s'est proposé avec l'Association jacquaire suisse de l'aménager en refuge et d'y organiser un accueil grâce à des hospitaliers suisses qui se relaient tous les 15 jours...Chapeau!...et merci pour le morceau de Tobleron donativo pour les pauvres du village aidés ainsi par le curé.
Sur la belle place arrondie et ombragée bordée d'arcades, nous retrouvons notre petit Santiago avec un beau cornet de crème glacée qui lui permettra de marcher encore une heure de plus jusque Tosantos alors que nous décidons de poser les sacs dans l'Albergue Cuatro Cantones où nous profiterons d'une petite piscine avant de déguster un bon menu del peregrino. Pas de couvertures pour tous les pèlerins du troisième étage sous les toits...Malgré la polaire, le froid me glacera les os et me tiendra éveillée et crispée une bonne partie de la nuit.
Dormir, manger, marcher...la ritournelle du pèlerin...Pas dormir mais manger pour pouvoir marcher...La marche est devenue pour nous tellement coutumière que notre corps démarre de plus en plus docilement pour atteindre une vitesse de croisière croissante.
Petite halte dans un routier à Villafranca...avant un long tronçon désert. Les jambons, les saucissons, la tortilla et les oranges...Viva l'Espana!
Santiago est déjà sur le chemin le bâton posé sur la main, le front...comme le lui a montré Michel. Il a fait avec sa maman une belle étape communautaire et chrétienne à l'ermitage de Tosantos. Il téléphone à son petit frère de 20 mois, Leandro, qui est resté avec papa...
Nous passons par paliers successifs de 770m à 1150 m, des champs de blé en premier partie aux Montes de la Oca  couvertes de fougères, bruyères violettes, chênes -lièges et pins. Le chemin est tantôt blanc comme dans les Landes tantôt rougeâtre . Une stèle signale la présence d'une fosse commune de républicains de 1923 découverte en 2008.À deux reprises, des dames nous offrent café et fruits malgré la bruine intermittente et la fraîcheur. Le pèlerin est soigné comme un prince...Gracias..."el turista exige, el peregrino agradece"
Émerveillement à San Juan de Ortega où l'église romane conçue par le saint et contenant son sarcophage du XIè séduit par sa simplicité, ses chapiteaux historiés et ses baies cintrées à multiples voussures. À côté de l'église, un gîte pour pèlerins et une petite auberge dans les anciens bâtiments monastiques complètent le tableau de la clairière. La sente à travers bois se poursuit encore sur 3,5 km avant de rejoindre le petit bourg d'Arges où nous ferons halte à l'Albergue San Rafael dans une chambre de quatre. Michel,le"chef" file en éclaireur. Nous suivons de loin,Alain et moi, en perfectionnant notre espagnol.
L'homme au teint sombre est sorti du bois puis nous a emboité le pas sur le Chemin en jouant de la flûte. Peu à peu, il nous a rattrapé et on l'a félicité de ses accords. "On a pris langue " avec lui tantôt en espagnol tantôt en français car il était venu faire les vendanges à Béziers il y a quelques années. Nous l'interrogeons...Il vient de Salamanca et nous conseille sur le g fuerte et non suave pour prononcer correctement le nom du prochain village.Il nous a alors récité cette belle phrase du poète espagnol Antonio Machado:"Caminante no hay camino. Se hace camino al andar. Pour le cheminant il n'y a pas un Chemin mais le Chemin se fait en avançant ".
Partis faire le tour du petit village, Michel et Alain reviennent hilares avec un morceau du meilleur fromage espagnol qu'on se dispute à Madrid et qu'ils ont acheté à l'unique bar-tienda du coin 8 euros séduits par la gorge déployée de la tenancière, une maîtresse-femme...
Pour nous servir notre paella, nous aurons droit au mari de la patronne, le Sergent Garcia à la belle bedaine.

"Rodrigue, as-tu du cœur?"...depuis Burgos, cité  du Cid.

Le petit-déjeuner est devoré à la fraîche devant l'Albergue car les propriétaires n'ont pas encore ouvert la salle à manger. Nous traversons Atapuerca endormi ce samedi 11juillet à 7h du matin et escaladons .........''dans la roche. Au sommet une énorme croix et plus loin au bout de la large vallée Burgos se dessine avec sa zone industrielle et sa vieille ville. Il nous reste 15 km de traversée de petits villages, de nationales et de quartiers périurbains de grands immeubles en briques. L'entrée dans le cœur de la ville en traversant les rives verdoyantes de.....et le vieux porche nous enchante après 28 km de marche continue. Des personnes bien chics en tenue habillées annoncent un mariage. Effectivement, une jolie mariée sort de la cathédrale dans un tourbillon de pétales brillants. L'Albergue municipale cache derrière une belle façade ancienne quatre étages de dortoirs fonctionnels et anonymes: lits superposés par groupes de 4 dans des box séparés. Au rez-de-chaussée, une salle commune avec un micro-onde, un évier et quelques distributeurs ...Pas d'Internet..Mais, nous sommes derrière la cathédrale, au cœur du centre historique et après la douche, nous partons dîner sur une petite place à l'arrière de la cathédrale avant de la visiter avec un audio guide. Des chapelles rayonnantes remplies de retables, de gisants d'albâtre et de statues polychromes et surtout des tours et des arcs rayonnants et flamboyants marqués par les prouesses architecturales de la Renaissance en forme de pétales percés de verrières. Au centre du chœur, la pierre tombale du Cid et de Jimenez...Une sacristie décorée à l'époque Rococo avec sa coupole ovale et son abondance d'angelots manifeste cette Horror vacuis caractéristique . Deux cloîtres superposés complètent cette gigantesque dentelle de pierres blanches ...
Lorsque nous sortons, tous les magasins sont déjà fermés. C'est pourtant l'heure du Paseo et les jolies espagnoles se promènent bien élégantes en famille ou boivent un verre avec des copines aux terrasses. Les jeunes papas poussent fièrement leurs rejetons endimanchés. Un pâtisserie ouverte nous permet d'acheter le déjeuner. Heureusement, Alain s'est rendu Alcampo pour se procurer des salades et un melon blanc pour souper à l'Albergue. Devant la cathédrale, Mercedes et Rolls-Royce anciennes embarquent encore de jolies mariées en robe bustier.
Nous suivons la messe suivie de la bénédiction du pèlerin avant de rejoindre Alain. ..Quel chemin sommes-nous pour faire fructifier la Semence, la Parole? Quel lien entretenons-nous avec Le Semeur qui la jette à la volée ?

Ce dimanche 13, nous quittons Burgos en dévalant les rues pavées pour traverser le Rio Arlanzon construit par San Domingo et rejoindre le parc du quartier universitaire et sportif. Progressivement, les arbres s'espacent et des déviations dues à des travaux routiers nous allongent l'étape de 3 km avant de retrouver Serge à Tardajos où se trouvent aussi Céline et Santiago, tous bien reposés...Cette fois, la Meseta , ce vaste plateau à 900 m d'altitude qui s'étend de Burgos à Léon jusque Madrid, s'annonce dans toute sa beauté épurée et âpre. Ces cinq jours de désert doivent donner naissance à un homme nouveau...C'est l'épreuve du feu qui purifie corps, cœur et esprit en libérant des énergies cachées. Les villages traversés, de pierre et plus loin de torchis ocres, apparaissent comme de véritables oasis et parfois même des mirages écrasés de soleil. Toujours des cigognes, comme des sentinelles, montent la garde perchées sur leur nid posé sur les clochers et des nuages de martinets tourbillonnent et piaillent.Des anciens refuges de pierre réhabilités et ouverts l'été près d'un point d'eau comme à San Bol ou San Anton évoquent le temps des attaques de loups et le "feu de Saint-Antoine (erysipète) qui décimaient les pèlerins courageux. Châteaux-forts comme celui de Castrojeriz, églises fortifiées   et templières grandes comme des cathédrales dans des petits villages-rues agricoles animés par le seul passage des pèlerins en quête de bars, d'albergues et de desayunos. Les villages vivent de ce defilé continu. On reconnaît des têtes, on pose le sac pour boire un thé en demandant des nouvelles à tous ces cheminants perdus, retrouvés après dix jours parfois...Nous allons tous dans la même direction à des rythmes différents qui ménagent des rencontres improvisées et chaleureuses.
Sommet de Mostelares où on s'assied pour jouir pleinement de  la vue sur la plaine immense et dorée. Belle étape dans l'Albergue San Brigitta à Boadillo del Camino où nous fêtons autour d'une belle paella avec nos amis pèlerins nos 38 ans de mariage. Michel est applaudi lorsqu'il  chante "La marche nuptiale" de Brassens.

Joyaux romans épurés comme les terres épurées, passage dans la province de Palencia et arrivée devant El Rollo, un pilori du xv è derrière lequel se cache une piscine dans la cour de ferme artistiquement décorée et les bâtiments aménagés en dortoirs pour les pèlerins...Santiago savoure son premier plongeon et nous ne tardons pas à le rejoindre.

La chaleur nous amène à partir à l'aurore en direction de Fromistra (Église San Martin, petite merveille de l'art roman avec sa frise en damier et ses belles têtes humaines et animales ) toujours à travers une mer de blé et puis en longeant le Canal de Castille par le chemin de halage bordé de saules, petit havre de fraîcheur avant d'aborder une piste rectiligne en bordure de la nationale,itinéraire historique recouvert de bitume jusque Carrion de Los Condès.
Nous croisons un berger et son troupeau de mérinos sur un vieux pont de pierre...image bucolique et animée dans ces terres de cultures...

Jaune,blond,doré,jaune,jaune...azul,ciel,azul,azur...marcher,marcher,marcher...Nous sommes à trois, Alain,Christina et moi à distance, après avoir visité l'église des templiers de Villalcazar de Sirga, à nous encourager sporadiquement pour épargner la salive ...6km en une heure de marche cadencée ...ici, tu passes ou tu craques..."C'est hallucinant, tu peux même pas imaginer..."disait Céline.
Le plus bel accueil chez les "adorables"  sœurs augustines et leur hospitalier séminariste. Céline nous prépare une superbe salade en organisant notre  marche de nuit pour l'étape de 18 km sans accueils ni ombre. Nous nous réveillons à 18 h tirés des bras de Morphée par les chants joyeux de 5 religieuses jeunes, joyeuses et polyglottes...Présentation des pèlerins et chansons porteuses de sens, d'amour, de gratitude...On est retourné par les voix si angéliques et les paroles qui expriment tout ce qu'on porte dans le cœur depuis des semaines...Courses au supermercado pour survivre  sous les étoiles, messe et bénédiction  personnalisée pour chaque pèlerin sous le regard plein d'amour d'une des religieuse et du prêtre. Malgré les meutes de loups et de chiens errants, nous décidons de partir à 2 h du matin. Les sœurs nous offrent un bon bouillon et nous rassurent...à 18, nous ne craignons rien et puis elles prieront pour nous cette nuit. ..
Beau ciel étoilé et lune blanche pour une bande de pèlerins qui se veulent solidaires  face à l'ennemi qui rôde...On serre les dents et on se lance sous le Campus stellae, Michel en tête. Après 2h, on fait une petite pause sur le damier blanc de ballots empaquetés mais il faut repartir avant de tomber endormis...Un des cinq coréens titube, Santiago faiblit,  Michel le porte, je prends le sac à dos du petit, le ciel rosit...Courage, l'aube se lève, les oiseaux gazouillent, les loups ont eu peur de nous et la première et seule Albergue pour pèlerins de  Calzadilla de la Cueza propose déjà  le café pour accompagner notre petit-déjeuner et celui de ceux qui se mettent en route à 6h30....Encore 12 km et nous arrivons à 12h30 à Terradillos de Los Templarios avant "l'Heure de pointe"(dit avec l'accent occitan d'Alain) c.-à-d. avant 14h, heure zénithale à l'Albergue J.de Molay où nous pouvons occuper une chambre de 8 amis...et tenter de survivre dans ce four, affalés sur notre lit ou les pieds dans une bassine...Qui peut vivre dans un climat aussi ingrat, aussi continental et sec dans ces petites maisons de briques et de torchis brunâtres aux rares et étroites ouvertures toujours closes? Chaleur étouffante l'été, gel pétrifiant l'hiver...
Le vent  desséchant accompagne notre petit groupe parti à 5h30 vers El Burgo Ranero situé à 30km dans la Province de Leon. Nous buvons un thé à Sahagun...Le style mudéjar des maisons, des églises et petits ermitages en fines briques rougeâtres comme certains lopins de terre labourés rappellent la présence musulmane jusqu'à ce que les Royaumes du Nord chrétiens s'allient au xè s. La province a planté des platanes et des genêts  au parfum enivrant et suave tout le long du Camino Réal...fendant l'horizon plat.
Souper "valencien" aux fruits de mer préparé par Hugo qui s'est joint à notre groupe depuis 3 jours: un régal savouré à l'Albergue Laguna en discutant des 315 km à venir et des dernières étapes à vivre jusque Santiago...Notre petit Santiago, Prince Pluma ou Plume d'œuf rêve depuis longtemps lorsque nous rejoignons le dortoir imprégné de répulsifs.

Terre fauve, horizon à 380°, outardes dans les chaumes, campagnols et lézards à profusion et tortillas à Reliegos au petit bar avant d'atteindre les murailles médiévales en galets et la Porte de Castille  à Mansilla de las  Mulas. Ensuite, le maïs réapparaît avec un réseau important de canalisations qui permettent d'inonder les parcelles encaissées.Notre petit pèlerin au gourdin plumé marche au rythme du
Grand Sachem  qui lui donne la main...Un pèlerin marche pied nu sur le sentier caillouteux...Des pèlerins semblent avoir opté pour le vélo dans la Meseta...

Encore quelques petites collines et nous voilà, après 30km, dans le village d'Arcahueja où nous logerons dans une "suite" pour quatre pèlerins avec Alain et Christina...Santiago est heureux de retrouver el Gran Zapato, alias Michou et sa "petite famille" du Camino ainsi qu'une TV avec pour unique programme, des dessins animés!
Demain Leon...








mercredi 16 juillet 2014

Depuis Terradillos de los Templarios

Expérience de la chaleur en traversant la Mesetta, plaine céréalière sans ombre, entre Burgos et Leon. Il doit faire certainement plus de 40 degrés à l'ombre à l'heure où, réfugié au bar assombri de l'albergue qui nous accueille cet après-
midi, j'écris ces lignes. Nous sommes partis ce matin, à 2 heures, pour faire un maximum de km avant les heures chaudes. Nous étions une bonne quinzaine: espagnols,français, belges, un allemand et cinq jeunes coréens. Nous avons marché groupés, sur les conseils des habitants qui ont repéré plusieurs meutes de loups dans la région. Danger quasi nul pour les humains mais des moutons ont été attaqués.
La nuit était éclairée par une belle lune et la voie lactée. Après avoir assisté au lever de soleil, nous avons déjeuné au bar du premier pueblo rencontré et sommes arrivés à l'étape vers 11 h.
Una cerveza, puis le piquenique la douche et une longue siesta...

J'ai voulu faire le tour du village en attendant que les autres se réveillent... Infernal ! Chaleur écrasante, sensation d'étouffement, lumiere intense et crue reflétée par la blancheur du chemin et des murs...

Et puis la rencontre surréaliste. Un flamand de Liedekerke, la soixantaine, équipé d'un parapluie recouvert de papier aluminium et qui s'arrête à chaque bar pour boire une bière ! Quelle santé !

Arrivée du Tour de France, puis discussion avec quelques autres pèlerins sur le programme des deux ou trois jours qui suivent. Il faut programmer les étapes en tenant compte des albergues, du nombre de km, des heures de marche nécessaires, de l'heure du départ et même, des points d'eau... Et puis, tenir compte des capacités du plus jeune d'entre nous, le petit Santiago, 7 ans ( ! ), qui marche depuis près de 900 km avec Céline, sa maman. Et qui est extraordinaire de résistance et de capacités de récupération !

Avant le repas du soir ( menu del peregrinos, 10 euros: salada mixta, paella e prostre....), petite lessive avec séchage au soleil, discussions diverses en français, en anglais, en espagnol pour Marie-Françoise, en flamand ... Nous sommes sur la tour de Babel !

Michel.

lundi 14 juillet 2014

Depuis Boadilla

J'apprends l'espagnol.... Una cerveza por favor... Muchas gracias... Ola ! ...

Sur le chemin, les marcheurs se saluent ou sont salués par les habitants d'un joyeux "Bon Camino !" auquel on répond par la même salutation ou par un "Gracias !"

Hier, je salue 5 coréens qui démarrent devant moi d'un claironnant "Don Camillo !" Tous les cinq joignent les mains en s'inclinant et me disent "gracias !".... ;-)

Les espagnols, pour désigner la pension, la retraite, utilisent un terme extraordinaire ! Ils disent " Jubilation" ! Et donc, depuis le 1e décembre, je suis en Jubilation ! Je jubile ! Qu'il est bon de jubiler sur le Chemin en souhaitant "Don Camillo !" à tous les autres pèlerins !

Michel.

samedi 5 juillet 2014

Depuis Estella, 50 km après Pampelune

Depuis Bordeaux

Nous saluons ce matin le plus vieux chêne de Gironde , 600 ans, et entamons notre étape par des petites routes boisées jusqu'Etampiers. A partir de là, le Conseil départemental de la Gironde a déroulé entre les vignes sur une ancienne voie ferrée un magnifique tapis noir cyclable jusque Blaye .Les panneaux abondent et à certains croisements avec les petites routes nous en avons dénombré 34 ! Nous achetons une baguette et pique-niquons adossés à la mairie de ST Seurin-de-Cursac avant de faire escale dans le petit et propret gîte municipal de ST Martin-Lacaussade.C'est une partie de la maison d'un meunier sise au pied de la petite butte où se dresse encore un pan du moulin.nous achetons au bar-épicerie de quoi nous fristouiller un petit repas. Michel apprend par un texto de Jean-Martin qu'il a gagné son pari: Belgique/Algérie 2/1.


Lever matinal afin de prendre à Blayes le bac de 7h15 pour traverser la Gironde. Nous parcourons rapidement les 3derniers km de la piste cyclable et grimpons la citadelle de Vauban qui avec les forts de l'île Patè et Lamarque formaient le Verrou empêchant d'attaquer Bordeaux.
Une demi-heure paisible à contempler le fleuve, ses îlots et bientôt ses cabanes de pêcheurs dressées sur pilotis au bout d'un embarcadère. Nous partons ensuite sur des chemins empierrés à travers les derniers marais de Gironde protégés: marais d'Arcins et de Soussans...Attaque intempestive de moustiques...Michel se réjouit de traverser le Médoc et ses grands châteaux ... Nous débouchons après deux heures dans les vignes qui mènent à Margaux et y voyons une main d'œuvre colorée attachant les sarments tandis que des petites machines sarclent les allées. Nous longeons la propriété de Jean-Luc Thienpont, un belge propriétaire du vignoble des Quatre Vents. Nous longeons le beau mur de château Margaux et croquons la pomme devant le mur de château Lascombes...Hélas, ensuite plus guère de vignes mais de longs chemins sablonneux dans des landes immenses parsemées d'étangs, des quartiers résidentiels en pleine explosion autour d'Arsac, de Pian-Médoc et de Blanquefort...Des églises blanches au clocher haut et pointu,..Nous avons parcouru 34 km sous un soleil ardent et décidons,perclus de raideurs et de petites douleurs dans les hanches,pieds et genoux, de prendre un bus pour parcourir les cinq derniers km de zones périphériques afin d'atteindre Le Bouscat, commune d'entrée dans l'agglomération de Bordeaux. Une hospitalière et Thierry, "un stagiaire hospitalier"rentré récemment de Santiago et désireux de "rendre tout ce qu'il a reçu sur le chemin" nous accueillent dans le refuge municipal de l'Association installé dans l'ancienne maison du gardien du cimetière. Grande première... Des croix blanches entourent le mur de la courette du gîte où nous pendons notre linge.
L'hospitalière accepte de nous loger deux nuits vu la fatigue et le désir de visiter la ville. Quelques courses, un petit souper,un peu d'Internet et dodo...
Nous profitons de l'avant-midi pour nous lever un peu plus tard et ratisser le sac de tout ce qui ne serait qu'indispensable et pas vital...Trois kilos sont renvoyés. Un bus nous mène ensuite Place des Quinconces,plus grande place d'Europe,d'où nous partons à la découverte du centre historique de Bordeaux,ses quais sur la Garonne bordés de maisons du XVII et XVIIIè, ses Cours aux belles maisons de maître ( vignerons) classiques,ses places arrondies, son quartier du Chartron pittoresque, son Jardin public exotique, ses vitrines luxueuses, sa plus longue rue piétonne Ste Catherine et  ses caves à vin,bars, restaurants envahissant les moindres espaces publiques.
Un bus nous ramène au refuge où une sympathique pèlerine se réveille : "Enchantée, comment ça va? J'm'appelle Laurence"...Elle a débarqué à l'aéroport de Bordeaux en provenance d'Edimbourg après avoir visité avec sa maman  "sa sœur plus vieille qui a eu un petit garçon à Newcastle". Elle habite Joliette près de Montréal,a 22ans et veut aller à Santiago par le chemin côtier. Elle porte 15 kilos et s'est déjà rendu compte que c'était trop: tente,duvet, vêtements...Le grand tri commence et le lendemain, nous l'aidons à ficeler une caisse de 6,3kg de léger bonheur en vue...Direction la poste du Bouscat et puis Bordeaux, la barrière du Médoc, une déambulation jacquaire ponctuée de lieux de mémoire pèlerine: St Seurin,St André, St Pierre , toutes aux voussures du porche décorées des douze apôtres dont St Jacques toujours reconnaissable à son bourdon dirigé vers l'ouest et son large chapeau à la coquille, Porte Caillhau,la Grosse Cloche, rue St James(StJacques en patois aquitain), rue de la Coquille....et puis le marché couvert dans les quartiers populaires. Un vieux marchand d'olives nous demande de prier pour "Charles,Maurice et sa famille" car il ne pourra plus aller à St Jacques...Nous les emportons avec nous comme ses bonnes olives,un peu de sel pour s'hydrater, que nous savourerons sur les marches de la Faculté de pharmacie, place de la Victoire avant de nous éloigner  définitivement de Bordeaux par le Cours de la Libération et autres boulevards qui nous mènent sous le soleil ardent,après 8km de zone urbaine, à Gradignan où nous faisons quelques courses car le site du prieuré de Cayac qui nous héberge se situe à un km du centre. La ville vient de restaurer totalement cet ancien site qui comprenait autrefois une église et un établissement hospitalier du XII et XIII è s. Un buste de St Jacques a été retrouvé derrière les vieux badigeons ainsi que de beaux porches gothiques. L'inauguration est pour bientôt et des comédiens répètent en costumes. Nous occupons le rez-de-chaussée d'un bâtiment du XVIII è et sommes accueillis par le président et un couple de l'Association jacquaire très motivés. Michel part avec l'un d'eux regarder le match France/Suisse dans un club de basket à Pessac-Leognan: 5/2.

Depuis les Landes de Gascogne

 Départ matinal sous la bruine...Nous déjeunons dans un abribus avant d'affronter 26km de lignes droites dans les Landes de Gascogne,plus grande forêt de France,14200km2 de pins maritimes, de chênes, de fougères,de petits ruisseaux à perte de vue...Dans  le passé, un enfer de marécages insalubres parcourus par des brigands détrousseurs de pèlerins, pour nous, six jours de rêveries, de méditation et de nostalgie sur des chemins sans fin parfois franchement déprimants. Le vélo serait le bienvenu!!!

Halte à Le Barp où le code reçu par téléphone à la mairie la veille nous donne accès à une petite maison sociale. Autostop jusqu'au Super U à 6km du bourg pour les courses avec Laurence qui découvre la France et nous fait découvrir son cher Québec, ses coutumes, ses grands lacs et son savoureux accent!

Départ matinal avant la chaleur pour Bellin-Belliet afin de faire les courses avant 12h ce dimanche 22juin car le refuge est perdu dans une clairière des Hautes-Landes, dans une ancienne bergerie restaurée et aménagée par la municipalité à côté d'une  petite église romane du XII è à la tour carrée fortifiée et de deux autres maisons. C'est Mons avec les cigales!!! Nous irons humecter nos yeux à la Fontaine St Clair entourée de petites croix de bois surmontées d'un linge et voir une étrange obélisque surmontée d'une croix où Charlemagne aurait déposé les corps des trois compagnons de Roland.
Belgique/Russie:1/0 nous annoncent Amelie et Jean-Martin par texto tandis que nous dévorons une bonne omelette avec notre québécoise qui a hâte de rejoindre el camino del Norte.Vive le Québec libre!
Gros orage durant la nuit...

Lever matinal,2,5 km le long d'une nationale où vrombissent les lourds camions chargés de fûts de pins et les automobilistes pressés ce lundi 23 juin...Chacun de ces monstres semblent vouloir nous engloutir et d'un écart dans l'accotement herbeux nous tentons d'échapper à la calanque vorace. Nous suivons ensuite une petite piste parallèle à l'autoroute A10 assourdissante. La Voie de Compostelle n'est pas toujours compatible avec la soif de ressourcement paisible dans une campagne idyllique...Une petite route paisible traverse ensuite le petit village désert de Saugnacq où la mère du maire nous rejoint au pied d'un calvaire pour nous décrire les lieux d'antan: là une pharmacie, ici la cure, le tripier, le boucher, le boulanger, l'école, les tuileries, l'église qu'on n'ouvre plus que pour les enterrements, les maisons à vendre, le gîte pour pèlerins et les ateliers-découvertes fermés...Nous traversons l'Eyre, puis la  petite et grande Leyre, des rivières brunâtres dans un lit sablonneux et arrivons enfin, après quelques maigres champs de maïs sur les hauteurs toujours par une route asphaltée, à l'Airial de Lavigne, chez Mr Taris. L'homme, à la belle moustache blanche à la François-Joseph,est surpris de nous voir si tôt mais nous propose de nous conduire à l'épicerie de Moustey et de nous ramener ensuite pendant que ses "esclaves" viendront faire le ménage dans les tipis. ..pour notre québécoise, le tipi des Iroquois...En quelques commentaires, il plante le décor. L'airial est situé dans une clairière et la vie s'y déroulait autrefois de manière autarcique. Le maître qui habitait la grosse demeure en garluche, pierre rougeâtre difforme et boursoufflée prélevée sous le sable,devait être riche pour fournir à ses métayers un train de charrue et attelage,logement dans les quatre ou cinq autres maisons environnantes et les métayers lui devaient la moitié de leurs récoltes sur ses terres et de bois...Tout cela changea avec le Front populaire...Est-ce vraiment si différent?...Nous payons nos impôts à l'Etat...
Des bûcherons viennent aujourd'hui couper ses arbres et pour arrondir ses rentrées, MrTaris propose gîtes, tipis avec cuisine en libre gestion ou camping, location de canoë, équitation,promenade en calèche, visite de sa ferme ...Des colonies de vacances,issues aussi du Front populaire, viennent séjourner l'été.

Les Landes sont pauvres, autrefois parcourues par des troupeaux et des bergers sur des échasses. Les dunes ont été progressivement stabilisées grâce aux semis de pins, aux oyats, thym, ajoncs...à  la fin du XVIII è par l'ingénieur Nicolas Bremontier et les marais asséchés sous Napoléon III par l'ingénieur Jules Chambrelent. L'exploitation  forestière à 95 % privée constitue aujourd'hui la principale richesse.

Dans le village, deux églises romanes face à face: l'une,St Martin, est paroissiale et l'autre est le vestige d'un monastère de l'Ordre de l'Epée rouge destiné à protéger les pèlerins et défendre la région contre les Sarrasins,Tour fortifiée, hourds et épée rouge enfoncée dans le faîte de la nef rappellent cette époque. Une stèle nous indique qu'il nous reste 1000 km à parcourir jusque Compostelle... Ultreïa!!!
Une petite bière chez Le Gascon...C'est le pays des Cadets...
Rencontre plaisante avec un couple de pèlerins venus de Niort avec leur âne O'malley et terminant à l'Airial leur première expérience jacquaire d'un mois.

Nuit fraîche et aérée sous les tipis, conversation tonitruante entre le mâle O'maley et les ânesses indigènes ...
Lever matinal, petites routes, sentes dans les pins, airials plantés de beaux chênes et semés de maisons landaises basses et bergeries ou granges avec fenil en bois, halte boulangerie à Pissos, pique-nique contre un chêne dans l'airial d'Escoursolles...et puis ...la Via Dolorosa: 3km de chemin sablonneux et...8km rectiligne de goudron sans arbres (conséquences des tempêtes de 1999 et 2009) sous un soleil de plomb. Qu'est-ce qu'on est venu faire dans cette galère ...cette pampa aride où les voitures filent avec dédain pour ces trois pèlerins errants anachroniques. Ici, seuls  survivent les lézards et une belle couleuvre.
Jambes et pieds sous contrôle automatique, chapeau et lunettes solaires, esprit ailleurs surtout très occupé ...pour ne pas voir le bitume chaud qui s'allonge encore et encore malgré tous les pas accomplis...Musique canadienne dans les oreilles, je ferme la marche funèbre où se dessinent dans le lointain les silhouettes de Laurence et Michel,
"Dans la trame du chemin,il faut essayer de retrouver le fil de l'existence", David Lebreton dans Éloge de la marche.
Marche vers de meilleurs territoires comme nos ancêtres australopithèques, vers la Terre Promise comme Abraham ou Moïse, quotidienne comme Jésus sur les chemins de Palestine à la rencontre d'un troupeau sans berger ou comme Socrate déambulant dans les rues d'Athènes avec des jeunes en quête de Vérité, en pèlerinage vers Jérusalem -ville de la paix-, vers Benarès, ville sainte, avec Bouddha ou à Rome , Tours, Lourdes et Compostelle vers de grands saints, marche pour l'Indépendance avec Gandhi, pour l'égalité avec Martin Luther King et Mandela, des dix mille pour le communisme avec Mao ou pour la justice en blanc dans les rues de Bruxelles en 1996...départ pour les jeunes chrétiens vers les JMJ à l'appel de Jean-Paul II ou pour les hippies, les soixante-huitards,vers les villages abandonnés du sud, marche sociale depuis Marseille jusque Paris...Émigration, exode, transhumance ...recherche du Paradis perdu, du meilleur des mondes avec Candide...de Dieu, des frères humains citoyens du monde, de la nature intacte et diversifiée, de soi-même ...de tout ça l'un dans l'autre...sur le Camino, sur le chemin de la vie, dans la "douceur angevine après un long voyage" ou dans la culture "de son petit jardin"...

Étranges bourgs où abondent aujourd'hui les salons de coiffure, les ongleries, les instituts de beauté, les centres de tatouages pour humains et de toilettages pour chien, les pharmacies abondent alors que les boulangeries, les épiceries et les églises ferment... Etranges villes, bancs et bus où l'on ne se parle plus que par portable interposé...Étrange évolution qui nous fait sortir des villes en voiture pour faire les courses et mettre les maisons  du centre-ville en vente, qui multiplie les quartiers résidentiels, les autoroutes chargés de poids-lourds alors que les voies  ferrées  et les canaux sont désaffectés ou sous-exploités...

Enfin, La Boheyre...Le passage à la pharmacie pour Laurence qui fait une allergie au soleil, puis le Spar et la boulangerie...Mme Annie, la brave paroissienne de service pour l'Association Arc-en-ciel vient nous cueillir à 17h devant la poste pour nous conduire dans la zone industrielle. À côté de l'entrepôt du Secours catholique et des salles de catéchisme, une chambre,douche,wc est destinée aux pèlerins.
C'est la fête de St Jean-Baptiste, donc du Québec ..."Mon pays,ce n'est pas un pays...c'est l'hiver..." Au programme, Gilles Vigneaut, Félix Leclerc, Georges Dor, R.Charlebois...et des nouveaux comme Fred Pèlerin ...Vive la francophonie...Francofolie...avec une bonne assiette froide et un Rosé des Landes pour fêter les résultats "exkellents" de nos petits...

Au rond-point des Landes, nos chemins se séparent:Laurence va rejoindre Irun et le camino del Norte par le train et nous poursuivons vers le Sud. Embrassades...Merci Laurence pour ta spontanéité, tes fous-rires, ta générosité et ton beau projet d'une vie d'art de la scène, de voyages et de rencontres...Ultreïa, plus loin et plus haut le chemin!

Rebelotte pour 24km de landes: on longe l'A10 pendant 8km encouragés par quelques Klaxons de chauffeurs espagnols, puis large chemin empierré de 5km sous le soleil et final plus boisé agrémenté de jolies bruyères et graminées roses...Quelques clairières avec maisons landaises à colombages et terrasses couvertes bordées d'hortensias bleu-vif ou mauve-foncé....Nous arrivons à 13h30 pour pique-niquer au Camping Le Bienvenu où nous logerons dans un mobilhome.

25km pour Taller sur une petite route de bitume tout d'abord bordée d'un champ de bataille jonché de cadavres, des milliers de souches et de racines de pins sorties de terre au milieu de la savane. Ensuite, bois de pins,passage par Lesperon et son clocher massif fortifié, rencontre d'un pèlerin français qui revient à pied de Compostelle, passage à Kyo du guet sur le petit ruisseau d'Escourion où une borne signale qu'ici  St Louis fit construire un hôpital pour les pèlerins. À Taller, nous trouvons refuge dans un petit local qui jouxte le grand bâtiment de la mairie-école. Trois pèlerins bretons bien joyeux nous rejoignent. Nous partageons les achats au seul bar-épicerie du coin pour souper ensemble sous les platanes de lentilles,ravioli et camembert.
Petit-déjeuner au bar à 7h et départ en direction de Dax...petites routes bitumées et puis très sablonneuses dans les pins, les chênes et les fougères...élevages de poulets en plein air....parc animalier avec familles de cerfs et de bambis...rocade et...multitude de rues qui nous amènent finalement à St Paul-lès-Dax, sa belle église romane et son clocher bulbeux en bois. La clé du refuge qui se trouve en contrebas est au presbytère où nous accueille une paroissienne. Nous rejoignons à pied le centre de Dax, célèbre pour ses eaux thermales aux vertus curatives depuis la plus haute antiquité et bien  valorisées par les Romains comme le montre l'arc surmontant des sources jaillissant à 62 °. Dans la cathédrale Ste Marie aujourd'hui de style baroque après avoir été romane et gothique( il en reste un magnifique portail des apôtres ), nous rencontrons un sympathique chanoine de 82 ans qui nous propose de nous conduire après la messe de 18h15  à 9 km au Berceau de St Vincent-de-Paul que nous avons loupé dans les Landes...Ce lieu situé à Ranquines a été fondé par Napoléon III pour honorer"le plus grand saint" des Landes qu'il aimait...Maison natale, chêne de 800 ans qui a connu ce fils de laboureur, église et bâtiment conventuel, aujourd'hui hospice et maison de retraite...
À notre retour, nous faisons connaissance avec Stephanie, une sympathique québécoise partie de Paris où elle réside depuis 5  ans pour études et travail dans le domaine du cinéma. Elle a lu nos messages dans les livres des gîtes précédents et espérait rencontrer sa compatriote Laurence...Nous lui donnons son adresse mail..elle est heureuse de rencontrer des gens car elle a marché longtemps seule.

Nous déjeunons avec elle avant de partir vers le sud alors que notre québécoise longe l'Adour jusque Bayonne pour filer vers El Camino del Norte.

Après avoir traversé Dax, le paysage change assez rapidement. Les pins disparaissent et le terrain se met à onduler couvert de maïs et de vignes. Pause casse-croute à l'abbaye de Cagnotte où nous retrouvons le couple breton et nous mettons d'accord pour repartir les achats du souper. Nous prenons ensuite une ancienne petite voie ferrée désaffectée à travers champs et bois...qui débouche au sommet d'une colline. Dans le lointain, les sommets bleutés des Pyrénées.Avant de les franchir, il nous reste à jouer saute-mouton sur les monts du Béarn...Les quelques courses indispensables à Perehorade avant de franchir le Gave de Pau et d'atteindre au bout d'une départementale de 5km le village de Sorade-l'abbaye. Le vieux monsieur,responsable du gîte, guette notre arrivée à l'entrée de la petite bastide, tout heureux de nous introduire par la belle porte cochère dans la magnifique grange d'une maison béarnaise convertie en refuge 5 étoiles.
Nous y retrouvons nos trois bretons bien lavés prêts à éplucher les légumes ...repas 5 étoiles dans la bonne humeur entrecoupé par la sortie d'un beau mariage de l'église abbatiale dans un vent soudain bien frais. Découverte des mosaïques médiévales dans le chœur et ensuite répétition d'un concert de Mozart qui se donnera le lendemain et qui est dirigé par  ...Lodéon.

Départ pluvieux et chemin de 20km bien arrosé jusque midi trente. Le refuge dans la petite mairie de Bergeye est ouvert et nous pouvons y réchauffer les pâtes de la veille et boire un bon café. Joel et Catherine poursuivent ensuite le chemin jusqu'à un hôtel à Garris tandis que nous mettons sécher linge, sac, bottines avec Serge autour du petit radiateur électrique. Ensuite, écriture et lecture, sieste pour les hommes. Une charmante villageoise vient s'enquérir de notre bien-être, tamponner notre credenciale, toucher notre cote-part et solliciter le maire pour obtenir l'accès à internet. Une autre jeune villageoise qui fête en famille la confirmation de son fils s'occupe de nous préparer des assiettes de charcuteries ; Anne-Lise et son mari élèvent des porcs gascons et sont bouchers-traiteurs.
Il est souvent malaisé de dormir lorsqu'on change chaque nuit de lit, que la literie est sommaire et que les ronfleurs scient du bois en chœur sur fond de tintement de cloches...
Dormi ou pas, à 6h le réveil sonne et à 7 h 15, nous sommes sur la route où le soleil disperse la brume qui monte de la vallée. Nous traversons la Bidouze à Villenave, admirons sa belle petite église entourée de croix basques discoïdales, franchissons prairies humides et ruisseaux, photographions les grosses maisons blanches aux huisseries sang de bœuf et grands portails en plein-cintre surmontés du nom des propriétaires et de la date (du 16è au19è) de construction gravés dans la pierre.
Petit café à Garris, courses à St Palais et retrouvailles avec nos amis bretons pour boire un verre. Nous pique-niquons à l'entrée du cimetière sous les platanes avant de rejoindre la Croix de Gibraltar, carrefour des voies de Tours, le Puy et Vezelay. C'est donc notre troisième passage et ascension de la côte vers la chapelle ND se Soyarce et son superbe panorama sur le pays basque et les Pyrénées. Nous offrons un petit verre de Pomerol au couple breton qui fête ses 37 ans de mariage...
Redécouverte de la chapelle St Nicolas d'Harambeltz, propriété  de quatre familles héritières des frères donats qui géraient dans ce village un prieuré-hôpital à partir du XII ès pour les pèlerins. Le retable baroque en bois doré, les statues et peintures ont été  entièrement restaurés récemment.
Nous posons le sac dans une petite auberge familiale à Ostabat après avoir discuté de l'étape de demain avec trois belges arrivés par la voie du Puy, de Navarrenx.
France/Nigeria : 2/0

Bière basque chez l'aubergiste au béret basque, fier d'être basque, de parler une des plus anciennes langues d'´Europe mais aussi très ouvert à la diversité des cultures et des hommes qui passent sur le Chemin. Il connaît d'ailleurs nos difficultés communautaires et craint le côté fasciste de certains flamands. Pas de vote FN au pays basque..."on n'a pas besoin de clown pour nous diriger nous, nous savons qui nous sommes".
Souper convivial en compagnie de sympathiques pèlerins arrivant du Puy et même pour  4 d'entre  eux de plus de 75 ans par étape de 12-15 km au rythme de 100 km par an.
Petit déjeuner à 7 h avec des savoyards avant de rejoindre nos amis bretons à  l'auberge Ganeko où nous avions logé deux fois auparavant lorsque nous terminions le chemin du Puy et celui de Vezelay. Nous entonnons le chant du pèlerin avec le propriétaire basque avant de nous remettre en route par un joli chemin enjambant les collines habitées de blondes d'Aquitaine et de moutons manèches. Pause café / yaourt dans une ferme et puis pique-nique avec frites à St Jean le Vieux à la terrasse d'un resto.
Le temps change brusquement lorsque nous atteignons les remparts et la porte St Jacques de St Jean -Pied-de-Port. Nous passons rapidement à l'accueil des pèlerins prendre des informations, puis acheter le guide pour l'Espagne,écrire quelques cartes,poster le guide de la Voie de Tours. Il est 16h et nous entamons le premier raidillon des Pyrénées. Nous poursuivons par la petite route Napoléon bien raide qui a succédé à la Voie romaine Bordeaux-Astorga...voie médiévale aussi de Roland et Charlemagne parcourue par tant de pèlerins depuis des siècles.
Les épingles à cheveux se succèdent sur 8 km sous un ciel de plus en plus menaçant. L'orage éclate avec les grandes eaux et même la grêle nous fouette le visage. La route se transforme en torrent qui inonde nos bottines et nous arrivons entièrement trempés à l'auberge d'Honto. Joel parvient à allumer le petit radiateur mural de notre chambre commune sur lequel on repartit quelques effets tandis que chacun bourre ses chaussures de papier journal. Une bonne douche chaude et un repas convivial pris avec d'autres belges, des italiens et une famille écossaise  achèvent de nous revigorer.
Odeur de fauves dans la chambrée mais Belgique/Russie 2/1...

Pluie et tonnerre toute la nuit ....À 8h30 on se met en route sous la "drache" qui tombe à gros bouillons sur le bitume pour les 22km restants jusque Roncevaux dont 16 d'ascension.Dans  la brume progresse une longue procession de pèlerines colorées gonflées par les sacs à dos..'Ils sont venus du monde entier poser leurs pas sur ce chemin sacré...et détrempé. Les arbres disparaissent et sur les alpages des chevaux, poulains, mouftons manèches et bovins regardent défiler,impassibles, ce troupeau d'humains, Ci et là, dans les fosses, des amas de grêlons rappellent les averses incongrues de la veille...
Au sommet,à 1400 m, près de la fontaine Roland, nous passons en Espagne mais il pleut encore...Pas la peine de penser à manger ici...Encore quelques côtes et nous entamons la longue descente vers l'abbaye où nous rejoignons Serge qui nous a déjà réservé une chambre de  cinq à la Posada. Accueil efficace par des hospitaliers hollandais à la Collegiata pour le tampon et pique-nique au réfectoire. Des centaines de pèlerins y ont déjà trouvé un lit dans les grands dortoirs bien organisés par bloc de quatre couchettes...Visite de l'église, du cloitre et du tombeau de Sancho El fuerte, roi de Navarre et vainqueur des Sarrasins à L'as Navas de Tolosa.

Nous soupons à la Posada avec un couple d'une bonne trentaine d'années venus d'Elsenborn, les belges de Bonlé, deux lilloises et deux coréens. Avant d'aller dormir, nous récupérons notre linge lavé et séché.

Depuis la Navarre

Sur les conseils d'un hospitalier du Bouscat à Bordeaux, j'émets mon souhait de ne pas rater les laudes à l'abbaye. À 5h45, la chambrée est réveillée et habillée pour vivre cette belle expérience. Nous courons sur les froids pavés vers l'église mais trouvons porte close...les hospitaliers hollandais ignorent cette option. Une nouvelle histoire belge...pour les amis bretons.
Les pèlerins sont déjà nombreux à franchir la grande arcade du porche qui conduit au "Camino de Santiago 780 km.".Une troupe de séminaristes québécois encadrés par quatre jeunes dominicains en bure blanche part joyeusement vivre cette belle aventure.
Après un desayuno à la casa Melina, nous nous lançons nous aussi sur ce chemin boisé et balisé de flèches et d'étoiles jaunes en compagnie de solitaires, de couples ou de groupes bavards de tous âges. Le soleil réchauffe rapidement la terre humide et dissipe la brune. Nous allons ainsi nous souhaitant "Buen camino" à travers monts et vallons, traversant jolis villages basques et rivières limpides. Des fleurs champêtres, des bois de feuillus, des ballots de foins, les premiers éclopés déjà, des chants, la récitation du chapelet avec le Québec, l'un d'eux lisant St Thomas d'Aquin à un condisciple, un savoureux déjeuner sur l'herbe, un bon café avec cake à l'anis et graines de tournesol...Une ambiance festive où on dévore les km et grimpe dans la caillasse allègrement. À 16 h, nous décidons de poursuivre de 8 km, à Zabaldika où un coup de fil nous garantit que nous recevrons gîte et couvert dans un Accueil paroissial récent particulièrement cordial. Le déluge s'abat à nouveau sur nous et nous parvenons à parcourir la distance en 1h25. Deux hospitalières nous accueillent chaleureusement dans le refuge situé à côté de l'église dans le haut du village. Une douzaine d'autres pèlerins occupent déjà les lieux et nous nous retrouvons tous autour de la grande table pour partager le repas qu'elles ont préparé.
À 20h30, visite de la petite église romane ...contiguë  avec son magnifique retable baroque rempli de saints colorés avec leurs symboles dont Santiago et St Joseph portant l'enfant Jésus. Temps d'oraison, de chants et de partage animé par deux religieuses du Sacré Cœur, polyglottes et bien qualifiées pour ouvrir à l'esprit du Chemin. Montée au clocher afin de faire tinter une cloche du XII ès.

Lever matutinal et départ dans des vêtements mouillés sous la pluie drue  jusque Pamplona où se préparent les corridas de la San Fermin. Quelques beaux ponts en dos d'âne nous permettent de franchir l'Arga brune et bien gonflée pour atteindre la citadelle et la Porte de France. Nous entrons dans la superbe église St Saturnin et sa Vierge du Chemin avant de quitter à regret nos amis bretons Joël et Catherine,si complices, qui repartent pour Nantes via Irun. Ils poursuivront le Camino l'an prochain...Merci pour ce bout de chemin si convivial!

Avec Serge, nous quittons rapidement la ville en suivant les plots étoilés, grimpons l'Alto del Perdon à 970m avec ses pèlerins en fer forgés qui dominent la plaine sous les éoliennes et, au loin, une dernière vue sur les Pyrénées déjà lointaines...
Nous gagnons l'auberge del Perdon dans le joli bourg d'Urgate sous le soleil bienvenu pour enfin sécher le linge lessivé, les sacs et les bottines. Un bon menu pèlerin partagé entre six francophones clôture une énième journée de marche...
Pourrais-je m'endormir bercée par tant de ronflements????

Hélas, la nuit fut courte et peu réparatrice...Un café au distributeur devant l'auberge close et ensuite nous parcourons un superbe chemin de crête fleuri avec vue sur les collines couronnées de jolis villages en grappe ocre enrobant l'église de pierre.
Bonados annonce Puente la Reina et la rencontre avec le quatrième Chemin venu d'Arles par le Somport et de Montserrat par Huesca et San Juan de la Pena...
Les hospitaliers de Malte et des reines de Navarre ont veillé ici au bien-être des pèlerins en leur procurant hôpital et pont pour franchir l'Arga. De pont en dos d'âne romains et médiévaux, de calle Mayor en portiques mozarabes et de champs d'oliviers ou vignes en palais armoriés, nous croisons maints pèlerins souriants ou en quête de pharmacie pour soulager pieds et genoux. Les moissons sont presque terminées et nous sommes heureux de terminer aussi une belle étape de 30 km sous un soleil ardent olé olé...à Estella...dans un gîte municipal bien rempli situé dans la belle calle Rua qui mène à Sans Pedro,superbe église fortifiée du XIIès.
Couvre-feu à 22h...espérons !