mardi 27 mai 2014

Depuis Blois...




Depuis Blois



Merci la famille et les amis de nous avoir lus et encouragés par tous vos messages et gestes de sympathie .
"Bon voyage Bon-papa,bon voyage Bonne-maman...".il est 7.30 h ce mardi 22 mai...Merci à nos chers petits pour cet encouragement à partir...après tant de tergiversations pour moi...

Deux semaines de magnifiques retrouvailles familiales avec le retour de Lucie de Haïti, la communion de Siméon qui reçoit Jésus dans son beau cœur,les trente ans de Lucie avec amis et famille,les préparatifs et la célébrations des 175 ans de notre petite école de Lombise sous le soleil, avec des  activités pédagogiques pour remonter dans le temps et l'histoire de l'école,un chœur d'enfants si émouvants et tellement motivés,...les fiançailles de Thomas et Stefania dans la joie de réunir nos deux familles sous un soleil radieux comme les fiancés ...

Puis,c'est le départ mouvementé de Lucie ...À Noël , Lucie!

À cela se sont ajoutés un conseil d'administration, une AG et une réunion d'urgence  à la maison pour mettre en place le sauvetage de l'école  puisque les propriétaires nous expulsent et puis des courriers importants jusque mardi 22h...Partir ????Je décide finalement de faire mon sac à 23h et de tout confier à St Jacques et à tout le PO et les amis de l'école.

Sur le quai de la gare du Midi, un cousin, Paul , monte dans le Thalys avec nous. Quelle belle surprise...Une heure pour parler de nos familles, nos projets,le mariage de sa fille Alice, le voyage en Afrique du Sud avec Corinne,Jacques et Françoise et...mon frère Manu et Danièle rencontrés dans le même groupe de La libre Belgique. Le temps d'admirer la vieille locomotive circulant entre Zimbabwe et Botswana, les élégantes girafes et un troupeau d'éléphants prenant son bain et nous voilà déjà sur le quai de la Gare du Nord. "La famille est fière de vous!"nous dit Paul en guise d'adieu...Nous sommes émus par tant de gentillesse. Nous sommes fiers de toi aussi...Au 4 octobre pour le mariage...
Nous emporterons tous ces jeunes couples de la famille avec nous vers Santiago.

Le RER nous emmène dans la grande région parisienne, en Essonne...De la gare d'Etrechy, nous prenons à pied la direction d'Etampes. Notre sac semble bien lourd malgré tous les efforts pour réduire au nécessaire ...Il faudra encore passer à l'indispensable et puis au vital comme le conseillait un hospitalier à des pèlerins fraîchement débarqués du train à St Jan-Pied-De-Port pour gravir le col de Roncevaux...
"Le Sermon sur la montagne exprime ce qui paraît une tautologie dans notre monde dévoré de complexité : l'essentiel est essentiel,l'accessoire n'est pas indispensable. L'indispensable, c'est l'Evangile,le Message...",écrit Théodore Monod dans Pèlerin du désert...Bon, nous porterons pourtant nos quelques effets "indispensables ou non"..

Un joli chemin à travers bois et champs nous amène à l'entrée de notre première étape."où sommes-nous attendus Michel?" À cet instant, une voiture s'arrête devant nous au milieu d'un rond-point bien chargé et la chauffeur nous interpelle:" Vous êtes les deux pèlerins que mon fils attend ...descendez jusqu'à la gare et alors appelez-le".
La pluie nous arrose ...
Sur la passerelle enjambant le chemin de fer, deux hommes nous accostent et l'un se présente en souriant: "St Jacques "...quelle agréable apparition!...

Visite rapide mais appréciée de deux des quatre églises d'Etampes,ville choyée par les rois de France: St Basile et la collégiale Notre-dame du Fort...fresque renaissance de l'Ecce Homo, vitrail avec les Sybilles de l'Ancien Testament du XVI è,vitrail de la Vierge miraculeuse guérissant trois malaises dans la nef qui servait d'hôtel-Dieu au XII eme siècle,sculptures de reines de France ornant les clés de voûtes...les hospitaliers,père et fils, sont fiers de nous faire découvrir ces trésors...et le père d'ajouter avec un sourire coquin" Êtampes était une ville prospère, commerçante, comblée par les rois qui y logeaient leurs maîtresses". Quant à nous, nous logerons dans une ancienne vaste maison canoniale devenue presbytère pour deux prêtres ,lieu de réunions, d'organisation de kermesses...et aussi espace d'accueil pour pèlerins. Un pèlerin hollandais nous accompagne pour quelques courses chez le Marocain du coin et prépare avec moi une bonne ratatouille avec des pâtes ...en we spreken Nederlands met plezier voor wel slapen!

Après avoir chanté les laudes et reçu la bénédiction des pèlerins, nous déjeunons en compagnie des deux prêtres d'une petite quarantaine d'années ,l'un originaire de la Meuse et l'autre du Congo-Brazzaville : ils administrent 29 clochers...
Partis sous la pluie avec notre nouveau compagnon hollandais,nous irons de clocher en clocher,arpentant les longues lignes droites parfois bien monotones de la Beauce semée de ce beau blé qui nous procure de quoi casser la croûte :bannette ,campaillette,pain tradition...réalisées avec "l'assemblage parfaitement maitrisé de blés sélectionnés ". Ce midi,un banc le long du cimetière de Monnerville nous tend les bras au soleil...Il reste une quinzaine de km dans la glaise collante et pesante jusqu'Angerville. Nous déclamons  avec C.Peguy

Nous allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,
D'un pas toujours égal, sans hâte ni recours,
Des champs les plus présents vers les champs les plus proches.

Vous nous voyez marcher, nous sommes la pié­taille.
Nous n'avançons jamais que d'un pas à la fois.
Mais vingt siècles de peuple et vingt siècles de rois,
Et toute leur séquelle et toute leur volaille

Nous sommes nés pour vous au bord de ce plateau,
Dans le recourbement de notre blonde Loire,
Et ce fleuve de sable et ce fleuve de gloire
N'est là que pour baiser votre auguste manteau.

Nous sommes nés au bord de ce vaste plateau,
Dans l'antique Orléans sévère et sérieuse,
Et la Loire coulante et souvent limoneuse
N'est là que pour laver les pieds de ce coteau...

Près de la mairie, une policière nous ouvre la porte de la petite chambre de fonction pour une personne située dans une ancienne école ...Nous nous rendons ensuite avec notre pèlerin hollandais chez le prêtre qui doit l'accueillir...point de réponses. Souffrant d'une allergie aux pieds, je me rends dans une pharmacie où on ne veut me vendre de la cortisone que sous prescription...Notre compagnon,Johan, prend les choses en main en se révélant être médecin. La pharmacienne me vend alors la pommade souhaitée.

Comme le cure n'arrive toujours pas,nous décidons d'aller souper au seul petit resto ouvert et finissons par obtenir la numéro de tel. d'une brave paroissienne,femme de l'ancien maire,qui nous rejoint avec deux paires de draps repassés à la salle de catéchisme qui jouxte l'église. C'est là que nous logerons sur la belle estrade en bois tandis que Johan occupera la chambre "municipale"...Ici maire et curé font bon ménage ...Un jeune curé en soutane viendra nous accueillir plus tard avant de se rendre à la répétition de chorale pour la fête des mères.

D'Angerville à Artenay, 31 km de blé ,de colza en gousses,d'éoliennes et de vent. Quelques bosquets et grosses fermes de moellons clairs en carré, des clochers comme des points sur des i rompent l'horizontalité du paysage. Pause pique-nique à Toury avec son église au superbe narthex gothique et ses anciens bancs fermés par des petites portes.
Nous arrivons juste à temps dans le petit bourg d'Artenay pour boire une Grimbergen avant d'assister à la messe de 18h avec quelques paroissiens heureux de tailler une bavette avec nous. Le père Stanislas,jeune et joyeux curé polonais, nous reçoit ensuite dans son grand presbytère,derrière la sacristie,  où il a aménagé outre ses salles de catéchisme débordantes de bricolages religieux, deux chambres pour accueillir des pèlerins . À 19 h,il vient nous "inviter" à dîner : délicieuse soupe aux champignons des bois et omelette avec du riz puisqu'on est vendredi...échanges savoureux sur la vie paroissiale, la Pologne et les prêtres et ouvriers polonais en France et Belgique...

Le lendemain matin, au moment de partir vers Orléans, le père Stanislas nous conseille d'aller prendre la café chez Mr et Mme Parou à Gidy...
De longues lignes droites balayées par le vent nous éreintent. Après Chevilly, une voiture s'arrêtent à ma hauteur et son chauffeur, Mr Parou, qui avait rencontré le père Stanislas la veille à un concert, me propose de faire halte chez lui pour la pause...Il rejoint les deux hommes plus loin pour les prévenir . À Gidy, nous sommes accueillis sur la place par le père Stanislas venu pour un baptême et plus loin lorsque tombent les premières gouttes chez les Parrou,couple de fermiers beaucerons retraités. Café et tarte aux pommes, enfants qui sont allés à St Jacques, fils vigneron qui s'est suicidé...JAC,bénévolat chez Emmaus et en paroisse,association de St Jacques, taille de la vigne,restauration de leur maison,potager,cours d'exégèse ...de belles occupations, une grande culture et beaucoup de générosité quand on approche des quatre-vingt ans...Comme nous ne trouvons pas de logement à Orléans,ils proposent que nous poursuivions notre route à pied sans sac et de venir nous cueillir en face de la cathédrale à 19h lorsque nous aurons fait nos dévotions ...
Nous descendons les 13 km restants,sous une alternance de pluie et d'éclaircies ,jusqu'à la Loire. Visite de la cathédrale Ste Croix étincelante de blancheur humide dans sa belle dentelle de pierres rénovées, déambulation dans le vieux quartier médiéval entièrement restauré et piétonnier et dans la rue de Bourgogne libérée autrefois par l'héroïne de la cité,Jeanne d'Arc, diaporama sur le parcours glorieux et la fin tragique de la Pucelle dans sa demeure restaurée par André Malraux après la dernière guerre, vestiges de la chapelle St Jacques...
Mr Parou nous ramène chez lui où nous dégustons les produits-maisons:apéritif aux    pêches, soupe aux légumes du potager,boudins blancs maison, fromages fermiers et fraises de la serre, le tout arrosé d'un vin de Loire des Pèlerins. Conversation sur la politique agricole, l'évolution de l'agriculture en Beauce, l'Eglise en France...
De belles chambres et une salle de bain mises à notre disposition. Quel superbe accueil nous est offert pour nous soutenir dans notre démarche.

Après un bon petit déjeuner où les premières cerises à peine cueillies sont appréciées, nous rejoignons en voiture le bord de Loire pour suivre le fleuve sur 30,5km jusque Beaugency d'où nous gagnerons l'Auberge de jeunesse deux Km au nord...Magnifique sente blanche,piste cyclable goudronnée, superbes demeures dont les jardins fleuris et arborés dévalent jusqu'au fleuve, pique-nique au bord d'un étang squatté par des castors et des tortues, cygnes majestueux,hérons ,canards, ...joggeurs,vtt,cyclistes anglais, hollandais,promeneurs du dimanche...
Meung-sur-Loire,la belle petite cité se dessine derrière les saules et puis se dévoile paisible en bord de Loire. On pense à la profonde confiance en l'humanité et en Dieu du poète maudit F. Villon se penchant sur son passé du fond de sa prison:
      Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, se pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tost de vous merciz.
Vous nous voyez cy attachez cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça devoree et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s'en rie :
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre!



...trop de belles distractions qui nous devient du droit chemin...Une voie sans issue nous rallonge la route de 3 km et c'est épuisés,sous une pluie battante que nous grimpons les derniers km. Nous nous contenterons cette fois d'une petite assiette à réchauffer au micro-onde avant de nous endormir avec notre hollandais dans des lits superposés!

Johan,voulant grouper deux étapes pour être certain de respecter la promesse faite à sa femme de rentrer le 1er août en Hollande, nous quitte,fort ému, après le petit-déjeuner. Nous envoyons quelques mails, achetons du pain à Beaugency et reprenons les bords de Loire principalement sur une longue levée qui nous mène à Suèvres.

Mr.Breton de La Bouzie,  appelé du banc devant l'église St Christophe , vient nous prendre 10min. plus tard. avec sa petite fourgonnette. Assise à l'arrière sur les caisses d'asperges, je l'entends se plaindre à Michel de l'impact de la météo des dernières semaines sur ses cultures. Accueil énergique et souriant de la fermière Suzanne,lessive et séchoir, asperges vertes cuites à point par le patron et dégustées avec les doigts trempées dans de la crème fraîche aigre,saucisses grillées et purée de la patronne...Les élections européennes tirant vers la droite, la dérive de la France sans visionnaire désintéressé,le coût de la mains œuvre et la concurrence déloyale d'autres pays,les subsides européens à l'agriculture,... les enfants et les petits-enfants...quel avenir pour eux? Une superbe rencontre avec un couple de chrétiens partageant depuis quarante ans le travail à la ferme et de multiples engagements dont des rencontres de couples chrétiens en monde rural et le catéchisme,la chorale et le conseil municipal pour  Madame Breton...Ils nous offrent gentiment le repas dans leur Accueil paysan. Bravo à cette belle France de la terre pour ses valeurs humaines et chrétiennes dont celle de l'hospitalité ! Sans cela,la route perdrait sa saveur et deviendrait une marche sportive et culturelle bien pénible  à poursuivre avec la carapace vissée sur le dos et la famille si loin.

Demain, nous retrouverons notre ami Guy de Montbéliard,retardé par des fuites de gaz dans son train venu de Dijon.



"L'aventure commence à l'aurore ,à l'aurore de chaque matin, l'aventure c'est le trésor que l'on découvre à chaque matin..." (J,Brel). Suzanne nous  dépose sur la place de Suèvres où...Guy débouche d'une ruelle, descendu  du train un quart d'heure plus tôt.
Après avoir acheté une baguette,nous empruntons une petite rue bordée de potagers en échangeant les dernières nouvelles, tout heureux de ces belles retrouvailles. Un cycliste,le panier rempli de belles Batavias, nous aborde pour parler du Chemin fait en 2005 avec son épouse aujourd'hui décédée ...Maintenant, il s'occupe...Il est maire de Suèvres par esprit citoyen. Que c'est beau!

Superbe piste jusque Blois aux accotements herbeux en cours de tonte, longs murs  de pierre assaillis de rosiers grimpants parfumés cachant d'élégants petits châteaux ,bancs et belles trouées sur les îlots sablonneux de la Loire sauvage...
À Blois, nous grimpons jusqu'à la cathédrale St Louis,admirons le petit jardin aromatique et l'odoriférante roseraie du Jardin de l'évêché. Michel accablé par une douleur au pied gauche nous attend sur un banc tandis que nous partons admirer la belle façade du château des comtes de Blois, devenue demeure royale de Louis XII et remise au goût de la Renaissance par François Ier...Nous pourrons faire tamponner notre credenciale à l'Office du tourisme avant d'aller boire un verre à trois chez un caviste heureux de diffuser soudain  "Le plat pays" ...Comment qu'il sait???
Nous traversons ensuite les belles ogives du Pont Gabriel qui nous conduit chez Mr et Mme Morin,amis des Parou, qui nous attendent en toute simplicité dans leur maison pour une belle soirée d'échanges sur ce qui nous fait vivre...autour d'une table conviviale.

mercredi 7 mai 2014

Depuis Paris....



Après avoir longé l'Oise et traversé Robertval, nous marchons dans la forêt de Halatte et grimpons le Mont Pagnotte sur les  terres du premier roi de France, Hugues Capet élu à Senlis et couronné à Noyon. 
Nous nous sentons soudain déphasés en traversant une fête foraine tonitruante avant de rejoindre au cœur de la cité médiévale de Senlis la plus petite cathédrale de France...Nous apprenons que notre hôtel se trouve bien à l'extérieur de la ville. Pas de laverie dans le coin...On sortira le Génie express sans frotter et la corde à linge!
3 mai...heureux anniversaire Jean-Martin! Il me répond que c'est moi qui ai pris un fameux coup de vieux...La vérité sort de la bouche des enfants...Bien d'accord avec 60 piges...Tant pis,je tacherai pourtant de faire 25 km à pied avec 10 kg sur le dos. Et toi,JM, bon BBQ et feu de bois à Cambron avec Julie et les copains !
Les petits Goffin vus sur Skype nous racontent les derniers scoopes de Cambron: l'apéro avec parrain, les chats, les 11 œufs des poules, l'école et les nuits chez les copains...

De Senlis, nous traversons la forêt de Chantilly sous le soleil printanier et le ciel aussi bleu que les jacinthes qui embaument l'air pur de ce dimanche frais. Comme les pèlerins d'Emmaus, nous avons pourtant le cœur brûlant en suivant la chaussée ...Brunehaut forestière  jouxtant les pistes sablonneuses pour les galops d'entraînement . Nous pique-niquons au soleil sur un banc le long de la Thève poissonneuse qui coule sous un joli pont de pierre à Coye-la-forêt .Nous nous retrouvons ensuite sur le chemin de la reine Hortense,fille de Joséphine de Beauharnais devenue reine de Hollande lors de son mariage avec Alexandre, frère de Napoléon . Elle aimait parcourir ce sentier ombragé pour se rendre de son château du Baillon à l'abbaye de Royaumont, fondée par St Louis. Les touristes attendent une visite guidée ...Nous nous souvenons de la belle cuisine et du cloître gothique ainsi que des ...superbes latrines en pierre placée sur un canal d'irrigation .Les cisterciens au 13ème ne transigeaient pas avec l'hygiène collective...à exporter de toute urgence en Haïti pour lutter contre l'épidémie de choléra. Bon courage les Lulus!
Le temps de feuilleter quelques beaux livres et de faire tamponner la crédenciale et il faut repartir encouragés par quelques marcheurs admiratifs...Un orvet paresse au soleil, un papillon vole, un bourdon bourdonné, une abeille butine...Et nous marchons, marchons...Chacun, sa tâche...Mais à choisir être un orvet me réjouirait et j'en connais qui l'approuveraient...Nous traînons un peu la patte en cette fin d'après-midi bien ensoleillée et avons hâte de trouver l'auberge à  Viarmes dans le Val d'Oise. Une galette bretonne et une bolée de cidre brut feront notre affaire ce soir-là...

Pas le temps de paresser non plus ce lundi...30 bornes à parcourir aujourd'hui et demain pareil pour atteindre Paris. Hier, pourtant,  un panneau sur un pont indiquait 35 km par l'A1...Évidemment, pas de GR par là et nous ne supportons plus que l'air pur et le chant des oiseaux!
Mais où sont passées les dernières chaussettes propres dans cet amas de sachets sortis du sac? Ben...dans celui qui est resté sous le couvre-lit! En route...

Nous avalons un croissant acheté à la hâte dans la boulangerie en croisant des enfants qui reprennent le chemin de l'école. À Luzarches, un bon café sous la belle halle en bois et puis nous entrons dans la belle église romane au son...d'une marche de Haendel ! Nous n'en demandions pas tant... L'organiste éclate de rire en voyant notre air ahuri...Il répète pour l'entrée des militaires lors du 8 mai. Sur ses conseils,nous admirons une vierge à l'enfant, une reproduction du Christ au tombeau d'Holbein et nous saluons St Louis caché dans le feuillage d'une clé de voûte. Pour notre sortie,le musicien choisit un air du liégeois César Franck en notre honneur...Comment diable avait-il deviné que nous étions belges?
Des cloches lointaines sonnent l'Angelus, nous pensons à notre chère Agnès Devroede et sa famille attristée par son départ . Je la revois cuistote dévouée nourrissant avec bonne humeur les patronnées d'Enghien, astiquant les grands chaudrons et participant avec entrain aux veillées. Je me souviens aussi de son goût pour l'alpinisme au camp du Val Martello. Une belle figure qui a marqué notre jeunesse de manière indélébile. Merci Agnès !
Durant la marche solitaire, les paysages défilent mais aussi les visages des morts toujours vivants et des vivants lointains tellement présents avec leurs joies, leurs attendes, leurs soucis...tout ce que certains nous ont confié avec tellement de simplicité ...La marche n'est vraiment pas solitaire: vous êtes tous de plus en plus présents .
C'est l'heure de la petite pause fruits...Nous nous adossons à notre sac à un croisement de chemins...jonction avec le raccourci  qui vient  de Coye-en-Forêt...18km de raccourci ratés..bah, on avait dit "placide", je crois ?

Soudain en haut d'une côte, à Chatenay-en-France, nous apercevons dans le lointain légèrement brumeux Montmartre, la tour Eiffel et la tour Montparnasse puis aussi la Défense ...On approche du terme de notre première longue étape .
Nous passerons la soirée chez une charmante hôtesse dans l'ancien presbytère de Le Mesnil-Aubry à deviser sur les plantes du jardin, les bienfaits de son fauteuil de massage, son mari musicien décédé ,l'organisation de nos paroisses et de bien d'autres sujets...

Quelques gouttes le matin n'arrêtent point les pèlerins ...Nous contournons le superbe château d'Ecouen,musée de la Renaissance, visité autrefois par deux fois avec 50 élèves ...dans une autre vie...Les petites agglomérations se rapprochent, le réseau routier se resserre mais le GR parvient encore à nous offrir quelques jolis bois comme  Richebourg et sa butte Pinson qui nous amène en Seine-St Denis...Les affiches en rouge disent non à l'austérité et plaident pour plus d'égalité et de partage des richesses...Rien n'aurait-il changé depuis la Révolution? 

Les noms de rue évoquent des résistants et des colonels FFI communistes tombés sous les balles de la Gestapo en août 1944 ...Liberté, j'écris ton Nom...Espace Paul Eluard... Centre du Secours catholique...Cité Floréal... Campements pour gens du voyage...Enfin, après 2,5 km d'air pur dans le Parc paysager de la Courneuve nous débouchons ...sur la basilique...Il nous reste à prier et remercier ST Denis et ses comparses Rustique et Eleutère dans la crypte et à saluer Dagobert, Carolingiens, Capétiens, Valois et Bourbon au cœur de leur belle nécropole gothique pour clore le Camino jusque Paris.
Merci à notre belle-sœur Danièle pour l'hébergement parisien tout confort !

Comme annoncé, nous rejoignons Cambron par le TGV pour revoir Lucie qui nous revient de Haïti pour une dizaine de jours, pour assister samedi à un mariage, dimanche à la communion de Siméon, le samedi suivant à la fête de l'école de Lombise (bienvenue à tous !) et le lendemain dimanche, aux fiançailles de Thomas et Stefania ! 

Nous reprendrons le train le 21 mai pour reprendre le Camino là où nous l'avons abandonné et à bientôt pour de nouvelles aventures !

Marie-Françoise

samedi 3 mai 2014

Depuis Senlis...




Comme vous avez de la chance!...même parole entendue à une semaine d'intervalle de la part de deux dames âgées . À la première ,à la sortie de la messe d'Herchies, Michel a. proposé de nous accompagner..."c'est,hélas,impossible,quand on a 83 ans mais je penserai à vous!"nous a-t-elle répondu . La seconde est apparue toute réjouie dans la boutique de l'abbaye Notre-Dame d'Ourscamps où nous expliquions au libraire que nous venions loger là cette nuit du 28 avril ...oh,à pied de Belgique,des vrais pèlerins alors..j'aime beaucoup Notre-Dame de Banneux,j'y vais chaque année et la prie chaque jour...". Et la voilà qui nous récite avec ferveur la belle prière de Banneux... Nous avions les larmes aux yeux et avons promis de l'emporter avec nous jusque Compostelle. Il nous reste aussi à nous rendre à Banneux ...
Ces petites dames nous révèlent notre chance..."En retrait" d'une vie professionnelle bien remplie quasi en même temps,le même âge ,une bonne santé, des enfants indépendants et heureux,le même souhait  de marcher vers Saint-Jacques...Oui,sachons apprécier ce Chemin que d'autres auraient tant souhaité parcourir sans le pouvoir...
Je repenserai souvent à cette phrase lorsque la ligne droite se fera trop longue,le sac trop lourd après 16h, le gîte inconfortable,la pluie trop drue, les erreurs de chemin inévitables ...
Lorsqu'il faut rebrousser chemin, Axel Khan (Penser en chemin,2014) suggère de renoncer à la désolation et à la fureur et d'opter pour la placidité ...après tout,on peut toujours essayer...Nouveau défi:devenir placide!
Aujourd'hui,la douche est bien chaude et le gîte sous le toit d'une longère de ST Crépin aux Bois dans l'Oise bien agréable ...les pizzas transportées dans le sac en plus des sandwichs du midi et de la baguette du petit-déjeuner nous a bien rassasiés. La propriétaire nous a même apporté deux bières et...un sèche- cheveux...le luxe!

Le soir,le tapis vert des champs,des bois et des chemins de halage se déroule à nouveau dans notre tête ...quel tournis en 8 jours hors du temps,des habitudes, des occupations. Ce ne sont pas les vacances scolaires...et, pourtant, nous sommes partis vagabonder, traverser la France dans sa diagonale et l'Espagne dans son horizontale ...
Nous revoyons et approfondissons nos cours d'histoire et de géographie physique,économique et politique in situ, en cheminant le nez au vent,les yeux bien ouverts,l'esprit curieux et branché sur les rencontres riches  bien qu'éphémères avec les gens croisés dans les champs, les villages ou lors de l'accueil du soir...
À Bavay, le vent faillit tourner pour César face à Boduognat,notre ancêtre nervien; perchée sur sa colonne Brunehault rappelle qu'ici cinq voies romaines se croisaient...; la forêt  de Mormal ne représente plus qu'un cinquième de sa superficie d'avant l'an mil suite au grand déboisement mené principalement par les moines et une population en accroissement ...en témoignent les noms de lieux environnants : Aulnoye, Le Quesnoy, Le Quesne au Leu, Fayt, Noyers, Le Nouveau-Mesnil,Longueville, les Essarts..Les églises nous parlent des premiers évangélisateurs : St Quentin,St Crépin,St Médard, St Rieul, St Éloi conseiller du roi Dagobert et Charlemagne sacré roi des Francs à Noyon  ponctuera le chemin jusque dans les Pyrénées et les Marchés d'Espagne...nous l'avons déjà rencontré  par là ,la marque du sabot de son cheval en pays cathare ou dans de nombreuses petites chapelles aux frises lombardes.... pour le moment nous traversons Carlepont, une de ses résidences royales...Sacré Charlemagne ...il avait déjà commencé à construire l'Europe avec une formidable administration juridique et chrétienne...
Les abbayes renvoient aux seigneurs locaux qui soutinrent l'installation de moines bénédictins puis cisterciens envoyés par St Bernard, même des célestins ... Hélas,la direction à distance par des abbés commanditaires et puis la Révolution achevèrent la décadence et la ruine de ces ordres prestigieux. À Ourscamps,des belges payés moins cher que des ouvriers français ,vinrent au 19ème  travailler sur les métiers à tisser installés dans les beaux bâtiments monastiques un velours luxueux À Bohain,le petit musée aménagé dans la graineterie de la famille Matisse,évoque l'époque où 10.000 artisans du Vermandois fournissaient Paris en tissus raffinés grâce  ses usines textiles et le travail à domicile...À Fresnoy-le-Grand,nous longerons l'usine des bas Le Bourget (et La fonderie Le Creuset) installée entre les deux guerres et dernier vestige d'une époque glorieuse...

"La France est à l'envers,me confie la baguette sous le vieux blouson troué un pauvre hère,...d'ailleurs j'ai pas voté..y a pu d'travail...j'vais vendre ma maison,ma femme est partie avec un autre et mes sous..Mi,j'ai le cancer de la bouche d'avoir mis des saloperies dans les champs...Y a plus rien qui va dans c'pays..."Je n'ai pas tout compris à ton ch´ti mais je penserai à toi Gérard sur le Chemin. Le long du canal de ST Quentin,les pêcheurs sont nombreux ce dimanche matin,les cyclistes et les joggeurs aussi...Assis sur un banc,un vieil homme, nous dit:"Plus de travail ici, y reste que les loisirs et la pêche ".

Les traces des deux guerres mais surtout celles de 14-18 nous accompagnent..'St Quentin et Noyon à 90 0/0 détruites, un cimetière à la sortie de Ham,dans un champ,présente dos à dos des centaines de petites croix noires allemandes dressées dans l'herbe et des stèles britanniques blanches bien fleuries mentionnant pour la plupart. "À soldier of the great war... Known unto God...", À Ors,au pont qui enjambe le canal de la Sambre à l'Oise, un panneau rappelle qu'ici en 1918 est tombé le poète anglais Wilfred Owen; un parcours de mémoire fraîchement mis en place par le village de Tracy le Mont sur la ligne du front nous entraine de la Pansée (petite maison où l'on pansait les blessures plus ou moins légères),au lavoir, à l'église -ambulance et aux confidences des villageois sortis brutalement de leur lit le 4 août 1914 non par la sirène de l'industrie de brosses qui employait 2000 ouvriers mais par des voix de soldats allemands traversant la rue principale...
Et partout des monuments aux Morts plus pathétiques les uns que les autres avec des poilus couchés au pied d'une femme éplorée ou  fièrement tournés vers la victoire baïonnette à la main...tous tombés glorieusement au champs d'horreur pour sauver la Patrie...
De place Général de Gaule ou Foch en boulevard Clémenceau et rue du Général Leclerc ou Delattre de Tassigny,nous traverserons la Selle,la Somme,l'Aisne et l'Oise et tous leurs canaux pour atteindre la clairière de l'Armistice...
Le bocage de l'Avesnois avec ses vaches bleues puis hollandaises ou limousines et ses maisons de briques (des cheminées dans la campagne témoignent des petites briqueteries locales) cèdent progressivement la place à de grandes cultures céréalières et l'odeur suave du colza. La belle pierre blanche équarrie ou pas nous  fait des églises,des maisons et des châteaux étincelants au creux des vallons verdoyants de l'Oise et de l'Aisne.
Les haras,les maisons avec jardin soigné ou parcs somptueux,les chevaux de course,les 4x4, les hippodromes nous parlent d'une autre France...

C'est le 1er Mai,on fête le Travail ou St Joseph...c'est pareil puisqu'il est le patron des Travailleurs...Il fait magnifique et la forêt domaniale de Compiègne avec son Mont des singes s'est habillée de vert tendre, de blanc et de bleu jacinthe pour recevoir les cueilleurs de muguet. De fières cavalières et des randonneurs alertes et légers nous rattrapent sur les sentes sablonneuses..Coucou,coucou,c'est la fête et tous les oiseaux gazouillent gaiement.L'étape sera plus courte, 20 km...nous pourrons visiter le château impérial...Les croisements s'enchaînent et l'œil est en alerte car le topoguide nous annonce plusieurs GR...Méfiance ...Nous longeons une grande tribu    familiale déballant bbq et abondance de victuailles...Nous pensons à notre quignon de pain et bout de Cantal...Bah, filons,nous serons bientôt arrivés!... Les  jambes deviennent toutes dégonflées,comme dit si bien Barnabé, nous avalons rapidement ce petit en-cas sur un talus de la D645...Tiens,tiens...mais c'est où ça ?  Dans le sens opposé à notre objectif...Demi-tour, l'orage éclate ...Imper,guêtres, protection sac à dos..Cette fois,ce sont les limaces,les noires,les rouges,brunes ou grises ( pour tous les goûts, en fait...)et les escargots qui sont à la fête . La  technique moderne du GPS et les cartes tentent de faire bon ménage pour nous mener au bout de 2 heures de sentiers boueux au point de vue des Beaux-Monts...Une perspective de 5 km dans la forêt menant directement au château de Marie -Louise,seconde épouse de Napoléon qui souhaitait ainsi retrouver un peu de son Schönbrun natal...Et bien, pour la vue, c'est raté avec la brune et la drache, quant aux 5 km il faudra bien les parcourir dans l'herbe et le sable collant...
Heureusement,nous avions déjà visité autrefois car l'envie de se remémorer le mariage de Léopold Ier avec une autre Marie-Louise,fille du roi Louis-Philippe d'Orleans est passée...Nous reviendrons plus tard avec nos petit-enfants...

À Compiègne, un cortège carnavalesque essuie les derniers gouttes..L'Office du tourisme qui devait nous donner la clé du gîte pour pèlerins est fermé...Nous admirons rapidement le bel Hôtel de Ville Renaissance avec son beffroi le plus méridional d'Europe mais un petit café est bien nécessaire pour réchauffer deux SDF transis. Nous prenons avec plein d'espoir la direction du gîte et là, enfin, une voix répond au numéro de téléphone pour nous donner le code 14-18 qui nous ouvre, sous la chapelle St Lazare, la porte d' un beau dortoir avec cuisine et douche chaude. Les radiateurs tenteront de sécher nos habits et de nous réchauffer jusqu'à l'arrivée d'un brave hospitalier à 18h30 qui nous mènera, après avoir accueilli une hollandaise exténuée sur son superbe vélo Koga, tôt en voiture jusqu'à un petit resto tenu par un de ses amis pèlerins. Il nous sert une L'effet et nous prenons un menu trois services,,,La note sera en conséquence ...Enfin,repus, nous rentrons au gîte ...à pied pour retrouver notre hollandaise ravie d'avoir fait sa petite lessive.Vive  le 1er Mai et surtout St Joseph! 
En direction de Verbière, autre résidence de Charles Martel et Charlemagne,nous faisons halte pour pique-niquer au pied d'un poteau blanc de croisement de la belle forêt de Compiègne lorsqu'un coup de fil de notre ami pèlerin franc-comtois Guy nous annonce qu'il va nous rejoindre à Orléans ...Allez, salut les veinards et à bientôt! À cet instant, le ciel ouvre ses grandes vannes et nous remballons prestement avant de reprendre les sentes sous la futaie bien humide..

Marie-Françoise.