dimanche 29 juin 2014

Depuis Bergouey, au pied des Pyrénées.

Mes collègues de Match, lors de mon départ en pré-retraite, et mes amis du conseil d'administration de Saint-Gabriel, m'avaient offert de quoi me ré-équiper et, notamment, de m'acheter un nouveau sac à dos, l'ancien étant foutu.
Mon nouveau sac est un Gregory 55 litres. La Rolls-Royce des sac à dos paraît-il... J'y ai mis de quoi me changer ( 1 chemise, 1 short, 2 paires de chaussettes, 2 slips), le nécessaire pour la nuit ( nos deux "sacs à viande" en soie, 2 taies d'oreillers en soie et nos "pyjamas = slip et t-shirt" ), une polaire, la veste de pluie, la trousse de toilette, la trousse de pharmacie, les chargeurs d'appareils photos, iPhone et iPad, un mini réchaud à gaz, une mini casserole, 2 cuillers à café, un couteau Laguiole et enfin, une boîte isolée et équipée d'une tablette réfrigérante pour conserver un fromage, une saucisse sèche , une tomate ou quelques fruits. Enfin, 2 gourdes de 600 ml... Le tout, avec l'eau, pèse à peu près 14 kg...

Le matin, au départ, le sac ne pèse pas... On est fort, bien reposé, le sac est bien positionné sur le dos, tout va bien, on ne le sent pas...
Après 1 heure de marche, la peau tiré aux épaules et on ajuste la chemise sous les bretelles du sac...
Après 2 heure de marche, on tire sur les sangles qui resserrent le sac sur les omoplates puis, on soulève le sac des deux mains pour pouvoir resserrer la sangle ventrale et faire porter le poids par le bassin. Le soulagement dure à peu près 1 minute... Les épaules, vers 11 h commencent à faire mal et un point de douleur apparaît dans le dos... On décide alors de faire une courte pose pour boire un peu d'eau, manger un fruit, et... oublier le sac quelques minutes !
Très ( trop ) vite, il faut repartir et alors, plus de répit, le sac pèse immédiatement trop lourd... On essaie vainement de modifier la position, de resserrer les sangles, rien n'y fait...
Alors on souffre... et , dans la tête, on refait l'inventaire du sac en essayant de voir ce qu'on pourrait encore éliminer... En vain... Et ça va durer jusqu'à l'arrivée à l'étape où, enfin, on pourra poser le sac et l'oublier jusqu'au lendemain...

Ultreïa !

Michel

mercredi 25 juin 2014

Depuis Onesse/Laharie

Hier, à Moustey, nous nous sommes pris en photo devant la borne de pierre ornée de la coquille et indiquant "Compostelle 1000 km".
Il y a quelques jours, en sortant de Bordeaux, il y avait un bistrot qui s'appelait " À mi-chemin "...
Nous sommes maintenant plus ou moins à mi-route de notre périple. Les Landes, avec leurs lignes droites interminables ( hier, la plus longue faisait... 8 km ! ) sont propices à la réflexion... Qu'est ce qui nous pousse à nous lever tous les matins à 6 h pour prendre un solide petit déjeuner et nous lancer rapidement sur les chemins pour des marches forcées de 20, 25 ou 30 km... ?
Quelle est notre motivation pour tant d'efforts et parfois, de souffrances ( je traine depuis plusieurs jours une blessure au pied gauche que je soigne tous les matins avant de partir mais qui s'ouvre à nouveau en cours de journée ) pour aligner, les uns derrières les autres, ces centaines de km ?
La réponse est certainement complexe et multiple...
Bien sûr la volonté de se dépasser, de se prouver qu'on est capable de le faire. Aussi la joie de la découverte, découverte de la nature ( hier étonnement devant une magnifique couleuvre qui traversait la route devant nous avant de se jeter dans la mare toute proche et, ce matin, un face-à-face étonnant avec un jeune chevreuil qui n'en croyait pas ses yeux face à ce pèlerin à lunettes, coiffé d'un chapeau informe, et portant sa maison sur son dos...), découverte de toutes les richesses culturelles de la France ( ah, tous les aspects de l'art roman dans les moindres petites chapelles visitées...).
Aussi la richesse de toutes les rencontres vécues, que Marie-Françoise détaille si bien dans son compte-rendu. Rencontres parfois longues et plus profondes, comme le médecin hollandais, Johan, qui nous a accompagnés huit jours durant ou comme Laurence, la petite québécoise de 22 ans qui marchait avec nous depuis Bordeaux et qui, ce matin, a pris le train pour Irun, début de son Camino Del Norte... Mais aussi rencontres plus brèves et tout aussi riches, comme toutes les personnes qui nous accueillent à l'étape, comme tous ceux qui s'arrêtent pour simplement nous saluer, nous souhaiter bon courage, s'inquiéter de savoir si nous ne manquons pas d'eau... Ce matin, notre petite route longeait l'autoroute vers l'Espagne et nombreux étaient les chauffeurs de camion qui, reconnaissant les pèlerins à la coquille posée à l'arrière du sac, nous dépassaient en nous saluant d'un joyeux coup de klaxon et d'un grand signe de la main ! Quelque part, ils nous reconnaissaient comme les leurs, routiers à notre manière...

Motivations multiples à ce voyage coiffées par la notion de "Pèlerinage"...

 Nous allons à Santiago prier Saint Jacques, là où des millions de pèlerins avant nous l'ont déjà prié et nous le prions tout au long du Chemin... Ce ne sont pas les intentions qui manquent ! Nos soucis, nos proches... mais aussi toutes celles qui nous ont été confiées et qui nous sont encore confiées chaque jour. Hier, la dame qui nous accueillait à Labouheyre nous demandait de prier pour son curé qui s'en allait, appelé dans une autre paroisse, et pour celui, bien plus âgé qui allait le remplacer...
Beaucoup de manières de prier sur le Chemin... De manière bien consciente, dans les églises notamment, mais aussi, de manière plus simple, en offrant nos pas et nos découvertes, en nous mettant simplement à l'écoute... Nous prions alors "avec nos pieds" et cette prière est toute aussi profonde que celle dite avec notre tête !

"Priez pour moi à Compostelle !"

Belle mission qui nous est confiée très souvent...

Bon ben... il n'y a plus qu'à y aller alors...

Michel

lundi 16 juin 2014

Depuis St Aubin de Blaye

Depuis Aulnay-de-Saintonge

Algunos cuentos de Isabel Allende antes de dormir para leer en espanol y prepararme a hablar durante El Camino Frances en Espana...

Orage, averses, cloche égrenant les heures et les demi-heures, tiraillements dans les jambes, lassitude dans les épaules ...
"Lève -toi, prends ton sac et marche"...Les enfants attendent le bus sur la place du Foirail, notre hôtesse Françoise passe nous saluer en coup de vent: ses élèves de 10-11ans l'attendent avec des yeux qui pétillent de curiosité, elle est aussi directrice et part chaque matin avec un grand bonheur...l'enseignement, le plus beau métier du monde...rendez-vous est pris pour juillet 2015. Avis à la Troupe du Blé Vert et aux amateurs de théâtre et musique: de bons moments culturels à passer dans le village de Brioux!

Tartines grillées, confiture de prunes,vaisselle ...
On ferme la porte et on dépose les clés dans la boîte aux lettres comme souvent...

Le chemin nous appelle, une sente crayeuse sous un tunnel vert d'aubépines, d'érables champêtres,de frênes...de temps à autre, par une trouée, nous apercevons de beaux champs d'escourgeons jaunissants, de blés verts, de petits pois en fleurs...Dans un enclos, des tombes pyramidales protestantes exclues des cimetières catholiques suite à la révocation de l'édit de Nantes par Louis XIV. À Melle, un mur séparait dans le cimetière, catholiques et protestants finalement admis au 19è sur le même terrain...Y aurait-il deux paradis là-haut ???
Chemin des pèlerins, route de Compostelle, rue de Galice ou d'Espagne...des bornes jacquaires à partir de La Villedieu...On ne peut plus se tromper cette-fois!
Nous y  saluons Ste Madeleine en sa petite église et adossons nos sacs contre son portique ombragé pour croquer la baguette. Depuis Poitiers, les églises sont ouvertes et souvent un livre d'or exprime quiétude, recueillement,foi et intentions des pèlerins de passage. Nous y lisons parfois un nom déjà connu. Il y a beaucoup de Belges...

 À Salles-les-Aulnay, la belle petite église annonce sa grande sœur située deux km plus loin par son porche d'entrée roman fleuri de marguerites et de signes du zodiaque. Nous voudrions admirer le chevet...il se cache, bien restauré , dans le jardin d'une jolie maison de pays, propriété d'un couple d'anglais ! Il n'est pas rare ici de croiser des volants à droite, des enfants roux...La Guerre de Cents ans fut finalement gagnée par le roi de France grâce à Duguesclin mais les descendants des Plantagenet  se sentent toujours dans leur fief par ici...Et cela permet la rénovation de très jolies demeures cherchant acquéreurs...

Une petite camionnette Renault blanche s'arrête et une dame me raconte qu'elle est partie l'an dernier à Compostelle avec son mari depuis Melle: 57 jours de bonheur...Elle vient d'ouvrir un gîte. L'hospitalité est contagieuse chez les pèlerins!

Nous débouchons bien échauffés  sur la place Aristide Briand d'Aulnay et j'entends une petite voix chevrotante appeler "les pèlerins ". Sur son seuil, une dame voûtée nous a repérés et agite déjà la clé du gîte. Nous entrons dans la cuisine où son mari est prêt à tamponner les credenciales tandis que la préposée remplit consciencieusement pour la municipalité le reçu de notre paiement. Ah, l'administration française dans toute son humble efficacité!...
L'aimable dame nous entraîne ensuite vers la petite maison aménagée pour recevoir 6 pèlerins; tout est propre, lessiveuse et séchoir, douche et frigo.
Nous sommes heureux de revoir la belle église romane St Pierre de la Tour entourée de son vieux cimetière et de sa croix"hosannière "du XVè couverte de buis lors du dimanche des Rameaux. Un cimetière mérovingien fouillé récemment a été magnifiquement réaménagé avec des phrases de Mère Teresa et de beaux carrés de plantes médicinales regroupées selon les maladies traitées. Une promenade de planches raconte l'histoire gallo-romaine d'Aulnay et la présence d'un temple hexagonal en ce carrefour de voies, Bordeaux-Autun-Lyon...
Donjon, pigeonnier avec 2000 boulins,courses au Coop ...Au gîte,un pèlerin sort de la douche: Gérard vient d'Angers et...il est éleveur de pigeonneaux...comme Jean-Yves rencontré au gîte de Melle deux jours avant...ah, mais ils se connaissent bien. Sa femme qui fait des tronçons de St Jacques avec une amie lui a donné envie de partir et comme il est jeune retraité, il vient de se mettre en route avec une tente. Il a 4enfants et 6petits-enfants...on discute de la vie, du Chemin tout en soupant et puis dodo dans le petit dortoir à l'étage.

Très longues sentes blanches encore mais sans haies à travers des champs immenses de blés, de tournesols et de ...pavots rose pâle. Dans les petits villages de pierre, on nous propose de l'eau, une dame nous parle de coréens, de danois qui sont passés l'an dernier devant sa porte...À côté de l'église St Vivien de Église d'Argenteuil, la municipalité a installé un toit,une table et deux bancs pour les pèlerins et même un préposé à l'ouverture de l'église qui raconte des blagues sur les Belges. "Heureusement qu'y a les pèlerins qui écrivent des messages car on n'a plus guère de messes ici", nous dit-il. L'an dernier, une famille de neuf enfants dont huit filles est passée...alors il a appelé le maire et ils ont fait une photo pour le journal. Cette fois, c'est lui qui nous prendra en photo devant le beau porche démangé par les siècles.
Petits et moyens châteaux blancs, maisons de maître charentaises, rivières,lavoirs rue des Lavandières, villages fleuris de roses trémières,  moulins sur la Boutonne, minoterie, silos,mairies-écoles, vastes potagers bien garnis, éoliennes et petites stations d'épuration par lagunage remplie de roseaux...Nous posons le sac devant la petite église romane  de Poursay-Garnaud: les portes sont grandes ouvertes et le Seigneur y est présent.

Les derniers km sous la chaleur sont monotones et enlaidis par une triste zone commerciale à l'entrée de ST Jean d'Angély. L'accueil au Centre Culturel Européen de l'abbaye royale de St Jean d'Angély nous récompense des dernières heures : une cellule avec douche( ce que n'avaient sans doute pas les prisonniers installés ici après la Révolution ). On pourrait écrire un thriller sur ce lieu fondé en 817 par le petit-fils de Charlemagne, Pépin d'Aquitaine. La relique de la tête de St Jean-Baptiste fut confiée aux moines clunisiens, puis elle disparut lors du pillage des Vikings et réapparut en 1010, elle fut alors enchâssée dans un reliquaire d'argent inséré dans la nouvelle construction gothique. En 1562, elle brûla avec tout le monastère détruit par les Protestants. En 1741, un nouveau chantier assez chaotique se termina avec la construction d'une imposante façade d'église à deux tours surmontées d'un dôme . Grandeur et décadence des abbayes mais aussi des reliques, objets de foi, de mysticisme, de commerce et ...de haine.

Bienvenue dans ce beau cadre aux enseignants qui souhaitent organiser et participer à des rencontres européennes sur des thèmes fort intéressants! Cela me tenterait bien encore mais l'heure de la retraite a sonné...Le thème des Chemins de St Jacques comme facteur d'unification européenne retiendra cependant mon attention pour le mois qui vient...

Nous sommes au cœur d'une bien jolie petite ville piétonne avec des petites places ombragées et un bâti ancien du XVè  en colombages ou XVIIè de pierres très blanches taillées avec jolies ferronneries...hélas, quelques vitrines vides et des commerces à remettre comme dans beaucoup de centres historiques. Il est bien difficile de revivifier ces coeurs anciens quand on a développé de longues zones commerciales à l'extérieur des villes.
Une assiette charentaise et son vin de Pays nous ravigotent sur la place de la Halle.

La vie quotidienne du couple pèlerin

Le soir, Michel ronfle alors que j'écris ou lis encore pour décompresser mais le matin, dès que sonne le réveil, l'heureux pèlerin saute du lit et tout fringant part acheter sa baguette Tradition dans la boulangerie repérée la veille. Il met chauffer l'eau sur son petit camping-gaz de luxe et sert deux tasses de Nescafé. La confiture a été étudiée avec soin sur son étagère du Coop :poids, prix, qualité, conditionnement...pourrons-nous vider le pot en une fois? Emporterons-nous le reste ? L'abandonnerons-nous dans le frigo, sur la table, la poubelle?...Le miel n'est-il pas plus léger ?...quel dilemme! Il y a aussi la bouteille de jus...un litre à engloutir le matin!...
Le ventre "bien calé"...le jacquet peut prendre sac et bourdon le cœur serein et joyeux même par 25 degrés à 8h du matin...la "jacquette" sort plus difficilement de sa torpeur et déplie avec lenteur les jambes qui devront affronter l'étape du jour. La trottinette se remet ensuite en route...

Le rituel de la pause-dîner est plus complexe encore ...Entre 11h et 12h, apparaît le petit creux, le manque de carburant. Souvent, un petit endroit charmant se présente  comme un banc ombragé, un tronc d'arbre au soleil, un joli lavoir...Mais, il est trop tôt pour dîner...un fruit fait notre affaire pour parcourir encore au moins 5 km. Et c'est là que ça se corse. Lorsque les jambes se dégonflent totalement et que l'estomac se loge dans les talons, plus de banc, plus de soleil ou d'ombre, la terre bien dure, le talus d' orties, les ronces épaisses ...ici?plus loin? On avance encore...et puis finalement on s'écroule contre le plus beau tronc avec tiques ou le sac à dos posé sur l'herbe...dans un bois...rempli de moustiques...Pas terrible la baguette au répulsif ! La loi de la vexation universelle veut qu'on trouve une aire de pique-nique 200 mètres plus loin...Le confort est parfois au rendez-vous quand une table s'ajoute au banc, on peut parler de luxe s'il y a poubelle et robinet d'eau potable et c'est Byzance lorsqu'un wc public homme/femme/enfant/handicapé avec lavabo et papier se présente au chevet d'une jolie église romane...Bravo la France pour ces beaux équipements!
Il faut signaler que le fauteuil, le divan, le sofa, la chaise-longue...n'existent plus pour le pèlerin, mobiliers introuvables dans  les gîtes et chambres du Chemin...



Belle étape de sentes très blanches entre champs mais aussi dans les bois bienvenus avec la température croissante. La pêche est dégustée devant le porche admirable de l'église romane de Fernioux après avoir grimpé dans la lanterne des morts du XIIè, allumée à chaque décès dans la paroisse. Le site est merveilleux: un vallon verdoyant, une petite mairie pimpante, quelques maisons de pierre, un vieux cimetière, des parterres de fleurs esthétiques, un escalier blanc somptueux, des panneaux informatifs...135 habitants. Nous apprendrons que cette petite commune s'est enrichie grâce à une double aire de pique-nique sur l'autoroute...Du coup développement des infrastructures culturelles et l'impôt symbolique de 1euro pour les villageois...Inutile de chercher à vous y installer...
Un tracteur, la fourgonnette jaune de la facteur...
Nous admirons encore la petite église éclatante de blancheur dans son cimetière au milieu des champs à La Frédiére, puis Juic et enfin St Hilaire de Villefranche. La CH l'Antan qui accueille les pèlerins se trouve heureusement en retrait de 20 m par rapport à la départementale...Nous frappons à la grande porte sous le vieux porche de pierre et entrons dans un jardin rempli de fleurs, de jardinières, de tables ombragées...Mr François Vinet nous propose une bière et nous parle avec deux amis de chasse aux chevreuils et aux bécasses (ah, les bécasses cuites à la ficelle!), de ramassages d'escargots bordés (ah, les escargots marinés!), de cueillettes de bolets et de morilles (ah, les cachettes secrètes qu'on tient pour soi...même qu'Untel, il est mort sans les révéler à ses quatre fils...).
Cette ancienne ferme appartient à sa famille depuis 1640 et les dépendances ont été aménagées en CH, gîtes et accueillent aussi des ouvriers qui travaillent sur divers chantiers à La Rochelle ou Royan...Ses frères et cousins fabriquent encore du Cognac et du Pineau grâce aux vignobles familiaux..son épouse, Marie-Hélène, un peu plus jeune, travaille comme assistante sociale dans une Institution pour enfants du juge : ils ont entre 5 jours et 7 ans. Elle est présidente de l'association départementale de St Jacques. Elle aime la déco et accumule une brocante impressionnante. Elle revient rapidement souper avec nous avant de travailler de nuit à Saintes. Cocktail à base de cognac et de jus d'orange épicé, melon charentais, cassolettes de veau, fraise et vin du chais familial...
Bon café et cake maison au déjeuner ...Donativo...


La Saintonge est bien aujourd'hui dorée comme la présente les dépliants touristiques. Épis mûrissants, chemins et pierres blanches, tuiles cuivrées, mirabelles, prunelles et cerises juteuses,graminées blondes....Notre peau dore aussi dans le grand four traditionnel solaire ou plus agréablement avec chaleur tournante...Les villages de Douhè et Foncouverte nichés entre de belles forêts un peu boueuses  méritent une petite halte pour leurs petites églises romanes, un château XVIII è et un aqueduc romain reliant Angoulême et Saintes, un golfe, un haras et déjà ... Saintes alanguie de part et d'autre de la Charente. Arc romain et rives aérées, banc avec vue panoramique sur la blanche cité ...c'est aujourd'hui le summum du luxe pour casser la croûte!!!
Un aller-retour en bus permet de retrouver rapidement chez décathlon la bonne veste imperméable perdue ( il en reste une  semblable à ma taille au rayon des soldes, me dit la gérante ...) et une nouvelle paire de bottines pour remplacer les précédentes dont la doublure est trouée à hauteur du talon.

Saintes porte bien son nom et l'après-midi nous fera circuler de St Palais à l'abbaye royale des Dames sur la rive gauche à la cathédrale St Pierre (exposition magnifique sur le pèlerinage à Compostelle) sur la rive droite et à  l'église St Eutrope avec crypte romane sombre et profonde abritant le sarcophage de ce 1er évêque de la ville venu de Grèce à la demande du 3ème pape de Rome pour évangéliser cette contrée ou même peut-être d'origine perse et contemporain du Christ, décapité ici pour avoir converti Eustelle, la fille du prince païen locale. Le reliquaire du chef de St Eutrope se trouve sous l'autel dans l'abside supérieure entourée de chapiteaux romans étonnants dont de belles sirènes et des animaux africains...L'ensemble est classé depuis 1998 par l'UNESCO au patrimoine mondial comme le Chemin de St Jacques. C'est  d'ailleurs dans une petite annexe de ce lieu sacré aménagé en Halte Jacquaire que nous logerons avec trois pèlerines et un pèlerin. Deux arrivent du Mont St  Michel et les deux autres arrivent de Chôlet en Vendée et s'arrêtent ici pour cette année. Nous sommes accueillis par la présidente d'honneur de l'Association locale,initiatrice du gîte en 2002 après s'être rendue 7 fois à Santiago ...Échange sympathique d'expériences en partageant riz et pâte ...
Ronflements, soupirs, craquements,polochon, moustiques...

Après avoir longé les berges verdoyantes de la Charente durant 1500m, nous obliquons vers le Sud et parcourons durant plus de 20km un chemin crayeux parfois herbeux à flanc de coteaux couverts de blés ondoyants et de vignes. À la différence d'hier, le paysage est largement ouvert et les arbres sont rares. Pour la pause...ce sera la terre à l'ombre d'un noyer avec vue sur les champs et la Nationale Saintes/Bordeaux en contrebas de la colline.

Pons, c'est avant tout un énorme donjon de 30m datant du XIIès,bien utile à l'époque de la guerre de Cents ans aux portes de l'Aquitaine. Bien avenant aujourd'hui, il accueille les touristes,même anglais, et les pèlerins qui y reçoivent tampon et code d'entrée à la Halte Jacquaire. La cité assise sur son éperon dominant la Seugne renferme bien des ruelles, portes, remparts, moulins,distillerie pittoresques...mais surtout à un km du rocher, à la sortie du bourg, un hôpital des Pèlerins du XII è et son Jardin médicinal entièrement rénové, exceptionnel sur le Chemin et donc classé en 1998 au Patrimoine mondial. Nous les visitons avant de nous installer dans le beau rez-de-chaussée d'une maison voisine et nous pensons,émus, à tous nos prédécesseurs accueillis et soignés avec des indigents grâce à la générosité du Seigneur de Pons et des différents ordres religieux qui se dévoueront en ces lieux avant qu'ils ne deviennent grange, école pour jeunes filles, prison...en piteux  état. Le passage des pèlerins depuis les années 80 a suscité bien des restaurations de lieux oubliés par les municipalités et bien des élans de générosité. Il est étonnant pour nous d'être à la fois spectateur et partie vivante de ces expositions où l'on nous regarde, nous interroge ("la Belgique, ah oui quand même...") ou nous encourage d'un "Buen Camino"...

De borne en borne saintongeaise, nous partons en direction de Mirambeau par des chemins champêtres et boisés. À hauteur de l'abbaye de la Tenaille bien cadenassée nous quittons le chemin pour rejoindre à 3 km le gîte qui nous accueille pour la nuit. Un couple nous laisse les clés de cette maison bien équipée et récemment rafraîchie située à l'arrière d'un hangar de brocante. Nous sommes heureux d'y déposer les sacs remplis des victuailles achetées la veille à Pons...le couple nous raconte avant de nous quitter que la belle abbaye aperçue a été acquise avec mille hectares de parc et de vignes autrefois puis morcelées par les fils du propriétaire à court d'argent puis vendue à un américain qui néglige l'ensemble; l'église est classée mais nous avons vu d'énormes trous dans le mur d'enceinte effondré sous le poids d'arbres déracinés ...quel désastre !
France/Honduras-3/0

Le temps s'est rafraîchi et le vent océanique souffle sur les coteaux ourlés de vignobles. Pique-nique tout confort sur une petite aire à côté de la mairie-école de Pleine-Selve. Sur la départementale que nous longeons durant 300m, nous affrontons un flot continu de Camping-car grand confort conduit par des couples de notre âge...Nous pensons à notre petit sac à dos...Comme le coucou, nous irons dormir dans le nid d'un autre ce soir...Tiens, on ne l'entend plus ce compagnon...est-il reparti dans un pays lointain après avoir pondu?...
Le temps se réchauffe rapidement et les vignerons-vigneronnes s'activent à fixer les sarments feuillus et brillants sur les tendeurs.Pins maritimes, châtaigniers, chênes-lièges, genêts ,petites exploitations viticoles...Nous quittons la Charente et entrons en Gironde, dans les côtés de Blaye comme la demi bouteille de vin que nous a aimablement laissée un pèlerin belge de 75 ans hier chez Mme Lucas à St Aubin-de-Blaye. André revenait de Santiago à pied par les départementales et nous ne l'avons donc pas croisé. Merci à toi et santé!

Depuis St Aubin de Blaye, Gironde

"Attention au chien"... "Attention chien méchant"... "Attention au chien, il mord"... "Je monte la garde pour mon maître" ... "Doberman on board"... et puis les plus comiques... "Chien lunatique"... "Un chien peut en cacher un autre"... "Chien en psychanalyse"... "Mon chien court le 100 m en 8 secondes : et vous ?"...

Je les photographie, ces avertissements. Et puis, il y en a d'autres... Au-delà de "Propriété privée", le pire qu'on ait vu, c'est "Pièges à fauves" !

Tout ceci pourrait laisser croire que les gens sont agressifs ! Non, ils sont surtout craintifs...
Mais surtout, ils sont gentils et accueillants ! Ils nous sourient, nous souhaitent "Bon chemin !", "Buon Camino !" ... Ils nous demandent si nous ne manquons de rien, nous offrent des bouteilles d'eau, même de la tarte... Ils s'arrêtent pour nous dire qu'eux aussi ont marché vers Compostelle, ou bien qu'ils rêvent d'y aller... Nous dire aussi que nous avons de la chance !

Et c'est bien vrai que nous avons bien de la chance de vivre cette aventure, de rencontrer toutes ces personnes, de pouvoir contempler toute cette belle nature au rythme de la marche à pied, de découvrir l'art roman dans toute sa splendeur...

Je vous souhaite à tous d'un jour pouvoir arpenter le Camino !

Michel

lundi 9 juin 2014

Depuis Brioux-sur-Boutonne



Erreur,c'est en 2005 qu'on s'est rencontrés,je crois...à vérifier avec Guy qui raconta si bien ses Mémoires et continue à noter longuement dans son calepin,chaque soir ,les faits du jour.

Nous décidons de rester une journée à Poitiers pour souffler après 14 jours de marche intensive et pour visiter cette ville que nous n'avions fait que traverser autrefois.
La Maison diocésaine accepte de nous héberger deux nuits...Nous pourrons donc éviter le remballage des sacs...
Passé,présent,futur...De la Voie romaine herbeuse, nous avions aperçu hier les dômes et les installations biscornues du Futuroscope objet d'une prochaine découverte avec la jeunesse...Contrastes étonnants ...Nous nous sentions un peu comme les Visiteurs projetés dans une autre époque et à la vue d'une Mercedes débouchant soudainement de derrière un buisson, Michel s'écria : " Attention, Messire, les Sarrasins!"...
Une avant-midi passée à répondre aux mails, écrire pour le blog, lessiver et puis à 12 h, dans la petite chapelle moderne de la Trinité, nous assistons avec quelques personnes à la messe célébrée par un prêtre âgé servi par le jeune archevêque de Poitiers,....
L'après-midi est consacrée à la découverte de cette ville magnifique quasi totalement rendue aux déplacements pédestres ou cyclables grâce à des petits bus urbains,des rues et des places piétonnes, des vélos ...Air pur et calme, dallage blanc lisse, maisons médiévales à colombages et briques,Renaissance avec escaliers à vis et cour, demeures classiques de belles pierres blanches sobres dont les balustrades en ferronnerie constituent les seuls éléments décoratifs, jolies vitrines en bois dont celles de fabriques de cierges et de parapluies...Quartier de l'évêché avec son baptistère St Jean paléochrétien, la cathédrale gothique de style Plantagenêt St Pierre et Paul et son vitrail émouvant de réalisme de la crucifixion du XIIè, église et reliquaire de Ste Radegonde,ex-épouse féministe et rebelle de Clotaire, fondatrice de l'abbaye Ste Croix;quartier médiéval pittoresque de Montierneuf avec l'église romane St Germain, aujourd'hui auditorium du Conservatoire (ce 5 juin de jeunes musiciens circulent dans toute la ville avec leur instrument pour passer leurs examens dans divers lieux sacrés...),église abbatiale  romano-gothique St Jean; quartier des Cordeliers avec son centre commercial contemporain,si discret au cœur de la vieille cité et le château gothique des comtes de Poitiers puis d'Aquitaine...
Souper en compagnie de 80 confirmands en retraite et de leurs catéchistes bien sympathiques...

Dans les rues qui nous conduisent à l'église de ST Hilaire, le lendemain,un cycliste nous conseille de traverser le superbe parc classique construit par l'intendant de Louis XIV, Blossac. Des jardiniers y élaguent les charmes à la main avec une faucille fixée sur une perche...Le Clain s'aperçoit en contrebas d'un jardin romantique à l'Anglaise et les tilleuls embaument les allées. C'est le parfum de la fin de l'année scolaire, la fin des "piles, des tonnes, des montagnes" d'examens à corriger, les Délibé, les réunions de parents, la procession de la St Jean, la kermesse, le début des grandes vacances ...
Après nous être recueillis devant le reliquaire du 1er évêque de Poitiers dans son église romane grandiose, nous gagnons la sortie de la ville ..."Vous serez rendus ce soir ?"nous demande un balayeur souriant....Les quartiers résidentiels s'étirent de part et d'autre d'une piste ombragée qui nous mène à l'abbaye de Fontaine-le-Comte à la belle église romane et de là  en traversant les travaux du LGV, par une déviation chaotique, nous arrivons à Coulommiers pour y faire quelques petits achats de survie. Un beau chemin buissonnier jalonné de vieux chênes, de châtaigniers et de charmes nous conduit devant la CH de la Verrerie de Mme Provost où nous sommes accueillis par son aidante Valérie ...tisane et gourmandises,plat de pâtes à réchauffer pour les pèlerins. Nous y ajouterons des saucisses et des tomates en regardant le JT et les commémorations du D day bien installés dans une jolie suite familiale...

La fraîcheur apportée par la pluie nocturne est vite dissipée par une chaleur caniculaire sur des chemins d'herbes,de cailloux ou de terre rouge. De jolis panneaux du Pays Mélusin nous renseignent sur la légende de Mélusine, l'habitat local, les mares, faune et flore...
Nous grimpons jusqu'au cœur du bourg de Lusignan où la jolie place qui borde le château du neveu du comte de Poitiers,Raimondi et son épouse, la fée Mélusine au terrible secret, accueille les tentes blanches du festival Mélusik...l'église nous offre un porche étrange cerné d'animaux fantastiques.
Pique-nique à côté de l'église de Saint-Sauvant assoupi. Une aimable dame nous apporte deux morceaux de gâteau pour nous encourager...un petit épicier nous vend un saucisson: il detient le dernier commerce de ce bourg si vivant autrefois avec ses foires et particulièrement celles des mulets du Poitou. C'est Colruyt qui vient le livrer...Ouf, pas encore les Chinois...
Nous ferons les derniers 10km sur des petites routes goudronnées qui sillonnent à travers de jolis petits hameaux de maisons de pierre entourées de jardins et de potagers clos avec jolis puits chapeautés .Depuis Poitiers, l'habitation se fait méridionale avec ses petites pierres ocres et ses tuiles romaines rosées. Même les nouveaux quartiers résidentiels ont opté pour le crépis saumon et les toitures du Sud. Il est amusant d'observer l'évolution des noms de rues qui,au centre des cités, évoquent les saints et les personnages illustres de la Nation et puis plus on aborde l'agglomération renvoient aux Aulnes, Joncs, Cigales...Les lieux-dits sont liés aux Fontaine, Petite-Forêt,l'Ane-Boire, la Martniere, le Grand-Champ...

Une dernière longue piste blanche ensoleillée débouche enfin sur Chenay où nous reçoit avec une bonne bière fraîche Mme Nau. Il fait 30 degrés et nous savourons la douche et un repas fait-maison avec les produits du terroir partagé avec de sympathiques et motivés amateurs de fossiles. Nous n'oublierons pas de sitôt le rôti fondant de parthenaise...et la prune de Mr Nau (pour Michel).
Une vingtaine de km de chemins souvent agréablement ombragés par de beaux chênes nous conduisent à Melle et son trio roman: St Savinien au centre, St Pierre et St Hilaire hors les murs...Un pur régal pour les amoureux de l'art roman dont nous sommes.
Nous logeons dans le gîte municipal en compagnie d'un couple angevin de passage dans la région mais qui nous conte avec enthousiasme son pèlerinage à Santiago effectué deux ans auparavant.
La nuit est agitée par un orage violent, particulièrement éclairé et bruyant.
Arbres et fleurs sont hachés menus par les grêlons...Mais, au matin,le coucou rythme la marche fidèle au rendez-vous depuis 6 semaines...

Superbe accueil à la Maison des Artistes de Brioux-sur-Bretonne, une association de bénévoles qui accueillent ,dans leur jolie maison sur la grande place, des artistes (et des pèlerins ) et promeut toute une série de spectacles culturels pour tous les âges tout au long de l'année et surtout un Festival au Village du 4au12 juillet depuis 26ans...Nous nous y sentons comme à la maison et disposons d'une lessiveuse,d'Internet,d'une belle cuisine et salle de bain...
Comme tous les commerces sont fermés ce lundi de Pentecôte, nous mangerons les pâtes et le poulet gentiment offerts par Françoise...
Il me semble que je parle beaucoup de nourriture. ..On marche avec le ventre bien rempli,on marche en espérant la pause boustifaille, on marche dans un pays gastronomique, on marche en attendant les rencontres autour d'une table conviviale, on est gourmets...On a grand faim...et Michel a déjà perdu 10 kg...À table (sans mayonnaise Devos  Lemmens)!

jeudi 5 juin 2014

Depuis Poitiers

Nous traversons ensuite les belles ogives du Pont Gabriel qui nous conduit chez Mr et Mme Morin,amis des Parou, qui nous attendent en toute simplicité dans leur maison pour une belle soirée d'échanges sur ce qui nous fait vivre...autour d'une table conviviale.
Tout est offert. Comme il est étrange et même gênant de recevoir gîte et couvert chez des inconnus...Comme la vie serait belle si chacun pratiquait l'hospitalité d'Abraham au chêne de Mambré...

Nous espérons les recevoir un jour chez nous comme tant d'autres.

Après le déjeuner, nous emportons un sac de cerises juteuses et pulpeuses et accompagnons Mme Morin( secrétaire paroissiale mais aussi brancardière à Lourdes) jusqu' à la cure de l'église de St Saturnin, rive gauche de la Loire, pour faire tamponner les credenciales, elle nous dépose ensuite sur la piste cyclable que nous emprunterons partiellement en direction de Chaumont.
Michel décide de marcher à mon rythme pour soulager la cheville.
Une incursion vaine pour trouver du pain à Chaille nous obligera à parcourir rapidement les 12 km qui nous permettront d'acheter à Candé la baguette du pique-nique. Un brave homme nous suggère de rejoindre en bas du joli village les rives du Beuvron, où, passé le pont de pierre, nous trouverons des tables aménagées pour les promeneurs. Il est 13h et nous dévorons nos victuailles en regardant passer les cyclistes.
Nous suivrons ensuite la rivière champêtre jusqu'à la Loire sous les frondaisons.

Au Patio, nous sommes gentillement accueillis par un Équatorien, installé en France depuis longtemps. Une douche rapide et une lessive en machine offerte nous permettent de visiter le château que nous ne connaissons pas et dont l'entrée se trouve en face.Une longue rampe nous conduit sur un promontoire qui permet de contempler la Loire sauvage avec ses îlots fourmillant de hérons , de canards,de mouettes  rieuses et ses grèves sableuses où sont arrimés les gabares et les toues, bateaux de pêches ou de transport à fond plat et voile rectangulaire.
Des cèdres grandioses encadrent le château d'allure médiévale, remanié à la mode italianisante à la Renaissance par la famille d'Amboise. Quelques femmes y ont laissé leur empreinte. Catherine de Médicis l'achète,y installe ses astrologues et puis l'échange contre Chenonceaux offert à Diane de Poitiers favorite de son mari Henri II. Germaine de Staël y séjourne avec des amis lettrés et savants tout en surveillant à Tours l'impression de son manifeste romantique "De l'Allemagne".
La princesse de Broglie,riche héritière de la sucrerie Say,l'achète en 1875, et l'aménage pour y donner des réceptions fastueuses. À la mort de son époux, des revers de fortunes,liés en partie au crack de 1929, vont entraîner la vente des biens et l'expropriation par l'Etat. Aujourd'hui remeublés et décorés, les appartements historiques et privés recréent l'ambiance des heures de gloire du château jusqu'en 1930 ...
Les plus belles écuries de France avec petit manège et une ferme modèle laissent pantois.
Château, parc paysager romantique et dépendances contiennent aussi des expositions d'artistes contemporains, plasticiens et photographes...

Le festival des jardins sue le thème des 7  péchés capitaux nous a particulièrement séduits par la créativité déployée dans chaque enclos végétal. Table gourmande encerclant des fleurs carmin, Harpagon et Midas cachant ou fabriquant l'or qui les isole de la vie dans un foisonnement doré cerclé de cactus, miroir de Narcisse empêtré dans son orgueil, tétons de Venus pendus aux pêchers de la luxure, plantes narcotiques épineuses et coléreuses, boîtes débordantes de  surconsommation ... Descente aux Enfers flamboyants avec Ovide comme Orphé et Eurydice (ou le Christ, lui aussi, descendu dans ces abîmes ), vallée des brumes, volcan en ébullition, ...doux purgatoire bleu...parfums capiteux,explosions et camaïeux de couleurs, croassements inquiétants, miroirs inattendus nous renvoyant soudain à nous-mêmes dans une réflexion sur les débordements qui tourmentent les hommes de toutes les époques. Point de Paradis...sans doute est-il en construction puisque c'est sous forme d' un Jardin des Délices que les grandes religions le représentent.
Une découverte magique sous le soleil ...trop courte car l'épicier et le boucher locaux ferment à 7 heures et les gourmands réclament leur pitance après cette mise en bouche visuelle...
Cheverny frais et gouleyant avec feuilleté de civet en entrée,chair à saucisses, échalotes, courgettes, tomates et spaghetti et vin de Touraine, chèvre cendré et côtes du Layon (offert par l'hôte ) seront bien appréciés par une tablée qui rassemble la France avec Guy, la Belgique et un pèlerin allemand de Cologne,Ignace,que nous invitons. Nous baragouinons en anglais et tentons de construire l'Europe bien mise à mal par les dernières élections...
Nous sommes heureux de recevoir des bonnes nouvelles de Lucie gravement malade après une piqûre du moustique Chicunguya.

Croissants croustillants et brioches au chocolat nous propulsent sur le Chemin. Toujours difficile de s'extraire du lit et de rassembler ses sacs en plastique...La mécanique commence à être bien huilée mais après 4h de marche continue sans le moindre banc sur les vignobles des coteaux, les épaules se rebiffent et les reins crient "pitié"...Enfin, un vieux banc est découvert dans un petit parc surplombant l'église de Chargé.Nous déballons rapidement les victuailles car le ciel s'obscurcit soudain. Trop tard, voilà les grandes eaux et le sauve-qui-peut sous une tôle ondulée. Nous reprenons la route humide qui longe quelques caves troglodytes et débarquons au pied du château d' Amboise animé en ce jeudi de l'Ascension...Grimbergen pour les hommes et thé gourmand pour moi au Café des Arts sous la chapelle St Hubert où repose pour l'éternité le génie Léonard de Vinci.

Lever matinal et déjeuner improvisé dans la chambre avant la longue étape vers Tours.

Notre nomadisme s'associe parfois agréablement à la cueillette des fruits de saison:cerises,griottes,framboises et fraises des bois...

La France potagère ...la marche permet une étude détaillée et évolutive du potager...Il y a le discret caché à l'arrière de la maison qui n'est visible que par le randonneur,  le vantard exposé à l'avant à hauteur du regard, le peureux entouré de grillages,cadenassé et protégé par "un chien lunatique" ou "un chat en cure psychanalytique", l'assoiffé s'abreuvant au ruisseau, le sophistiqué avec serres,cloches en verre et arrosage automatique, l'artistique ou celui de curé mêlant légumes,fleurs, arrosoirs en zinc et multiples fontaines décoratives,le rigolo avec son épouvantail joliment costumé, le minuscule disposé à proximité de la cuisine, le gigantesque labouré au motoculteur, le sérieux respectant les recommandations de Rustica, le prévoyant avec tunnels protecteurs,  arceaux et filets..., le potager-pèlerin avec ses coquilles et ses écriteaux d'ardoise " Si tu n'arrives pas à penser,marche;si tu penses trop,marche;si tu penses mal, marche encore" (Giono)... Nous voilà rassurés, les pieds sont vecteurs de justes pensées ...Les plus étonnants potagers sont,pour moi, les potagers partagés en périphérie urbaine. On s'y rend à vélo et on en revient chargé de provisions...Ils alignent les cabanons et les tonneaux bleus, rivalisent de productivité et de diversité. Aujourd'hui, les poireaux montent la garde, les pois assaillent les treillis, les pdt surmontent leur butte, les plants de tomates fleurissent, les salades s'épanouissent et les haricots déploient leur feuillage...les asperges pointent le nez et les artichauts tendent leurs cônes...
Alignements, symétrie, géométrie,carrés Renaissance comme à Villandry...Soumission au cycle lunaire et à la météo mais aussi maîtrise des techniques d'irrigation et d'acclimatation...Tout un microcosme à l'image de celui qui y libère son énergie, son stress dans une structure rassurante et  y trouve l'émerveillement devant la germination mystérieuse du grain tombé en terre...

Un fumet de soupe jardinière nous titille les narines...l'estomac crie famine...

Des passants nous interpellent pour raconter leur expérience jacquaire,nous encourager et nous crier en souriant:"Buen Camino". Comment s'arrêter si toute cette foule lointaine et proche nous accompagne en pensées et en paroles?

Pique-nique et massage de pieds sous l'abri désert de la gare de Montlouis au son du jingle de la SNCF et d'une  voix digitale annonçant les prochains trains Ter...Surréaliste..

Longue piste ensoleillée et puis ondée pour atteindre la cathédrale St Gatien et la basilique St Martin de Tours. À la petite boutique d'objets pieux, une bénédictine du Sacré-Cœur de Montmartre nous accueille en souriant. Nous nous rendons dans la crypte sur la tombe du 2ème évêque de Tours fondateur de la première abbaye à Ligugé et de tant de paroisses qui comme la nôtre portent son nom ainsi que tant d'enfants comme le nôtre (c'est aussi le nom de famille le plus répandu en France). Nous retiendrons surtout son beau geste de solidarité ...Nous logerons à ses côtés dans le couvent des jeunes religieuses avec qui nous chanterons les Vêpres avant de souper en compagnie d'autres pèlerins.
Un petit verre sur la belle place Plumereau magnifiquement rénovée comme toute la ville et particulièrement bondée ce vendredi soir clôt une belle journée qui nous a conduit au point de départ de la Via Turoniensis qu'il reste à poursuivre sur 1500 km...

La Rue Nationale qui traverse Tours nous éloigne de la Loire pour trouver les berges du Cher. Un dernier regard aux belles boutiques...le shopping n'est pas à l'ordre du jour! Le Chemin nous appelle...Nous prierons avec confiance St Martin pour toutes les brûlantes intentions du jour...

Les guinguettes du vieux Cher jadis "honorées "par Balzac, Jules Romain et la société huppée des environs sont aujourd'hui disparues à St Avertin. Quelques longues routes résidentielles, ponts d'autoroutes et de chemin de fer nous font gagner Veigné et Montbazon. Nous y pique-niquons sur l'îlette entre deux bras de l'Indre semée de petites renoncules blanches aquatiques et bruyante de coassements.
Quelques longues lignes droites asphaltées sous le soleil nous amènent à Soirigny où Mme Audeney nous accueille avec une bonne bière fraîche. Petite lessive, découverte du grand jardin, écriture et repas gastronomique au petit restaurant du coin. Demain, nos chers amis Lenoir, en vacances à Chinon nous écrivent qu'ils viendront  nous rejoindre...Quelle joie pour un dimanche ensoleillé où nous ne ferons que...22 km !

Temps plutôt couvert et chemins herbeux entre bois et champs de blé, d'avoine et de premiers tournesols. Nous rattrapons un jeune pèlerin parti de Tours, content d'avoir un peu de compagnie. Pause dîner à Ste Catherine -de-Fierbois, célèbre pour sa contribution à la victoire à Poitiers en 732 contre les Sarrasins  de Charles Martel qui y déposa son épée et le passage de Jeanne d'Arc en 1429 en route vers Chinon...Elle y enverra ensuite un écuyer y quérir l'épée de la victoire et du sacre de Charlles VII à Reims.
Les Mauresques restés dans cette contrée avec leurs chèvres sont, peut-être, à l'origine du fromage Sainte-Maure -de -Touraine certifié grâce à sa paille...
C'est dans le joli hameau de Vaux de ce bourg que nous logerons dans une petite maison partiellement troglodyte restaurée par les voisins pour en faire un accueil pour pèlerins.Douche sous la roche...
Les maisons de pierre sont par ici couvertes de toitures de tuiles plates prolongées par des ardoises et des corniches havreses (originaires du Havre):gouttière de  zinc surmontant une plaque de zinc.
Belle soirée de retrouvailles avec nos amis Martine et Yves Lenoir en séjour à Chinon. Des nouvelles de nos familles, des amis, du pays, des projets respectifs...Nos petits-enfants invités à notre table grâce à la magie de Skype ...Quel superbe moment partagé en savourant des sardines grillées! De retour au gîte,nous visiterons l'atelier et la belle salle d'exposition troglodyte d'un artisan verrier établi sur le versant en surplomb du gîte. Merci pour cette courte et dense rencontre sur le Chemin...
Après une nuit peu reposante dans nos lits superposés grinçants et brinquebalants et quelques croûtons de pain en guise de déjeuner, nous entamons une étape longue et peu exaltante avec une déviation due aux travaux du LGV . Après avoir dépassé le village de Maillé où une maison de la Mémoire rappelle le massacre de 144 villageois dont 40 enfants par les Nazis en août 1944 ( Il n' y décidément pas de limites à la barbarie), nous contournons des chantiers pharaoniques qui dressent devant nous des montagnes de terre parcourues par une armada de monstres jaunes...

Pause dîner en plein soleil sur un banc devant la mairie de La Celle St Avant. Nous passons au-dessus de la Creuse et quittons ainsi l'Indre-et-Loire pour entrer dans la Vienne à Port-de-Piles

On devrait bientôt atteindre "Les Ormes" et on se permet encore un petit arrêt détente au bord d'un étang de pêche en compagnie des reinettes.
Trois km, affiche un panneau sous le soleil...Et bien non...nous voilà distraitement embarqués sur le GR qui nous fait parcourir toutes les collines et les hameaux de la commune alors que notre chambre d'hôte se trouvait dans le lieu-dit de Colombiers à l'entrée de de la bourgade. Sur les genoux, nous appuyons sur la sonnette de Mme Epaud qui nous ouvre son portail et nous accueille avec un grand sourire,sa jeune stagiaire et un verre d'eau fraîche. Elle nous propose même une lessive en machine et un plongeon dans sa piscine chauffée...Justement,en chemin, nous nous demandions si nous utiliserions bientôt notre maillot...Au milieu des fleurs et au pied de sa cabane dans un arbre, nous avons apprécié ce bonheur inespéré de quelques brasses et une heure de lecture dans une chaise-longue.
La table d'hôte s'enorgueillit de ne présenter que des produits du terroir:rillettes-maison,gratinée de Ste Maure, hachis Parmentier de confis de faisans(chassés par Monsieur),plateau de fromages régionaux, fraises du jardin avec le broyé du Poitou...le tout arrosé de Chinon rosé et rouge...nous apprenons par un couple de bourguignons que cette CH à été plébiscitée récemment lors d'une émission TV sur les chaînes françaises. Elle mérite bien son label et pour l'hôtesse, c'est une belle reconversion. Nous parlons de la belgique et de Brel que Michel, ancien ingénieur de son à l'ORTF a bien connu:enregistrement à Damme et Rueil-Malmaison...
La soirée se termine au sous-sol par une partie de kicker et une bière-pression pour les messieurs.

Longue étape de 30km en vue pour diminuer celle du lendemain qui serait de 36 km jusque Poitiers où Guy doit reprendre son train de retour. Nous marchons vaillamment jusque Châtellerault entre averses et périodes nuageuses sur une petite route de campagne bien rectiligne pendant une vingtaine de km avant de traverser la zone industrielle. On casse rapidement la croûte,à l'abri de la pluie, sous un pont de national bruyant face à la Vienne brunâtre.Pas très folichon tout ça ...Je me prends à rêver de poursuivre en vélo puisque nous marchons essentiellement sur du bitume.
Michel tombe à court de camping gaz ( ah, le petit luxe du Nescafé avant de redémarrer!) et Guy évoque ses sandales décousues. En jetant un regard derrière l'arcade du pont,je constate que, dans cette cambrousse, nous sommes à 100m d'un...Décathlon. Sacré St Jacques, merci!

Trottoirs de banlieues, bord de Vienne...et nous voilà devant toi,beau St Jacques sympathique couvert de coquilles dans ton église de Châtellerault.
Un joli tampon à ton effigie...et nous voilà presque courant sur les rives pour tenter d'atteindre Naintré à 10km pour 17h. Comme promis à notre hôte de l'Association la Barque.Mission impossible!
Un petit coup de fil réconfortant de Barnabé :"je rêve toutes des nuits de toi et de Bon-Papa "...À 18h, Gérard vient à notre rencontre en voiture...Il pleut et la distance a été mal estimée vu la situation des bâtiments.
Nous découvrons une ancienne petite ferme restaurée et aménagée par des bénévoles dont Gérard ( électricien et animateur social en milieu populaire retraité )et sa femme,responsables depuis 10 ans. La Barque a pour objectif de faire passer d'une rive à l'autre des personnes ou des familles en difficultés professionnelle,sociale ou affective. Diverses informations,formations,aides,loisirs,rencontres y sont organisées. Un jardin,une grande véranda, une cuisine équipée permettent des réunions et des repas de famille...Et ce soir, ce sont trois pèlerins fatigués qui se feront servir le souper en compagnie de Maryvonne qui m'offrira de recoudre une agrafe défaillante dans...la salle de couture qui rassemble chaque semaine une trentaine de participantes.

Départ dans la bruine vers Beaudimont, puis Beaumont où nous traversons le Clain pour rejoindre l'Ancienne Voie Romaine Bordeaux-Paris que nous suivrons sur 22km jusqu'à Buxerolles avant Poitiers.c'est une longue piste herbeuse rectiligne sur la crête qui vit passer troupes romaines, charretiers et arabes qui affrontèrent à Moussais-la-Bataille en 732 les troupes de Charles Martel.
Nous y affronterons les éléments déchaînés n'ayant d'autre choix que de marcher encore et encore ...Après la lessive, le grand vent Sud-Ouest, de face, s'occupera de nous sécher jusqu' au Pas-de-St Jacques gravé dans une vieille pierre, lieu ancien du pèlerinage où les Jacquets se recueillaient autrefois avant de se ravitailler de Fouaces offertes par le Seigneur local.
Un bus nous évite la traversée de la zone commerciale et nous dépose à côté de la superbe façade romane de Notre-Dame-la-Drande...Quel BD sculptée, un condensé de Bonne Nouvelle en figures et scènes bibliques essentielles!
Une terrasse au soleil nous réconforte de la bourrasque du Chemin...Guy rejoint son hôtel face à la gare et nous la grande Maison diocésaine dans le quartier de l'évêché...à 19h, dernières retrouvailles pour manger une galette "irlandaise" et rappeler les bons moments partagés durant 10 jours sur ce Chemin qui nous a réunis en 2003 à Cajarc en venant de Moissac...
Nous nous souhaitons encore Buen Camino devant la gare avant de nous quitter...Bon retour à Montbéliard, Guy, et merci pour ta compagnie durant 200 km printaniers riches en partages.

lundi 2 juin 2014

Depuis St-Maure-De-Touraine

Nous voilà donc arrivés cet après-midi à Tours après une étape d'une trentaine de km démarrée ce matin à Amboise. Nous sommes accueillis à la Basilique St Martin par les Bénédictines du Sacre Cœur de Montmartre qui nous ont préparé le gîte et le repas. Merci à elles !
Tours ! Ville de Saint Martin, saint patron de notre paroisse de Cambron ( même si c'est Cambron St Vincent ). Saint Martin attirait les foules de pèlerins à Tours, bien avant le pèlerinage vers Compostelle ! St Martin est un "beau" saint ... Et son geste de partager son manteau est un beau symbole. Peut être cependant eut il mieux fait de l'offrir entièrement, comme l'avait fait notre roi Baudouin à une personne qui avait tout perdu lors d'une inondation... Mais bon, l'important c'est de partager...( un panneau dans la basilique nous apprend qu'un officier payait la moitié de son équipement et donc, Martin, ne pouvait donner que ce qu'il possédait, soit la moitié de son manteau...)

Tours ! Avec Arles, Vezelay et Le Puy, une des 4 cités qui marquent le grand départ vers Compostelle ... La seule dont nous n'étions pas encore partis... Passer la Loire, voir les premières vignes... Tout à l'heure, un panneau indiquait " Compostelle 1447 km ".... On y est presque !

Ultreïa !

Michel

Ps: pas de réseau aujourd'hui et donc je posterai cet article plus tard.... Voir ma note sur le suivi "logique" de nos écrits...