mercredi 25 octobre 2017

La Galice, cerise sur le gâteau 

En 44, les compagnons de Jacques le Majeur ont probablement aimé revenir d'Israël avec leur maître décapité en terre galicienne pour l'inhumer.Ces terres, aux confins du monde habité, où l'apôtre avait diffusé la Bonne Nouvelle, devaient déjà l'avoir séduit comme nous à nouveau en approchant de Santiago...Enfin, il me plait de le penser...

Le gâteau, cependant, est plutôt une pièce montée et le pèlerin doit gagner la cerise en franchissant bien des sommets...tous très escarpés .

Ce 20, dans l'ancienne école villageoise de Castro nous souhaitons bon anniversaire à Barnabé qui souffle ravi ses 8 bougies...
Du petit bourg, l'antique cité celte et romaine, nous gagnons de la hauteur en traversant quelques hameaux en schiste et toitures de lauzes surmontés d'éoliennes. Éole inonde le paysage de ses enfants sur toutes les crêtes lointaines et les promontoires de la large vallée . Les Asturies  ont  résolument opté pour l'énergie verte et le vent fait tourner les ailes des moulins blancs dans le ciel azur. Don Quichotte aurait eu bien des mirages sur ce chemin. 

Nous accédons enfin à l'alto del Acebo  (1111m)par des pistes herbeuses, puis rocailleuses, sous les pins . Mathias, un allemand, nous rattrape en VTT avec son casque à pointe surmonté d'une caméra . Il déplie un tabouret sorti de sa soute pour souffler un coup...tandis que nous dévalons déjà le sentier soudain barré de cailloux: une belle borne étoilée nous indique que nous passons en Galice et qu'il nous reste 166 km!!!
Que de km parcourus depuis Bilbao...

Des panneaux nous informent aux carrefours du classement du Camino de Santiago au patrimoine de l'humanité par l'Unesco et aussi des fonds européens versés pour son réaménagement. Le pèlerin est roi en Galice et tout est prévu pour sa sécurité et son accueil. Belles sentes blanches, bornes régulières, tableaux didactiques sur les monuments et la nature...
Dernière côte et horrible raidillon éreintant pour atteindre Fonsagrada, ville perchée à 952m et donc la plus haute de Galice...St Jacques aurait fait surgir du lait pour une pauvre veuve d'une fontaine devenue sacrée toujours présente au chevet de l'église paroissiale. 
Achat de collants chauds et de gants pour les départs matinaux glacés...
Nous logerons à l'albergue Cantabrico où les pèlerins sont accueillis par une hospitalière en blouse blanche ...et mangerons au restaurant du même nom avec deux australiens retraités dont un âgé de 75 ans et un allemand à la bonne quarantaine en demi-année sabbatique. Partage de vie sur ce chemin unique fréquenté par les chercheurs d'étoiles ...
À l'heure où nous nous couchons les Espagnols du groupe commencent à prendre l'apéritif ...la fiesta se terminera un peu bruyamment  à 5h...mais ils seront sur le chemin vers Castroverde à 9h. 

Nous pénétrons en vrai pays celte sur l'alto del Montouto à 1050m, battu par les vents et planté de bruyères  où nous découvrons une petite chapelle dédiée à Santiago, les ruines bien restaurées d'un hôpital royal fondé en 1357 pour les pauvres Jacquets et un dolmen. Superposition des strates d'une longue histoire sous la Voie lactée (la Milkyway traduit une jeune estonienne ) dans laquelle nous posons nos pas...

Nous descendons, fascinés par un paysage grandiose de montagnes vierges de toute présence humaine, dans les fougères dorées une piste aux odeurs d'automne jusqu'à un petit bar rustique tenu par un argentin. Coca et thé selon les envies, à chacun son carburant, et quelques pas de danse avec Sandra sur la Macarena lancée par Serge...Ambiance sur le Camino!!!

 Mais la route est encore bien longue et les pénibles montées  à rallonges en sous-bois n'ont pas fini d'exiger ardeur et persévérance. Que le sac est lourd ! Je pense à tout l'inutile dans le peu que je transporte et ...il est des voyages étranges où on jetterait immédiatement son baluchon dans le fourré ...
Les villages présentent de grosses bâtisses carrées aux murs de pierres plates bien ajustées et aux toits d'ardoises en écailles de poisson, des fours à pain, des étables arrondies, des lavoirs et toujours de petites églises romanes trapues au clocher baroque élégant; on aperçoit parfois l'autel fleuri à travers les barreaux de la porte. Le cimetière avec ses caveaux de grès  est tout proche et bien entretenu. Impression de remonter le temps...les vaches sont passées avant nous ...ou avec nous au carrefour suivant: elles broutent avec appétit l'herbe plus verte des fossés.

Il fait décidément bon vivre sur le Camino Primitivo moins fréquenté, plus authentique au cœur d'une belle nature.

À Castroverde, après 28 km , enfin une bonne douche et ensuite, conseillés par le guide Jacobeo du pèlerin allemand, nous nous rendons dans la Pension Cortes ...suite à la bière servie avec un œuf cuit dur et des noix sur la table en Formica du bar , nous pouvons passer dans la salle à manger où notre hôtesse souriante coiffée d'un petit chapeau noir de chef-coq nous sert le bouillon et puis la viande en sauce avec les frites et les tomates du jardin qu'elle nous fait admirer en contrebas. Soudain, quelques mots de français appris autrefois à l'école et quelques pas de la Jota dansée avec grâce et fierté depuis l'enfance...Nous l'applaudissons! Sa fille surgie de la cuisine vient nous parler couramment en français et ensuite à notre plus grand étonnement ... en flamand appris à Anvers , ville qu'elle adore...comme Gand et toute la Belgique ! Une belle leçon pour nous qui avons tellement oublié cette langue étudiée si longuement...Quelles belles rencontres! Nous sommes tout émerveillés !
  

Les espagnols prennent toujours l'apéro au bar du coin...nous rentrons payer notre logement à l'hospitalière municipale de permanence jusque 10h dans la nouvelle albergue sans âme où les lumières vont bientôt s'éteindre automatiquement dans un dortoir glacé ( sans couvertures) pour nous éblouir le lendemain à 6h45 et nous pousser par 3 degrés sur le chemin vers Lugo quasi tous en même temps . 

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